TVA Sports sous la loupe...pour les mauvaises raisons...

Pierre-Karl Péladeau avait clamé que TVA Sports deviendrait un pilier prometteur du paysage médiatique québécois lorsque la station a vu le jour en 2011.

Mais Péladeau a vu ses ambitions s'écrouler sous le poids de plusieurs erreurs stratégiques et financières qui ont précipité sa chute.

Cette débâcle a eu des répercussions majeures non seulement sur la chaîne sportive, mais aussi sur l'ensemble du Groupe TVA, entraînant une crise financière sans précédent qui a nécessité une intervention d'urgence de Québecor Média.

Le point de départ de cette chute vertigineuse remonte à 2013, lorsque Québecor Média, sous la direction de Pierre Karl Péladeau, a conclu une entente de 720 millions de dollars sur 12 ans pour les droits de diffusion des matchs du Canadien de Montréal et de la Ligue nationale de hockey.

À l'époque, cette somme astronomique avait fait sourciller plus d'un journaliste économique. Les répercussions financières de cette décision ont été dévastatrices pour TVA Sports, qui a accumulé des pertes annuelles allant de 9,3 à 22 millions de dollars à chacune des cinq dernières années.

En 2023, la perte de TVA Sports s'élevait à 9,3 millions, presque équivalente à la perte totale de Groupe TVA, ce qui souligne l'impact démesuré de cette chaîne sur les finances de l'entreprise.

Les documents financiers révèlent un déficit de liquidités de 88 millions de dollars pour TVA, un chiffre alarmant malgré la tradition de moindre rentabilité de cette période de l'année.

Ce déficit s'explique non seulement par les pertes opérationnelles, mais aussi par le remboursement de dettes de droits de diffusion.

Face à cette situation critique, TVA a dû emprunter 91 millions de dollars à long terme auprès de Québecor Média au début du mois de juin, marquant la deuxième fois que l'actionnaire de contrôle devait intervenir pour assurer la viabilité financière courante de TVA.

Par ailleurs, la marge de crédit accordée par les banques a été drastiquement réduite de 75-150 millions de dollars à seulement 20 millions, souscrite par la Banque Nationale.

Québecor Média a alors dû se substituer aux banques en fournissant une "facilité de crédit rotative" de 29 millions, sécurisée par une hypothèque sur le siège social de TVA et ses biens meubles.

L'impact de cette crise financière s'est aussi traduit par des mesures drastiques telles que l'abolition de centaines et de centaines de postes chez TVA et la suppression de certaines émissions légendaire.

Les turbulences ont également provoqué une vague de départs de cadres, dont Martin Picard, chef de l’exploitation, et Anick Dubois, vice-présidente des finances, ajoutant à l'incertitude et l'instabilité au sein de l'entreprise.

La situation financière de TVA est amplifiée par une concurrence féroce, tant de la part de la Société Radio-Canada, accusée par Pierre Karl Péladeau de pratiquer une concurrence déloyale, que des géants du streaming comme Netflix, Paramount et Disney.

Ces plateformes de vidéo à la demande captent une part croissante du public, en particulier les jeunes, et des revenus publicitaires, détruisant ainsi les parts de marché des diffuseurs traditionnels comme TVA.

La rigidité du cadre réglementaire imposé par le CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) complique encore la situation de TVA.

Bien que le CRTC ait récemment autorisé les chaînes spécialisées à diffuser davantage de publicités, cette mesure arrive tardivement et ne compense pas les pertes déjà subies.

Par ailleurs, les nouvelles lois C-18 et C-11, visant à rétablir un certain équilibre entre les diffuseurs traditionnels et les plateformes numériques, n'ont pas encore montré d'effets tangibles et arrivent potentiellement trop tard pour sauver TVA de ses difficultés actuelles.

Au-delà des défis financiers, la crise de TVA a des répercussions culturelles significatives. TVA a longtemps été un bastion de la production locale, soutenant les séries, les émissions populaires et le contenu culturel québécois.

La destruction de sa rentabilité met en péril cette mission culturelle, menaçant de réduire la diversité et la richesse du contenu diffusé.

Les erreurs stratégiques, la pression des droits de diffusion exorbitants, la concurrence accrue et un cadre réglementaire rigide ont convergé pour précipiter la chute de TVA Sports et, par extension, déstabiliser l'ensemble du Groupe TVA.

Le sauvetage par Québecor Média n'est qu'un respirateur artificie; temporaire face à des défis structurels profonds qui nécessiteront des ajustements stratégiques majeurs pour assurer la survie et la renaissance de cette institution médiatique québécoise.

Si Péladeau et les autres dirigeants de Quebecor ne se réveillent pas bientôt, ce n'est pas seulement TVA Sports qui va disparaître. C'est le Groupe TVA en entier.

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