700 000 dollars et voiture de luxe: la fuite de Rafaël Harvey-Pinard

700 000 dollars et voiture de luxe: la fuite de Rafaël Harvey-Pinard

Par David Garel le 2025-06-17

L'été 2025 s'annonce comme une tragédie pour Rafaël Harvey-Pinard et sa famille.

Le rideau va tomber sur l'une des histoires les plus tristes et brutales du hockey québécois des dernières années : la fin de l'aventure de Raphaël Harvey-Pinard dans l'organisation du Canadien de Montréal.

Cette fois, il n'y a plus de doute. Aucun message à lire entre les lignes. Harvey-Pinard, autrefois perçu comme un symbole de résilience, ne recevra pas d'offre qualificative du CH. Il est à la recherche d'un emploi. Sans contrat. Sans avenir en Amérique du Nord.

Et pour cause : après une saison 2024-2025 minée par une fracture à la jambe subie dans un match de balle molle durant l'été, Harvey-Pinard a enchaîné les malchances.

Ralenti sur ses patins, dépourvu d'explosivité, il n'a jamais pu retrouver le rythme. Il a été renvoyé à Laval, a périodiquement été rappelé pour réchauffer la galerie de presse à Montréal, et a fini sa saison blessé à l'épaule. Une fin de parcours misérable, symbolique d'une année où tout a mal tourné.

Harvey-Pinard, 26 ans, ne recevra pas d'offre qualificative. Celle-ci aurait été de 1 million de dollars. Le CH, qui ne veut pas gaspiller l'un de ses 50 contrats sur un joueur qui n'a plus aucun avenir dans l'organisation, va le laisser devenir joueur autonome. Et il est peu probable qu'une autre formation de la LNH s'aventure à lui offrir un contrat, même à deux volets.

À ce stade-ci, même la Ligue américaine pourrait lui tourner le dos. C'est dire à quel point la chute est vertigineuse pour celui qui a tout de même été millionnaire.

Car oui, il faut le rappeler : Harvey-Pinard a touché 2,2 millions de dollars grâce à son contrat accordé par Kent Hughes à l'été 2023. Un contrat qu'il n'a jamais justifié sur la glace. Mais de ce montant, combien lui reste-t-il?

Les impôts fédéraux et provinciaux ont englouti près de la moitié. Son agent a pris sa cote, estimée entre 5 et 10 %. Il a dû payer ses entraineurs, nutritionnistes, et frais de rééducation. Il reste très peu dans ses poches, surtout pour un athlète de haut niveau qui doit maintenant envisager la suite... loin de la LNH.

La seule option viable aujourd'hui pour Harvey-Pinard est l'Europe. Pas la KHL : son corps fragile ne survivrait pas au style brutal du hockey russe. Pas l'Allemagne non plus, qui favorise les gros gabarits et la vitesse.

Mais la Suisse, ça, c'est différent.

La National League (NL) est reconnue pour sa qualité de jeu, ses conditions de vie exceptionnelles et sa gestion humaine des joueurs. Marc-Antoine Pouliot, ancien du CH et aujourd'hui véritable vedette à Genève, en est un ambassadeur convaincu.

« J'ai la voiture et l'appartement dans mon entente. Les conditions sont formidables, » avait confié Pouliot dans une entrevue la la presse montréalaise.

« C'est une des meilleures choses qui me soient arrivées. Autant sur le plan professionnel que personnel. J'ai rencontré ma femme ici, mes enfants sont nés ici. Je me sens autant à la maison en Suisse qu'au Canada. »

Pouliot empoche près 750 000 $ américains par année, net d'impôt. Et ce n'est pas tout : la voiture est souvent une BMW ou une Mercedes. L'appartement, une unité luxueuse, en ville ou près des montagnes. On parle d'une qualité de vie qui ferait rêver n'importe quel joueur de la AHL.

Clairement, Harvey-Pinard devra viser moins que 750 000 dollars. Après tout, cela fait 14 ans que Pouliot évolue dans la ligue suisse. Reste que s'il déniche un contrat, il pourrat clairement empocher près entre 300 000 et 700 000 dollars US si son agent fait le travail.

Quand tu t’installes en Suisse comme joueur de hockey étranger, tu ne poses pas seulement tes valises : tu entres dans un monde où tout est pensé pour t’offrir une vie confortable, stable, et digne d’un professionnel de haut niveau.

Le style de vie? Rien à voir avec les nuits sans sommeil dans les hôtels de la ligue américaine ou les trajets en autobus entre Laval et Syracuse.

