Quand Réjean Tremblay parle, le Québec l’écoute.
Encore plus lorsqu’il s’agit de TVA Sports. Proche de l’empire Québecor, intime de Pierre Karl Péladeau depuis des décennies, Tremblay n’est pas du genre à lancer des phrases à la légère.
Et pourtant, son passage à Hockey30 a sonné comme un véritable avis de décès pour la chaîne sportive:
Ses employés ont dû avoir des sueurs froides dans le dos en écoutant l'extrait vidéo suivant:
« Jamais ils ne mettront 220 millions par année pendant 10 ans pour garder des matchs, » a-t-il lâché, catégorique. Une phrase qui résonne comme le dernier clou dans le cercueil.
Les employés de TVA Sports, je les comprends… mais qu’on se le dise, le deal est déjà réglé. Rogers veut amortir ses 11 milliards. TVA est éjectée, point.
Des mots froids, sans espoir, mais d’autant plus lourds qu’ils viennent d’un homme qui, pendant des années, a défendu bec et ongles la maison Québecor.
De l’entendre dire, lui, que TVA Sports n’a plus aucun avenir, c’est une gifle monumentale. Une gifle pour le public… et surtout pour les employés, déjà terrorisés par les licenciements en série.
Pierre-Karl Péladeau est à la croisée des chemins.
Il y a des moments charnières dans l’histoire d’une entreprise. Des instants où les masques tombent et où l’on ne peut plus prétendre que tout va bien. Pour TVA Sports, ce moment est arrivé.
Lors de l’assemblée annuelle des actionnaires de Groupe TVA en mai dernier, Pierre Karl Péladeau a surpris même ses plus proches alliés en admettant l’impensable :
« Il ne faudrait pas s’étonner que TVA Sports cesse ses activités. »
Le ton était solennel, presque résigné. Après avoir investi plus de 230 millions de dollars dans une chaîne qui n’a jamais trouvé son modèle économique, PKP a lâché cette phrase assassine :
« Don’t throw good money after bad ! [Arrêtez les dégâts !] »
Un constat brutal. TVA Sports est un gouffre, et même son créateur ne croit plus à son sauvetage.
Si les paroles de Péladeau ont secoué l’industrie, c’est l’analyse du conseiller de la Banque Nationale, Adam Shine, qui a fini d’achever les espoirs.
« TVA Sports ne fait tout simplement pas partie des plans de Rogers », a-t-il lâché. Une phrase simple, mais implacable.
Ce n’était plus une hypothèse, c’était une condamnation. Le prochain contrat de 11 milliards signé par Rogers avec la LNH n’inclut pas Québecor. Pas de clause de survie. Pas de compromis. Rien.
Réjean Tremblay, ce vieux routier qui connaît les coulisses mieux que quiconque, a résumé la situation avec sa franchise légendaire :
Jamais, au grand jamais, Québecor ne mettra autant d'argent pendant 10 ans pour garder des matchs de hockey, alors que les jeunes n’écoutent plus la télé. C’est de la folie pure.
Cet extrait vidéo veut tout dire. C'est la fin de TVA Sports:
Quand même Réjean, jadis proche de PKP, se permet une telle déclaration, c’est que la messe est dite.
Pendant que les dirigeants parlent en millions et en milliards, ce sont les employés de TVA Sports qui vivent l’angoisse au quotidien. Monteurs, caméramans, recherchistes, analystes : tous sentent le sol se dérober sous leurs pieds.
Depuis 2011, ils ont cru au rêve de PKP. Ils ont cru qu’en défiant Bell, TVA Sports pouvait devenir une alternative forte, populaire, différente. Ils ont travaillé d’arrache-pied, souvent dans l’ombre, pour offrir une couverture crédible.
Et voilà qu’aujourd’hui, tout s’écroule. Dans les bureaux, l’ambiance est lourde. Les conversations de corridor sont teintées de nervosité. Chaque silence de la haute direction est interprété comme un mauvais présage.
« C'est bientôt la fin », confiait un employé récemment.
Ils savent que les licenciements viendront. Ils savent que, malgré les discours officiels, il n’y aura plus de place pour eux dans le futur paysage télévisuel.
Ce qui choque le plus, c’est le paradoxe criant entre les appels au financement public de PKP et la réalité de ses propres revenus. En 2024, Pierre Karl Péladeau s’est octroyé une rémunération colossale de 20,4 millions de dollars.
Sa famille, actionnaire de contrôle, nage littéralement dans les dividendes. Les cinq principaux dirigeants de Québecor se sont partagés près de 14 millions en 2023, soit une hausse de 115 % en un an.
Et pourtant, c’est le même PKP qui se présente devant les caméras pour réclamer de l’aide, dénonçant les GAFAM et appelant Ottawa et Québec à « sauver la télévision privée québécoise ».
Un milliardaire qui demande aux contribuables d’éponger les pertes d’une chaîne déficitaire. Un contraste qui scandalise de plus en plus l’opinion publique.
Il faut le rappeler : TVA Sports n’a jamais réussi à s’imposer face à RDS. Dès 2014, Québecor a misé sur le hockey pour percer.
Mais le Canadien n’a pas aidé : une seule participation aux séries depuis 2017, une finale surprise en 2021 lors de la fausse saison de la COVID… et un désert avant et après.
Bell, de son côté, a joué la carte du long terme. RDS a accepté de perdre des plumes, mais c’est Crave, la plateforme numérique, qui est devenue son arme fatale. Aujourd’hui, Rogers et Bell se partagent le gâteau. TVA Sports n’a même plus une chaise à la table.
Réjean Tremblay est l'une des voix les plus respectée du Québec. Son verdict est sans appel.
Tremblay ne se contente pas de critiquer. Il explique. Il rappelle que les habitudes d’écoute des jeunes ont changé. Que personne, chez les 18-25 ans, ne regarde un match complet de 3 heures. Que TikTok, YouTube et Instagram ont volé l’attention.
Pour lui, le combat de PKP est perdu d’avance. Investir des centaines de millions pour des droits que personne ne consommera plus comme avant, c’est jeter l’argent par les fenêtres.
PKP peut bien multiplier les plaidoyers, mais il n’y a plus de modèle économique pour TVA Sports.
Tout est là.
Les aveux de Péladeau à ses actionnaires.
La conclusion implacable du conseiller bancaire.
Le couperet médiatique de Réjean Tremblay.
Et surtout, l’angoisse des employés, pris au piège d’un navire qui coule.
TVA Sports n’était pas seulement une chaîne. C’était un rêve. Le rêve d’un empire médiatique qui croyait pouvoir défier Bell. Le rêve d’une alternative populaire.
Aujourd’hui, ce rêve se fracasse contre la réalité.
Et la phrase de PKP résonne comme un clou dans le cercueil:
« Don’t throw good money after bad. »
Il ne reste plus qu’à refermer... le cercueil....