900 000 dollars en-dessous de la table: Vincent Lecavalier pris la main dans le sac

900 000 dollars en-dessous de la table: Vincent Lecavalier pris la main dans le sac

Par David Garel le 2025-07-16

Le 15 juillet, le Canadien annonce discrètement la signature à sens unique de Joe Veleno : 900 000 $ garantis. Trois lignes dans un communiqué, un gazouillis sur X, merci bonsoir.

Sauf qu’en fouillant, on découvre que le nouveau client de Montréal est représenté par Philippe Lecavalier, associé-directeur chez Quartexx Management… l’agence cofondée par Kent Hughes et toujours dirigée par son frère, Ryan Hughes.

Ajoutez à ça que Philippe est le frère cadet de Vincent Lecavalier, conseiller spécial du DG, déjà soupçonné d’être la tête pensante d’un country club bien à l’abri sous le soleil floridien.

Pour la première fois, toutes les pièces se collent : un joueur sans marché obtient une entente « garantie » alors que personne, ailleurs dans la Ligue, ne voulait risquer un contrat à un volet.

Montréal, elle, signe sans cligner des yeux. Pourquoi ? Parce que la famille Lecavalier est à la manœuvre et que Kent Hughes lui doit, littéralement, sa carrière.

Retour en arrière. Début des années 2000. Kent Hughes, jeune avocat de Boston (né à Beaconsfield au Québec), fraîchement reconverti en agent, vient de perdre Alex Tanguay et pense raccrocher.

Il tente alors un coup de dés : convaincre Vincent Lecavalier, déjà vedette du Lightning, de devenir son client. Au téléphone, Lecavalier accepte.

Sans cet appel, Hughes l’a admis au Journal de Montréal :

« J’aurais quitté le milieu. »

La suite est connue : un contrat record de 85 M $ sur 11 ans, puis un autre à Philadelphie (22,5 M $) négocié quand l’attaquant était « fini à la corde ». Total : 135 M $ engrangés, et une légende : Hughes, l’agent qui arrose ses amis d’or. L’interdépendance est cimentée.

Quand Hughes devient DG du CH en 2022, il cède ses parts mais reste proche, impossible autrement : son frère dirige toujours Quartexx. 

Philippe Lecavalier y gère les patineurs francos. Aujourd’hui, Quartexx pèse environ 290 M $ en contrats actifs. Dans ce microcosme, la frontière entre affaires privées et décisions sportives se brouille.

Veleno en est l’exemple brut : aucun club ne voulait garantir un salaire LNH ; Quartexx décroche pourtant la signature grâce à la porte que tient… l’ex-copropriétaire de l’agence. Simple faveur ? Conflit d’intérêts ? Les deux.

Pendant ce temps, Vincent Lecavalier habite toujours Tampa. Il entraîne son fils Gabriel, suit ses filles dans les tournois de golf. Il l’a confié au Soleil :

« Si je ne suis pas sur la glace, je suis sur un terrain de golf. »

Son rôle officiel : conseiller spécial aux opérations hockey. Ses tâches réelles ? « Toute autre tâche connexe », ironisent même les journalistes de La Presse.

Translation : regarder des vidéos, répondre au téléphone, donner son feeling. Le paradis : un chèque montréalais, la mer, le soleil, aucun compte à rendre.

Printemps 2025, Montréal cherche un nouvel entraîneur-chef pour le Rocket. Dans la dernière entrevue, Vincent Lecavalier s’assoit, défend bec et ongles Pascal Vincent, fraîchement limogé à Columbus après avoir, dixit plusieurs joueurs, « détruit la chambre ».

Malgré ce passé douteux, Hughes approuve. Résultat : un coach autoritaire, déjà impopulaire, chargé de piloter le développement d’espoirs fragiles. Pourquoi ce choix ? Parce que Lecavalier l’a dit. Preuve supplémentaire que l’ami-conseiller n’est plus un figurant : il décide.

Au final, il faut avouer qu'il avait raison dans ce dossier. Vincent a été nommé coach de l'année dans la ligue américaine.

Revenons à aujourd'hui. Joe Veleno, 306 matches, racheté par Seattle, ignoré sur le marché, reçoit un contrat à sens unique. Hors de Montréal, les directeurs généraux rient :

« Il acceptait un PTO n’importe où ! »

Mais Quartexx, via Philippe Lecavalier, obtient mieux. Pourquoi ? Parce que le DG est un ancien associé ; parce que le conseiller spécial est son frère ; parce que le country-club tourne.

