10 millions de dollars de Pierre-Karl Péladeau: un ex-employé de TVA Sports en furie

10 millions de dollars de Pierre-Karl Péladeau: un ex-employé de TVA Sports en furie

Par David Garel le 2024-12-04

Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction de Québecor, a marqué un grand coup en annonçant un don historique de 10 millions de dollars à la Fondation du CHU de Québec.

Ce geste philanthropique, le plus important de l’histoire de la Fondation, vise à financer des projets essentiels, comme l’acquisition d’équipements de pointe pour le Centre intégré de cancérologie du CHU, qui portera désormais le nom de Pierre Péladeau, en hommage au fondateur de Québecor.

Mais alors que cette annonce aurait dû être une célébration unanime, elle a rapidement été éclipsée par des critiques acerbes, notamment de la part d’anciens employés de Québecor.

Pour eux, ce geste philanthropique est difficile à digérer compte tenu des récentes vagues de congédiements et des pertes financières astronomiques de certaines divisions de l’empire médiatique.

Le don de 10 millions est un geste noble, salué par des figures publiques comme le ministre de la Santé, Christian Dubé, et le maire de Québec, Bruno Marchand.

« C’est émouvant. Il faut continuer à faire ces investissements-là », a affirmé Dubé, rappelant l’importance des contributions des entreprises québécoises au bien-être collectif.

Cependant, ce grand geste survient à un moment où Québecor est embourbé dans des défis colossaux. TVA Sports, plombée par des pertes cumulées de 300 millions de dollars depuis sa création, attire désormais moins de spectateurs que certaines télévisions communautaires.

QUB Radio, censée révolutionner le paysage radiophonique québécois, stagne avec des cotes d’écoute catastrophiques, malgré l’acquisition de la fréquence 99,5 FM.

Pour de nombreux anciens employés de Québecor, ce don est perçu comme une gifle. Plusieurs d’entre eux, ayant perdu leur emploi dans les récentes coupes budgétaires, expriment leur incompréhension.

« On nous disait que l’entreprise manquait de liquidités, que chaque dollar comptait, et maintenant, on apprend qu’ils donnent 10 millions? » déplore un ex-employé de TVA Sports sous le couvert de l'anonymat.

Cette frustration n’est pas sans fondement. Québecor a dû emprunter 91 millions de dollars à sa société mère pour stabiliser ses finances, et la marge de crédit de TVA a été drastiquement réduite.

Ces réalités financières peignent un tableau d’une entreprise en difficulté, rendant ce don d’autant plus surprenant.

Au cœur des critiques se trouve également le salaire de Pierre Karl Péladeau. Bien qu’il soit connu pour son mode de vie austère – il refuse d’acheter des cravates à 200 $ et préfère les hôtels modestes –, son salaire demeure un sujet de controverse, surtout dans un contexte où Québecor licencie à tour de bras.

L’ironie est frappante : alors que Péladeau se présente comme un entrepreneur frugal, ses employés voient leurs postes supprimés pour financer des pertes, tandis qu’un don de 10 millions de dollars alimente une controverse publique.

Jean-Charles Lajoie, figure controversée de TVA Sports, illustre parfaitement le dilemme actuel de Québecor. Avec un salaire annuel de 400 000 $ et des cotes d’écoute souvent qualifiées de « dignes de la télé communautaire », Lajoie est devenu un bouc émissaire pour les critiques internes et externes.

Sa relation étroite avec Péladeau, bien que fondée sur des expériences personnelles communes, est perçue comme un exemple de favoritisme dans une entreprise en crise.

Malgré ces critiques, le don de Québecor reste un geste significatif qui aura un impact réel sur la lutte contre le cancer au Québec.

« C’est un exemple pour les entrepreneurs », a déclaré Pascal Paradis, député péquiste, soulignant l’importance de bâtir un Québec où les entreprises locales jouent un rôle central.

Cependant, ce geste altruiste met également en lumière les défis internes de Québecor. Entre les pertes financières, les critiques sur le salaire de Péladeau et les divisions en crise, l’entreprise fait face à une tempête médiatique sans précédent.

Pierre Karl Péladeau se trouve à un carrefour critique. Son don de 10 millions, bien qu’un acte de générosité remarquable, soulève des questions sur la gestion de Québecor et ses priorités.

