Si le Canadien de Montréal croyait pouvoir étirer indéfiniment le dossier Arber Xhekaj en espérant qu’il retrouve un jour son statut de shérif incontesté, l'après-midi qui vient de se dérouler à Laval enfonce un clou supplémentaire dans un cercueil qu’on fait semblant de ne pas voir.
Pendant que Xhekaj est dans l’alignement juste parce que Kaiden Guhle est blessé, joue dix minutes par soir, perd des combats, évite les autres, retire des commentaires haineux sur Instagram et regarde sa valeur fondre à vue d’œil, Adam Engström continue de détruire la AHL avec un naturel déconcertant, au point où il ne s’agit plus d’un prospect prometteur, mais d’une menace directe pour la survie d’Arber dans l’organisation.
Cet après-midi, dans un match à sens unique, Engström a livré l’une de ses performances les plus dominantes depuis son arrivée en Amérique du Nord : un but, quatre passes, cinq points dans une victoire éclatante de 7-2 contre les Senators de Belleville, contrôlant littéralement le jeu avec une aisance technique qui tranche brutalement avec l’incompétence défensive et l’indécision d’un Xhekaj qui semble désormais jouer pour sauver sa place au lieu de l’imposer.
Engström commande la rondelle, accélère le jeu, dicte le rythme, prend les espaces avant qu’ils n’existent, et son coup de patin, déjà identifié comme l’un des meilleurs de l’organisation, lui permet de transformer n’importe quelle relance en offensive structurée.
Avec maintenant 5 buts et 10 passes pour 15 points en 18 matchs, il ne joue plus pour apprendre : il joue pour monter.
Et la comparaison est d’autant plus violente que Montréal vit simultanément l’ascension d’un autre Xhekaj : Florian. Pour la première fois, les deux frères joueront ce soir du même côté de l’organisation, réunis à Toronto, mais cet instant qui aurait dû marquer une célébration familiale ressemble surtout à une parenthèse émotive avant une séparation inévitable.
Ce n’est pas Florian qui est menacé. C’est Arber. Le plus vieux, l’ancien shérif, celui qui faisait trembler les joueurs adverses et dont la présence physique servait de ciment identitaire.
Aujourd’hui, ce rôle glisse entre ses doigts. Il est redevenu interchangeable, puni à la moindre erreur par Martin St-Louis, surveillé par un coach qui ne lui fait plus confiance, et ce statut est incompatible avec sa réalité contractuelle.
Il arrive au bout de son entente à 1,3 M$, devient joueur autonome avec compensation cet été, et son camp sait très bien que son prochain contrat exigera un rôle clair, des minutes, un statut, de la responsabilité. Il peut obtenir tout cela ailleurs. Pas ici. Plus maintenant.
Car la défense montréalaise est déjà pleine à craquer à gauche et la hiérarchie change. Lane Hutson n’est pas juste intouchable, il est un Dieu à Montréal.
Kaiden Guhle est intouchable malgré les critiques sur sa fragilité. Mike Matheson est tout simplement l'un des meilleurs défenseurs de la LNH et sera prolongé.
Jayden Struble s’est imposé comme un défenseur sérieux, fiable, NHL-ready, qui ne force jamais le coach à justifier sa présence. Et voilà maintenant Engström qui frappe à la porte non pas comme un projet, mais comme un joueur meilleur, plus complet, plus moderne.
Il excelle en relance contrôlée, en repli défensif, en lecture en zone neutre, et contrairement à Xhekaj, il ne joue pas avec la peur de rater une présence : il joue pour dominer la sienne. Ce n’est pas une bataille serrée. Ce n’est plus une bataille. C’est un transfert de pouvoir.
La direction peut bien prétendre qu’il y a de la place pour tout le monde, mais les chiffres racontent autre chose. Montréal ne peut pas entrer une autre saison avec huit défenseurs sur la liste et deux jeunes frustrés dans les gradins.
On ne gardera pas Engström à Laval alors qu’il est déjà trop fort pour la ligue. On ne sacrifiera pas Struble, signé, stabilisé, aimé par St-Louis.
Quelque chose doit céder, et tout pointe vers Xhekaj. Sa valeur marché ne fera qu’empirer au rythme où il perd ses combats et où sa présence physique n’effraie plus personne, et c’est précisément la raison pour laquelle le CH aurait dû l’échanger l’an dernier lorsqu’il valait un choix de première ronde.
Maintenant, on parle d’un retour modeste, peut-être d’un choix de deux ou d’un espoir secondaire. Peut-être pire. L’horloge n’est plus en sa faveur. L’organisation ne l’attend plus. Elle évolue sans lui.
Et pendant que Montréal s’accroche à une image passée date du Shérif, Engström oblige la franchise à regarder vers l’avenir.
Si la LNH est un sport de timing, celui de Xhekaj se referme. Celui d’Engström s’ouvre. Ce soir, pour la première fois, les frères Xhekaj porteront le même chandail au même endroit, mais pour Arber, la réalité est brutale : ce chapitre pourrait être le début de la fin avant une séparation définitive.
Et si Florian reste à Montréal, tout porte à croire qu’il n’y retrouvera pas son frère dans un futur rapproché. Engström arrive. Et il arrive pour prendre une place. Pas pour en attendre une.
Le CH devra choisir. Et tout indique que le choix est déjà fait.
