L’histoire qui s’écrit sous nos yeux semble sortie d’un scénario hollywoodien.
À la surprise générale, le Canadien de Montréal, une formation que la majorité des experts prédisaient encore dans la cave de l’Association de l’Est au début de la saison, se retrouve en séries éliminatoires au moment où l'on se parle.
Et si le destin veut bien faire les choses, leur premier adversaire pourrait être… les puissants Capitals de Washington. La meilleure équipe de la LNH cette saison. Le sommet de la montagne.
Mais ce qui rend cette potentielle série encore plus savoureuse, c’est qu’elle mettrait aux prises les deux entraîneurs qui, chacun à leur manière, ont stupéfié la LNH cette saison : Spencer Carbery, l’architecte du miracle de Washington, et Martin St-Louis, le cœur et l’âme d’un CH qui refuse de mourir.
D’un côté, Spencer Carbery, un entraîneur méthodique, extrêmement travaillant et stratégique, qui a transformé une équipe vieillissante, menée par un capitaine légendaire en fin de carrière (Alex Ovechkin), en la formation la plus constante et redoutable du circuit Bettman.
Les Capitals n’étaient pas supposés dominer l’Est, pas en 2025. Mais Carbery a trouvé la recette pour faire briller ses vétérans tout en intégrant les jeunes joueurs avec une précision chirurgicale.
De l’autre, Martin St-Louis, le poète devenu général, l’ancien joueur au cœur immense qui, depuis trois ans, façonne le Canadien à son image.
Une équipe courageyse, qui ne panique jamais, qui apprend de ses défaites, qui progresse, lentement mais sûrement.
Et surtout, une équipe qui joue chaque match comme un match numéro 7, selon les propres mots de St-Louis.
Carbery est sur toutes les lèvres dans les cercles de la LNH. Il est déjà vu comme le grand favori pour le trophée Jack Adams, remis à l’entraîneur de l’année.
Et si ce duel entre le CH et les Caps devient réalité, certains diront que le match #1 de cette série, ce sera celui du Jack Adams.
Mais voilà où l’ironie frappe de plein fouet : même si le Canadien fait les séries, Martin St-Louis n’a pratiquement aucune chance de remporter le Jack Adams.
Peu importe ce que l’équipe accomplit d’ici la fin du calendrier, le trophée semble déjà promis à Carbery.
Et pourtant, que dire de ce que St-Louis a accompli?
Rappelons-nous. Avant même la saison, certains médias avaient anticipé sa démission. Jean-Charles Lajoie l’avait affirmé.
Michel Bergeron l’avait critiqué, l’accusant d’être trop soft. Il y a quelques mois, plusieurs demandaient sa tête. Et maintenant, Martin St-Louis se retrouve aux portes du printemps, avec un club décimé par les blessures, avec un noyau jeune, avec une défense inexpérimentée… et malgré tout, le CH gagne.
Il gagne avec Lane Hutson, recrue de 20 ans qui éblouit tout le monde. Il gagne avec un capitaine, Nick Suzuki, en route vers une nomination au trophée Selkie.
Il gagne avec Samuel Montembeault devant le filet, souvent laissé à lui-même. Et surtout, il gagne avec un collectif, une énergie de groupe, un esprit d’unité que peu d’équipes dans la LNH peuvent égaler.
Mais le Jack Adams, lui, semble déjà perdu. Spencer Carbery a beau avoir transformé les Caps en machines de guerre, il avait du matériel en main. Il a une équipe bien plus expérimentée. Et surtout, il n’a jamais été enterré par les médias comme l’a été St-Louis.
Mais si vous pensez que ça dérange Martin St-Louis, détrompez-vous.
Il s’en fout du Jack Adams. Ce qu’il veut, c’est la Coupe Stanley. Et avant tout, c’est le "upset'. Il veut être celui qui va sortir le numéro un, celui qui va prouver que la culture qu’il a instaurée depuis trois ans n’est pas du vent. Celui qui fera mentir tous ceux qui ont douté de lui.
Pour Martin St-Louis, cette série serait l’occasion parfaite de se venger du système. D’un système de récompenses qui ne reconnaît pas le travail de fond, qui oublie l’humain, qui se laisse trop souvent éblouir par le classement final.
Il le sait : la LNH ne lui donnera rien. Il devra tout aller chercher, comme toujours dans sa carrière.
Carbery contre St-Louis, ce n’est pas seulement deux équipes. C’est deux écoles de pensée. Carbery est le tacticien. Il maximise les forces de ses vétérans, il ajuste ses lignes en fonction des données. Il est brillant. Il a peut-être déjà sa main sur le Jack Adams.
St-Louis, lui, est le leader d’hommes. Celui qui parle d’attitude avant les systèmes. Celui qui croit que la résilience est plus forte que la stratégie. Celui qui fait vibrer une équipe par son authenticité, pas par son tableau blanc.
Et si la série a lieu, ce sera un choc de philosophies. Une équipe attendue contre une équipe affamée. Une équipe sur papier contre une équipe qui joue avec le cœur.
S’il y a bien une série qui ferait rêver les amateurs, c’est celle-là. Parce que le CH n’a rien à perdre. Parce que le défi est gigantesque. Parce que tout est en place pour une surprise.
Et parce que Martin St-Louis veut prouver que son équipe peut faire bien plus que déranger — elle peut gagner.
Alors que Spencer Carbery pourrait mettre la main sur un trophée individuel, St-Louis pourrait bien lui ravir ce qui compte vraiment : le premier tour des séries.
Si le Canadien devait gagner cette série, en sept matchs, comme tant le croient possible… alors l’histoire serait complète. Le coach que tout le monde voulait congédier deviendrait le bourreau du favori.
Comme dans un film...