Pour les partisans, il est un visionnaire qui investit dans l’avenir du Québec. Pour ses détracteurs, il incarne les excès d’un empire médiatique en déclin, où les gestes grandioses masquent une réalité économique inquiétante.

À l’approche de Noël, ce don restera dans les mémoires comme un geste à double tranchant, à la fois une preuve de la grandeur de Québecor et un rappel des profondes fractures internes qui menacent l’empire Péladeau.

Une chose est certaine : même les plus beaux gestes de Pierre Karl Péladeau ne semblent pas pouvoir éteindre les feux qui brûlent son empire.

Les couloirs de Québecor résonnent encore des décisions brutales de 2023, alors que près de 50 % des employés du Groupe TVA ont été remerciés.

Pendant ce temps, les hauts dirigeants se partagent des millions, illustrant une fracture criante entre ceux qui dirigent et ceux qui font tourner la machine.

Selon des documents réglementaires, les cinq principaux dirigeants de Québecor se sont partagé 13,8 millions de dollars en 2023, soit une augmentation de 115 % par rapport à l'année précédente.

Ce chiffre est particulièrement difficile à avaler pour les 547 employés licenciés du Groupe TVA et les 240 autres remerciés quelques mois plus tôt.

Ces travailleurs, souvent parents de jeunes enfants, ont vu leur monde s'écrouler tandis que les dirigeants voyaient leur rémunération grimper en flèche.

Pierre Karl Péladeau lui-même a bénéficié d'une augmentation de 57 % en 2023, portant sa rémunération totale à 4,9 millions de dollars.

Cette somme inclut 423 000 $ pour son rôle temporaire à la tête de Groupe TVA. Pendant ce temps, deux de ses frères, Jean B. et Érik Péladeau, ont respectivement empoché 1,9 million $ et 920 700 $.

Ces chiffres choquent, surtout dans un contexte où Péladeau demandait des subventions gouvernementales pour sauver ce qu'il appelle les « vrais médias ».

La famille Péladeau détient un contrôle quasi absolu sur Québecor. Avec 76 % des droits de vote, Pierre Karl Péladeau règne en maître.

Sa fortune personnelle, alimentée par la valeur des actions de Québecor, est estimée à 2,4 milliards de dollars.

Pourtant, cette richesse n'a pas empêché des coupes budgétaires drastiques, laissant des centaines de familles dans une situation précaire.

Alors que Péladeau multiplie les appels à l'aide au gouvernement pour préserver « les vrais médias », ses actions semblent raconter une autre histoire.

Les employés congédiés peinent à comprendre pourquoi une entreprise qui semble si prospère continue de faire peser le poids des sacrifices sur leurs épaules.

Le contraste entre la générosité publique de Québecor et les décisions internes brutales est flagrant.

Le contrat de diffusion de la LNH, qui expire en 2026, est vu comme le dernier souffle de TVA Sports. La fermeture de la chaîne semble inévitable, et les employés encore en poste craignent le pire. 

Le don de 10 millions de dollars au CHU de Québec aurait pu être un moment de célébration pour Québecor. Mais pour les employés licenciés, il sonne comme une insulte.

Comment justifier une telle générosité externe alors que des familles entières ont été sacrifiées au nom de la rentabilité?

« La situation déficitaire dans laquelle se trouve le Groupe TVA n’est pas viable », avait déclaré Péladeau en annonçant les licenciements, les larmes aux yeux.

Pourtant, ces mots semblent faux face aux millions distribués aux dirigeants et à des bonnes causes d’envergure.

Les employés se demandent : pourquoi cet argent n’a-t-il pas été utilisé pour sauver des emplois?

Pierre Karl Péladeau navigue dans une mer agitée. Entre sa générosité, des décisions internes contestées et une crise structurelle qui engloutit TVA Sports et QUB Radio, l’avenir de Québecor semble de plus en plus fragile.

Les employés licenciés, les critiques internes et l’indignation publique témoignent d’un empire médiatique qui s’éloigne de ses bases.

Le don au CHU de Québec, bien qu’admirable, ne pourra effacer les blessures profondes infligées à des centaines de travailleurs.

Et à mesure que les défis s’accumulent, la question persiste : Pierre Karl Péladeau pourra-t-il sauver Québecor sans sacrifier davantage de vies professionnelles?

Pour l’instant, l’homme d’affaires avance, mais chaque décision semble le rapprocher un peu plus du précipice.