Alex Ovechkin a donné une leçon d’humilité à Ivan Demidov

Alex Ovechkin a donné une leçon d’humilité à Ivan Demidov

Par André Soueidan le 2025-04-21

Il y a des choses qu’on apprend avec le temps, et il y en a d’autres qu’on apprend à la dure.

Ivan Demidov vient de découvrir ce qu’il en coûte de minimiser un roi dans sa propre arène, sous les projecteurs des séries éliminatoires de la LNH.

Quand il a déclaré aux journalistes, un sourire léger sur les lèvres, que « j’ai grandi en admirant Malkin, pas Ovechkin », personne ne s’attendait à ce que ces mots prennent autant de poids 48 heures plus tard.

Mais voilà, Alex Ovechkin a entendu. Et surtout, Alex Ovechkin a répondu.

Dès ses premières présences sur la glace, le Tsar russe s’est imposé avec une intensité qu’on ne lui avait pas vue depuis longtemps.

Un but en avantage numérique, une mise en échec féroce sur Cole Caufield, une pression constante sur la jeune brigade défensive du Canadien… et puis le coup de grâce : le but vainqueur en prolongation, après une séquence de domination dans la zone du Tricolore.

Ivan Demidov, lui, n’a pas su répondre à l’appel.

Le jeune prodige russe a été employé avec parcimonie par Martin St-Louis, terminant le match avec le temps d’utilisation le plus faible de tous les attaquants du Canadien.

Moins de 12 minutes de glace pour un joueur que les partisans réclamaient déjà sur la première unité d’avantage numérique.

Moins de 12 minutes pour un espoir de franchise qui avait promis « d’apporter de l’énergie » à son équipe.

Mais ce soir, c’est l’inverse qui s’est produit. Demidov a semblé étourdi, hésitant, et par moments complètement perdu dans sa propre zone.

Sur le deuxième but des Capitals, celui qui a découlé d’un revirement derrière le filet de Lane Hutson, c’est l’absence de Demidov à son point d’appui qui a coupé la ligne de sortie.

Une séquence qui illustre à elle seule la nervosité du moment, et surtout l’écart qui existe encore entre les rêves et la réalité en séries.

Sur le but vainqueur, c’est encore lui qui est sur la glace. Ivan Demidov faisait partie de la séquence fatale, prisonnier de la glace à la suite d’un dégagement litigieux.

Et pendant que le jeune attaquant récupérait son souffle au centre de la patinoire, incapable de changer, Alexander Ovechkin s’est avancé lentement, comme un prédateur sentant l’odeur du sang.

La suite? Un lancer chirurgical, dans la lucarne de Montembeault, et le silence brutal dans le coin réservé aux partisans montréalais au Capital One Arena.

C’est là que tu comprends toute la symbolique de cette série.

D’un côté, tu as un joueur de 39 ans, qui sait que chaque match pourrait être le dernier d’une glorieuse carrière, mais qui refuse de céder sa couronne à la nouvelle génération sans se battre jusqu’à la dernière seconde.

Et de l’autre, tu as Ivan Demidov, le jeune prince russe, adulé par la foule montréalaise avant même d’avoir marqué un but, et qui vient peut-être de comprendre qu’il reste encore des étapes avant de s’imposer comme une légende.

Ce n’est pas un match perdu qui fera de Demidov un flop. Loin de là. Mais c’est un match gagné par Ovechkin qui rappelle à tout le monde que les séries, ce n’est pas un terrain d’apprentissage. C’est un champ de bataille.

Et dans une guerre, l’expérience vaut parfois plus que le talent brut.

« Ça n'a pas d'importance. Je m'en fout complètement. »

C’est ce qu’a dit Patrik Laine quand on lui a demandé ce que ça représentait de jouer contre Ovechkin. Une déclaration sèche, presque arrogante, qui faisait sourire certains partisans avant le match, mais qui résonne comme une erreur de débutant ce soir.

Parce que si tu veux battre Ovechkin, tu peux le faire. Mais tu ne le provoques pas. Tu ne le sous-estimes pas. Tu ne le déclenches pas.

Et c’est pourtant ce que Laine et Demidov ont fait, chacun à leur manière.

Laine, en minimisant l’importance du duel. Demidov, en esquivant la question. Et Ovechkin, lui, a fait ce que font les champions : il a répondu avec ses gestes.

Deux buts. Une passe. Une mise en échec sur Caufield. Un message envoyé à toute la jeunesse du Canadien : « Je suis encore ici. Et vous allez devoir passer sur mon corps pour me sortir. »

Martin St-Louis devra prendre des décisions.

