C’est le genre de match qui révèle tout ce qu’un coach veut cacher.
Une défaite où les erreurs structurelles ne peuvent plus être maquillées, où les décisions incohérentes remontent à la surface comme une rondelle mal dégagée dans l’enclave.
Et devant les journalistes, Martin St-Louis a gardé le même ton, la même attitude. Il a tenté de faire passer ça pour un accident.
Mais ceux qui ont regardé le match avec attention ... et ceux qui connaissent le hockey ... ont tout de suite vu la fracture.
Non, Martin. Tout n’est pas beau.
« Le début de troisième, ça a fait mal. »
C’est par cette phrase que Martin St-Louis a résumé la défaite du Canadien. Mais le malaise ne commence pas en troisième période. Il a commence dès que Kaiden Guhle est tombé au combat.
Quand Guhle est là, il stabilise la deuxième paire. Il joue avec Lane Hutson. Il apporte du calme, du volume de jeu, une présence défensive. Mais dès qu’il est absent, toute la structure défensive du CH se dérègle.
Et ce dérèglement, on l’a vu dans l’utilisation d’Arber Xhekaj.
10 minutes. C’est le temps de jeu qu’il a reçu.
Un défenseur de la LNH utilisé comme un junior apeuré.
Un gars qu’on protège plus qu’on ne l’utilise. Et Martin le sait. Il le voit. Mais il refuse d’admettre que cette situation handicape tout le reste de la rotation.
« Je ne pense pas qu’on a perdu le match à cause des trois gars blessés. »
Cette déclaration est peut-être la plus insultante du point de presse.
Parce qu’elle nie une réalité que tout le monde voit : la perte de Kaiden Guhle a forcé St-Louis à jongler avec ses paires défensives toute la soirée, à marcher sur des œufs pour ne pas trop exposer Xhekaj.
Tu peux pas dire que les blessures n’ont rien changé, quand t’as un défenseur à -1 qui voit la glace 10 minutes, pendant que le reste du groupe s’épuise à combler les trous.
« Ce n’est pas toujours le même joueur, mais quand il y a un joueur qui ne fait pas sa job pour nous aider à baisser la pression, tu t’es poigné dans ta zone plus longtemps. »
Cette phrase-là, Martin St-Louis l’a lancée comme un constat général. Mais ceux qui savent lire entre les lignes savent très bien de qui il parlait. Parce que cette description colle parfaitement à la réalité d’Arber Xhekaj.
Quand ton sixième défenseur ne peut pas calmer le jeu en sortie de zone, quand il se fait prendre dans ses lectures, quand il devient une cible dès que l’adversaire applique un peu de pression… t’as un problème.
Et Martin le sait.
Il le gère comme un gars fragile. 10 minutes, pas plus. Aucune séquence sous pression. Zéro minute en désavantage numérique. C’est une gestion de dommage, pas une gestion de confiance.
Et pourtant, quand vient le temps de répondre aux journalistes, il fait comme si de rien n’était.
« On n’était pas assez organisés. Et ça a été une de nos forces depuis le début de la saison. »
Pas ce soir-là. L’organisation défensive a explosé dès que Kaiden Guhle est sorti de l’alignement.
Et plutôt que de revoir sa structure ou de faire appel à un défenseur plus fiable, Martin St-Louis a persisté avec Xhekaj, tout en réduisant son temps de glace au strict minimum.
Mais sans jamais le nommer.
Et c’est là qu’on entre dans le domaine du déni.
Quand un coach dit qu’il n’a « pas de problème avec la profondeur », qu’il pense que les blessures « n’ont pas changé le cours du match », alors que les faits crient le contraire… c’est qu’il fait l’autruche.
Quand ton équipe est désorganisée, que le momentum est perdu en deuxième, que les sorties de zone deviennent un jeu de roulette russe, et que tu refuses de pointer du doigt la perte de Guhle, tu fais l’autruche.
Quand tu protèges Xhekaj de tout, même de lui-même, mais que tu refuses d’expliquer pourquoi tu lui donnes à peine 10 minutes, tu fais l’autruche.
Quand tu évites soigneusement de mentionner son nom, alors que tout le monde a vu qu’il ne suivait plus, tu fais l’autruche.
Et quand les journalistes te tendent la perche pour expliquer ton casse-tête défensif, mais que tu réponds par des généralités vagues, c’est que tu sais, au fond, qu’il y a fracture dans la gestion de tes effectifs.
Martin St-Louis est peut-être un grand pédagogue, un communicateur naturel.
Mais hier, il n’a pas communiqué la vérité. Il a communiqué son inconfort.
Son besoin de protéger ses gars, même quand c’est au détriment de l’équipe.
Sa peur d’admettre que l’équilibre est précaire. Son refus de dire ce que tout le monde a vu : que sans Kaiden Guhle, tout le système défensif du Canadien est à rebâtir.
Et nous, on n’a pas une poignée dans le dos.
Misère...