Il y a des choix qui passent inaperçus. Et puis il y a ceux qui, avec le recul, donnent des sueurs froides aux recruteurs qui ont osé tourner le dos.
Le nom de Bryce Pickford, sélectionné au 81ᵉ rang par le Canadien de Montréal, appartient sans doute à la seconde catégorie.
À première vue, rien d’extravagant : un défenseur droitier de six pieds, 190 livres, originaire d’Edmonton, repêché à sa deuxième année d’éligibilité, après avoir été ignoré en 2024. Mais derrière ce profil discret se cache peut-être un coup de maître. Un diamant brut, encore imparfait, mais déjà scintillant par instants.
Et à voir la stratégie des derniers mois ... Kent Hughes a un plan. Ce plan mise sur la relance, la mobilité et le jeu de transition à haute vitesse. Et Bryce Pickford incarne parfaitement cette philosophie.
On ne parle pas ici d’un défenseur de soutien. On parle d’un arrière qui attaque, qui fait mal, qui marque. La preuve? Ses 20 buts et 47 points en 48 matchs de saison régulière avec les Tigers de Medicine Hat. Mais c’est surtout en séries que Pickford a déchaîné l’imaginaire : 13 buts et 24 points en 18 rencontres, menant son équipe jusqu’à la Coupe Memorial.
Portant un « A » sur son chandail, il a non seulement agi comme moteur offensif, mais aussi comme leader. Dans les moments cruciaux, il ne fuyait jamais la responsabilité. Il se présentait, il attaquait, il frappait. Le prototype du défenseur moderne : imprévisible, capable de marquer ou de créer un jeu en une fraction de seconde.
Et voilà qu’en ce début de saison 2025-2026, le Canadien peut déjà voir son espoir franchir une étape clé : Bryce Pickford est devenu capitaine des Tigers. À 19 ans.
Une responsabilité assumée après le départ de Gavin McKenna, parti encaisser 700 000 $ à Penn State dans la vague des contrats universitaires.
À Medicine Hat, le flambeau est désormais entre les mains de Pickford. Et pour son premier match à titre de capitaine? Deux buts et une passe. Une victoire de 5-2 contre Regina. Un message clair : il n’est pas seulement un marqueur, il est un leader.
Les comparaisons sont osées, mais elles circulent. Certains observateurs voient en Pickford un style de jeu qui rappelle Cale Makar. Pas le même niveau de domination, bien sûr, mais une manière semblable de cacher ses intentions, bouger latéralement, feinter et décocher un tir précis sans avertir.
Pickford adore se positionner au point d’appui, bouger avec fluidité et créer des lignes de tir invisibles pour les défenseurs adverses. Son tir frappé est puissant, son lancer des poignets précis. Il a ce flair de l’attaque à cinq qui transforme un avantage numérique en cauchemar pour les gardiens.
Pourquoi a-t-il glissé?
Mais alors, pourquoi un tel talent a-t-il été ignoré en 2024? Pourquoi encore classé ridiculement bas (jusqu’à 262ᵉ dans certains classements) en 2025?
Les doutes étaient connus : développement tardif, réputation d’un joueur unidimensionnel, lacunes défensives, manque de robustesse. Six pieds, c’est correct, mais pas dominant. Pas de gabarit effrayant.
Sauf que Pickford a évolué. À Medicine Hat, il a appris. Il sait maintenant quand appuyer l’attaque et quand reculer. Il lit les trajectoires, coupe les jeux, compense ses carences physiques par son intelligence.
Et surtout, il patine comme peu de défenseurs de sa cuvée. Sa mobilité lui permet de revenir rapidement en position. Bref : il a corrigé l’étiquette de joueur irresponsable.
En réalité, la sélection de Pickford n’est pas un coup isolé. Elle s’inscrit dans un puzzle beaucoup plus vaste. Avec Dobson verrouillé à long terme, Hutson déjà couronné recrue de l’année, Engström qui pousse fort et Reinbacher qui s’installe, Montréal construit une armée de défenseurs modernes.
Pickford est la pièce qui complète ce casse-tête. Le Canadien ne mise plus seulement sur la robustesse ou la défensive hermétique : il bâtit une ligne bleue tournée vers la création, la vitesse, la transition. Dans ce plan, un arrière droitier offensif comme Pickford est un trésor.
Il faut insister sur un contexte déterminant : Gavin McKenna a quitté Medicine Hat pour rejoindre Penn State, attiré par l’argent facile du système universitaire américain. Un départ qui aurait pu fragiliser l’équipe. Mais au contraire, cela a ouvert la porte à Pickford.
Désigné capitaine, il porte maintenant la responsabilité de maintenir le standard de l’organisation. C’est un test de caractère. Et sa réponse, dès le match d’ouverture, a été éclatante : deux buts, une passe, une victoire. Une prise en charge totale.
Certains dans l’entourage du hockey amateur parlent déjà de ce repêchage comme d’un move à la Jack O’Toole. Autrement dit : le genre de coup qu’un recruteur visionnaire ose faire quand tous les autres dorment. Montréal a sauté sur un joueur qui aurait pu devenir un vol historique.
Pickford n’est pas un choix par défaut, c’est une conviction. Et à mesure qu’il accumule les performances, les sceptiques tombent un à un.
Reste que son jeu défensif demeure louche. Il n’écrase pas ses adversaires physiquement, il ne gagne pas toutes ses batailles à un contre un. Mais là encore, il progresse. Il coupe les lignes de passes, il se replace rapidement. Et avec l’environnement du Canadien, il aura le temps de peaufiner cet aspect.
Un défenseur droitier de six pieds, 1 pouce, 186 livres, capable de marquer au rythme d’un attaquant? Ça ne se trouve pas à tous les coins de rue.
Le Canadien de Montréal a peut-être trouvé son prochain bijou. Après avoir mis la main sur Noah Dobson et célébré l’émergence de Lane Hutson, Kent Hughes ajoute à sa collection un arrière offensif qui pourrait devenir la révélation de la cuvée 2025.
Bryce Pickford, c’est le pari du flair, de l’audace et de la vision. C’est le joueur qu’on snobe une première fois, puis qu’on regrette pendant dix ans. Et c’est maintenant le capitaine d’une équipe qui croit en lui.
À Montréal, on a souvent reproché aux dirigeants de ne pas prendre de risques, de toujours jouer « safe ».
Avec Pickford, c’est tout le contraire : un coup de poker assumé. Et à voir son départ canon en WHL, il y a déjà une odeur de vol historique.