Le hic : tout est public. La LNH voit la transaction passer, connaît les liens. Personne ne bronche. Au Québec, en revanche, l’odeur s’épaissit : sentiment d’une poignée d’ex-millionnaires qui monnayent des faveurs autour d’un gin-tonic.

Le paradis fiscal des relations est au 7e ciel : comment ça fonctionne?

Recrutement : Quartexx repère un joueur en mal de contrat (Veleno).

Lobby interne : Philippe appelle Vincent, Vincent appelle Kent, Kent signe.

Narratif public : « Il nous fallait un centre gaucher ! »

Bénéfice : le joueur obtient un salaire garanti ; l’agence encaisse la commission ; le conseiller maintient son influence ; le DG « rend » un service à ceux qui l’ont sauvé il y a 20 ans.

Où est Geoff Molson ? Invisible. Pourtant, c’est son argent. Où est Jeff Gorton ? Occupé à « superviser ». Le propriétaire tolère-t-il vraiment qu’on utilise la masse salariale comme tiroir-caisse d’anciens partenaires ? Ou ignore-t-il la mécanique ?

À près de 2 millards de valeur, le CH peut absorber 900 000 $ comme on claque des doigts. Mais c’est la culture d’impunité qui dérange : le même cercle qui se nourrit dans un buffet à volonté.

Même la presse traditionnelle, longtemps complaisante, se réveille.

« Lecavalier travaille de chez lui, tâches floues, aucun compte rendu. »

 The Athletic note sa présence subite aux entrevues de Laval : tentative de prouver qu’il fait quelque chose.

Bref, le country club cherche un masque pour cacher le schéma d'amitié louche.

Officiellement, Vincent Lecavalier est « conseiller au développement des joueurs » pour le Canadien de Montréal. Mais dans les faits? Même lui peine parfois à expliquer ce que ça signifie concrètement.

« Je parle aux jeunes, je regarde leurs matchs, je discute avec Martin, avec Kent… mais ce n’est pas comme un rôle traditionnel. Je suis là quand ils ont besoin de moi », a-t-il expliqué dans une rare entrevue accordée à La Presse.

Une présence fantomatique, sans responsabilités claires, mais avec une voix dans les réunions internes. Certains parlent même d’un rôle d’ambassadeur déguisé, une façon élégante de justifier un salaire pour un ami personnel du coach et du DG.

Car c’est bien ça le point central : Lecavalier n’est pas là pour ses compétences d’analyste, mais parce qu’il fait partie du cercle rapproché de Kent Hughes et de Martin St-Louis.

Voilà pourquoi ce cercle-là, tout le monde l’appelle maintenant le Country Club. Un club sélect, tissé serré, où les décisions ne se prennent pas toujours en fonction du mérite.

St-Louis, lui-même nommé entraîneur-chef sans aucune expérience professionnelle, incarne cette logique de favoritisme assumé.

Engagé sur un coup de fil, à la suite d’un appel de l’ami de l’ami (Jeff Gorton qui nomme son ami Kent Hughes qui nomme son ami Martin St-Louis), on a reproduit ce mode de fonctionnement à l’intérieur même de l’organisation.

Martin St-Louis a prouvé qu'on avait bien fait de le favoriser. Mais est-ce que Joe Veleno sera capable de prouver que sa signature était sportive et non "privilégiée" ?

900 000 $ pour Veleno, ce n’est pas un désastre pour le cap. Mais chaque dollar compte quand vient le temps de signer Demidov long terme, de négocier avec Hutson, de prolonger Guhle.

Surtout, la culture « on récompense les amis » élimine l’exigence interne. Pendant qu’on assure un filet doré à Quartexx...

Le message aux employés : la loyauté personnelle prime sur la compétence.

La lisaison Veleno-Quartexx n’est pas qu’une anecdote : c’est la preuve tangible que, derrière la « nouvelle gestion » du Canadien, les vieux réflexes de copinage prospèrent.

Tant que Geoff Molson ne sonnera pas la fin de la récréation, tant que Hughes n’érigera pas un mur étanche entre son passé d’agent et son présent de DG, le country-club continuera de distribuer les clés du coffre entre amis de longue date.

Et, au-delà de l’éthique, il faudra voir si c'est la compétitivité même du CH qui en paiera le prix.