Est-ce que Demidov sera laissé de côté pour faire entrer Arber Xhekaj et solidifier l’aspect physique du match? Est-ce que Jadon Struble, le défenseur le moins utilisé, paiera plutôt le prix?

La hiérarchie voudrait qu’on laisse Demidov dans les gradins. Mais l’espoir des partisans, lui, voudrait qu’on donne une deuxième chance à la recrue.

Parce que même si la leçon a été cruelle, elle pourrait aussi servir de déclic.

Et c’est peut-être ça, le vrai défi pour le Canadien dans cette série : apprendre vite. Très vite.

Et si Ovechkin a réussi à imposer son style, c’est aussi parce que le Canadien, dans les 40 premières minutes, lui a offert le théâtre parfait pour opérer.

La jeunesse de Montréal s’est fait malmener, physiquement d’abord, mentalement ensuite, et ce sont des séquences comme la mise en échec brutale sur Cole Caufield qui montrent à quel point les Capitals ont pris plaisir à tester les limites des recrues du CH.

Lane Hutson, ciblé dès les premières présences, a été frappé à répétition. Juraj Slafkovsky, malgré son gabarit, a été chassé du slot comme un junior.

Et même un guerrier comme Gallagher, habitué à livrer la marchandise dans les matchs émotifs, s’est retrouvé le visage dans la glace après le sifflet.

La question se pose alors : Martin St-Louis a-t-il trop tardé à faire entrer le « shérif » Xhekaj dans la série?

Les partisans, eux, n’ont pas attendu. Sur les réseaux sociaux, dès la deuxième période, les appels pour Arber Xhekaj ont inondé X et Instagram.

Même l’équipe adverse, sans le dire, a probablement respiré mieux en voyant qu’il n’était pas sur la feuille de match.

Mais c’est ailleurs que cette série pourrait basculer. Parce que même si Ovechkin a remporté cette première manche avec son talent, son expérience et son flair du moment décisif, la série ne fait que commencer.

Et les Canadiens n’ont pas dit leur dernier mot.

Il faut rappeler que ce scénario n’est pas sans précédent. En 2010, alors que personne ne croyait aux chances du Canadien contre ces mêmes Capitals — version Bruce Boudreau, version jeunes dieux offensifs — un certain Jaroslav Halak avait éteint les lumières du Verizon Center en multipliant les miracles.

À cette époque, on disait déjà qu’Ovechkin était trop fort. Trop rapide. Trop dominateur. Et pourtant, c’est Montréal qui avait éliminé Washington en sept matchs, ruinant ce qui était censé être l’année de la consécration pour les Caps.

Ce traumatisme n’est pas oublié. Ni par Ovechkin, ni par les partisans. Et il y a fort à parier que cette série est, pour lui, l’occasion de refermer cette vieille blessure à sa manière.

Alors oui, la déclaration innocente de Demidov — « J'ai grandi en admirant Malkin » — peut sembler anodine pour un joueur de 19 ans qui tente simplement de répondre en anglais avec un sourire gêné.

Mais dans l’univers impitoyable des séries, chaque mot devient une motivation, chaque phrase devient une flamme. Et Ovechkin est un pyromane quand il s’agit de répondre à l’orgueil.

Si Martin St-Louis veut répliquer, il devra ajuster sa stratégie.

Cela pourrait passer par une meilleure utilisation de ses trios, une réduction du temps de glace de certaines paires défensives fragiles — on pense notamment à Mike Matheson et Alexandre Carrier, débordés en début de match — et peut-être, le courage de garder Ivan Demidov dans la formation, non pas pour le punir, mais pour lui donner l’occasion de réécrire son histoire.

Parce que si cette série devient un récit de vengeance russe, aussi bien écrire les deux chapitres — celui du maître et celui de l’apprenti.

Mais pour cela, il faudra du caractère. Il faudra de la confiance. 

Parce que maintenant, la leçon est claire. Demidov a été humilié. Laine a été bousculé. Et Ovechkin, dans le silence hostile de sa propre aréna, a rappelé à tout le monde pourquoi il est encore considéré comme l’un des plus grands.

Il a donné une leçon d’humilité à ceux qui l’avaient oublié.

Et maintenant, c’est au Canadien de répondre.

Pas avec des mots. Pas avec des promesses.

Mais avec une victoire, à Montréal, devant son peuple.

Parce que dans les séries, tu n’as qu’une seule chance pour corriger ton erreur.

Et si tu la rates, Ovechkin se chargera de t’enseigner la prochaine leçon.

AMEN.