72 millions de dollars: Lane Hutson à la croisée des chemins

72 millions de dollars: Lane Hutson à la croisée des chemins

Par David Garel le 2025-06-28

C’était le coup parfait. Un véritable bijou de gestion contractuelle.

En signant Noah Dobson pour 8 ans à 9,5 millions de dollars par saison, Kent Hughes n’a pas simplement sécurisé un défenseur droitier élite dans la fleur de l’âge, il a aussi envoyé un message brutal à son agent Sean Coffey : ici, c’est le Canadien de Montréal qui fixe les règles.

Et dans la guerre psychologique qui s’annonce autour de Lane Hutson, Hughes vient de prendre une longueur d’avance.

Car tout commence le 1er juillet. Dès cette date, Lane Hutson devient officiellement éligible à une prolongation de contrat.

Et cette fois, fini les bonbons de l’entrée dans la LNH. On parle maintenant de gros sous. D’un contrat à long terme. D’une entente qui pourrait faire exploser la structure salariale du Tricolore.

Et Sean Coffey le sait. Il l’attendait. Il s’y préparait. Mais ce qu’il n’avait peut-être pas prévu, c’est que Kent Hughes allait mettre la main sur un comparatif en or : Noah Dobson.

Rappelons les faits. Dobson a accepté 76 millions de dollars sur 8 ans pour s’enraciner à Montréal. Un contrat de franchise. Un contrat qui, selon toutes les données disponibles, aurait pu facilement flirter avec les 11 millions s’il avait exigé le gros lot.

À 25 ans, Dobson entame sa septième saison dans la LNH. Il a déjà trois campagnes consécutives de plus de 49 points (51-49-70) dont une saison phénoménale de 70 points en 2023-24, dans une équipe des Islanders complètement dysfonctionnelle. Voilà pourquoi sa saison de 39 points la saison dernière alors qu'il était en conflit ouvert avec Patrick Roy ne nous fait pas peur.

Il est droitier. Il est en pleine possession de ses moyens. Et il a accepté 9,5 M$ par saison.

C’est donc dans ce cadre précis que Sean Coffey devra maintenant faire valoir la valeur de Lane Hutson. Et autant le dire : la pente est raide.

Lane Hutson, lui, a remporté le Calder. À plate couture. Il a écrasé Dustin Wolf et Macklin Celebrini. Il est devenu le premier joueur du Canadien à gagner cet honneur depuis Ken Dryden en 1972.

Il a récolté 66 points en 82 matchs, un sommet pour un défenseur recrue depuis Brian Leetch. Il a dirigé le jeu de puissance. Il a fait taire tous les sceptiques, même ceux qui le disaient trop petit, trop frêle, trop risqué.

Mais malgré toute cette euphorie, une ombre plane : peut-il répéter l’exploit en séries?

C’est là que Coffey tente de jouer sur deux tableaux. D’un côté, il veut faire reconnaître la valeur immédiate de son client, sa popularité, son impact offensif et sa commercialisation possible dans le plus gros marché hockey au monde.

De l’autre, il doit composer avec le fait qu’Hutson n’a qu’une saison professionnelle dans le corps… et que la question des séries reste entière, alors qu'il n'était pas du tout le même joueur contre les Capitals qui l'ont brassé pas à peu près.

Voici donc le dilemme :

Option 1 : contrat de transition. Le camp Hutson pourrait réclamer un contrat de 3 ou 4 ans autour de 7 à 8 M$ par saison, en espérant que le défenseur explose encore plus et puisse réclamer ensuite une fortune. Exactement comme Auston Matthews l’a fait à Toronto.

Option 2 : contrat long terme maintenant. Et c’est là que la signature de Dobson devient un piège tendu par Kent Hughes. Car en donnant 9,5 M$ par année à un défenseur droitier établi, il devient pratiquement impossible de justifier que Hutson, une recrue la saison dernière, rappelons-le, obtienne plus. Même égaler ce montant semble excessif.

Tout indique donc que Hughes s’apprête à proposer un contrat de 8 ans, autour de 9 M$ par saison pour un total de 72 M$.

Ce serait déjà un geste historique pour une recrue qui n’a pas encore franchi le cap de deux saisons.

Mais Coffey pourrait hésiter. Il pourrait vouloir imiter Matthews, signer un contrat de 4 ans autour de 8 M$, puis tout faire sauter en 2029.

Ce qui complique encore les choses, c’est que la fenêtre pour signer des contrats de 8 ans se referme sous la prochaine convention collective.

La durée maximale pour un joueur sous contrat sera de 7 ans alors que sur le marché des agents libres, ce sera 6 ans, comme dans la NBA.

Le clan Hutson doit donc se demander : est-ce qu’on sécurise maintenant? Ou est-ce qu’on parie sur nous-mêmes?

Pendant ce temps, Kent Hughes, lui, regarde les chiffres avec un petit sourire en coin.

Même si le plafond monte à 95,5 M$ cette année et à 113 M$ en 2027, Hughes sait qu’un contrat supérieur à celui de Dobson créerait un précédent toxique dans le vestiaire.

Suzuki touche 7,875 M$. Caufield, 7,85 M$. Guhle, 5,5 M$. Si Hutson explose tout avec un contrat de 10 M$, le groupe explose aussi. Et la structure s’effondre.

Dans tout cela, Sean Coffey est de plus en plus isolé. Il a déjà perdu une manche contre Hughes dans le dossier Jacob Fowler.

En refusant de brûler une année de contrat d’entrée pour Fowler, Hughes a mis Coffey devant un mur. Résultat? Le jeune gardien est resté à Laval avec un contrat d’essai à bonus minimal. Une défaite humiliante pour Coffey.

Et voilà que le même Coffey doit maintenant négocier Hutson, face à un DG qui vient de signer Dobson au rabais. La pression est immense.

Hughes a tout planifié. Il savait que signer Dobson avant le 1er juillet allait lui donner un levier pour gérer Hutson. Il a envoyé un message clair au reste de la ligue : Montréal est une destination crédible, avec des contrats solides, mais raisonnables.

Et cette stratégie pourrait se poursuivre. Car avec Dobson sous contrat, Matheson pourrait être échangé. Ça libère encore de la masse. Ça ouvre une possibilité d’ajouter un centre. Et tout ça… sans déséquilibrer le groupe.

Lane Hutson est peut-être le prochain visage du Canadien. Il est peut-être la future superstar de la ligne bleue. Mais aujourd’hui, il se retrouve pris dans un jeu d’échecs mené par un DG qui vient de jouer un coup de maître.

Soit Hutson accepte un contrat de 8 ans, autour de 9 M$, et s’assure un avenir doré… soit il mise sur lui-même, prend le risque du contrat-pont, et retarde le pactole à plus tard.

Mais une chose est sûre : Sean Coffey vient de comprendre que dans cette bataille-là… Kent Hughes est le maître à bord...