En Suisse, tu voyages en train ou en vol rapide à travers un pays d’une taille humaine. Fini les valises éternelles. Fini l’incertitude de ne pas savoir si tu dors chez toi ou dans une chambre d'hôtel "cheap". Tu rentres chez toi après les matchs. Tu vois ta famille. Tu vis.

Et c’est sans parler du traitement salarial. Tu ne verses rien au fisc local. Ce que tu signes, c’est ce que tu gardes. En tenant compte des avantages comme le logement, la voiture, les assurances familiales et les billets d’avion couverts pour les proches, plusieurs joueurs canadiens, y compris ceux qui n’ont jamais mis un pied dans la LNH, touchent plus que dans la Ligue américaine… et parfois presque autant que le salaire minimum de la LNH.

Ton argent vaut plus là-bas. Tu vis bien, tu dépenses peu, et tu construis un avenir solide.

Pouliot, comme d’autres Québécois avant lui, n’a jamais regretté son saut. Il a rencontré sa conjointe là-bas, a vu naître ses enfants à Genève et s’est installé dans une routine équilibrée où le hockey n’absorbe pas toute l’existence.

« Je me sens autant à la maison en Suisse qu’au Canada. Pour moi, ç’a été exceptionnel que la Suisse m’ait trouvé. »

Et il n’est pas le seul. Maxim Lapierre, David Desharnais, Marc-André Bergeron, tous ont trouvé en Suisse une forme de deuxième carrière, et surtout une qualité de vie inégalée.

Pour un joueur comme Raphaël Harvey-Pinard, ce modèle est clairement le plus logique à envisager. Le contexte émotionnel et financier serait beaucoup plus favorable qu’une tentative désespérée de rester en Amérique du Nord.

En Suisse, tu n’es pas traité comme un bouche-trou qu’on place sur un quatrième trio pour combler un trou. Tu es une ressource précieuse.

On t’évalue dès le départ, oui, mais on te donne aussi un vrai rôle, une vraie place dans la hiérarchie du club. Et contrairement à la LNH où un mauvais camp d’entraînement peut t’exiler dans les mineures aussitôt, en Suisse, tu as le droit à une adaptation, à une progression.

Pas de ballottage, pas de stress constant sur ton avenir, pas de combats pour rester dans la rotation. Tu as un rôle, tu as un toit, tu as une voiture, tu as une vie. Et tu as une paie digne, nette, et garantie.

Pour Harvey-Pinard, ce serait une bouée de sauvetage. La Suisse aime les joueurs d'énergie. Maxim Lapierre a connu une deuxième carrière flamboyante là-bas. RHP a peut-être le profil pour devenir un joueur utile sur un deuxième ou troisième trio dans une équipe comme le Biel HC, Geneve Servette, Zurich ou Fribourg-Gotteron.

Mais attention : ce n'est pas une promenade dans le parc. La Suisse n'offre pas de contrat par charité. Il faudra convaincre. Montrer qu'il est remis. Qu'il peut patiner. Qu'il peut suivre le rythme. Son agent, qui a déjà encaissé sa commission sur le 2,2 millions, devra maintenant travailler pour de vrai.

Et si la Suisse ne mord pas, Harvey-Pinard devra regarder plus bas : la France, l'Italie, voire l'Autriche. Mais ces ligues sont moins payantes, moins prestigieuses. En France, les salaires tournent autour de 50 000 à 90 000 euros par année maximum. On est très loin de la LNH.

Il pourrait aussi envisager de joindre un club en Slovénie ou au Danemark, mais à ce stade, on parle plus de survie que de relance de carrière.

Et pendant ce temps, il devra vivre avec ce regret : avoir tout perdu à cause d'une partie de balle molle. Une fracture de la jambe au champ centre, sur une glissade mal calculée. Le début de la fin.

Harvey-Pinard croyait que le CH était sa famille. Il croyait qu'en signant son contrat, il avait trouvé un foyer. Mais cette "famille" est partie en Californie sans lui. Cette "famille" a préféré Pezzetta. Cette "famille" n'a même pas pris la peine de lui offrir un dernier tour de piste.

Et aujourd'hui, en ce mois de juin 2025, il est seul. Devant le vide. Avec l'espoir, peut-être, d'un téléphone venu d'Europe.

Mais une chose est sûre : le chapitre Montréal est terminé. Définitivement.

Raphaël Harvey-Pinard, ce n'était pas un joueur de LNH. C'était un mirage. Un moment d'émotion qui n'a pas survécu à la réalité physique de la ligue.

Il est temps de rebondir. En Suisse. Ou ailleurs. Mais loin de Laval. Et loin de cette LNH qui l'a dévoré sans pitié.

L'histoire est finie.

Maintenant, il doit en écrire une nouvelle. S'il en est encore capable.