Il fut un temps, pas si lointain, où Christian Dvorak n’était plus qu’un fantôme dans l’alignement du Canadien de Montréal.
Blessé, invisible, surpayé et jugé néfaste pour le développement de Cole Caufield, il incarnait tout ce que les partisans ne voulaient plus voir dans l’uniforme du CH.
Ses statistiques étaient honteuses, son apport sur la glace semblait limité à un rôle de figurant, et son nom revenait sans cesse dans les rumeurs de transaction, souvent accompagné d’un soupir collectif de déception.
Mais contre toute attente, celui que plusieurs percevaient comme une erreur coûteuse du régime Bergevin — échangé contre des choix de 1re et 2e ronde à l’automne 2021 — est en train d’écrire un chapitre complètement nouveau dans son histoire montréalaise. Un chapitre qui ne ressemble en rien à ce qui le précédait.
Christian Dvorak connaît présentement ses meilleurs moments en carrière depuis son arrivée à Montréal. Il s’est relevé de l’ombre, tel un "méchant d’Hollywood que tu pensais mort", comme l’a décrit l’informateur Elliotte Friedman de Sportsnet dans la baladodiffusion 32 Thoughts.
Un retour aussi inattendu que spectaculaire, alors même que les partisans du Tricolore réclamaient son départ avec véhémence il y a quelques mois à peine.
Et pourtant, il est toujours là. Mieux : il brille.
Après une première portion de saison discrète — six buts, 11 passes et un différentiel de -14 en 56 matchs — Dvorak a totalement inversé la vapeur.
Depuis, il est devenu le sixième meilleur pointeur du CH avec 13 points en 19 matchs. En comparaison, Cole Caufield n’en a récolté que trois de plus durant la même période. Dvorak l'indésirable est maintenant incontournable.
Mais ce revirement dépasse les chiffres. Il symbolise une transformation profonde : mentale, physique et médiatique.
Car avant de se réinventer, Dvorak avait touché le fond. Critiqué sans relâche, il était accusé d’avoir une mauvaise attitude, d’exercer une influence néfaste sur Cole Caufield, notamment à travers leur colocation dans un penthouse de Griffintown devenu, selon plusieurs sources, un véritable repaire de fêtes nocturnes.
Des témoignages anonymes, dont celui d’une célèbre modèle OnlyF qui disait entretenir une relation avec Caufield, accusaient directement Dvorak d’imposer sa présence et son rythme de vie à son jeune coéquipier, l’éloignant ainsi de sa discipline de sportif de haut niveau.
Ces déclarations ont fait couler beaucoup d’encre, jusqu’à ce que le vent tourne.
La fameuse femme, qui s’était confiée sur la dynamique au sein du penthouse, affirmait que Dvorak empêchait souvent Caufield de passer des soirées tranquilles, arrivant sans prévenir avec des invités, forçant Caufield à suivre malgré lui.
Ce récit avait contribué à peindre un portrait d’un Dvorak parasite, nuisible autant sur la glace qu’en dehors.
Mais l’histoire a basculé. Aujourd’hui, Dvorak a complètement inversé la perception que l’on avait de lui. Il est devenu le joueur que Martin St-Louis utilise dans toutes les situations critiques : mises en jeu en zone défensive, infériorité numérique, gestion de l’avance en fin de match.
Il est premier du CH pour le taux de réussite aux mises au jeu (55,8 %) et se classe 10e dans toute la LNH pour le temps de jeu moyen en désavantage numérique (2 min 18 s). Bref, il est passé de boulet à bouée de sauvetage.
Et pendant ce temps, la modèle OnlyF a disparu des gradins. Plus d’apparitions. Plus de confidences. Plus de récits incendiaires. La lumière s’est éteinte autour d’elle (Caufield lui a montré la porte de sortie), tandis que Dvorak, lui, brille là où ça compte.
Le joueur de 29 ans, qui sera joueur autonome sans compensation cet été, est maintenant courtisé. Les Blues de Saint-Louis et les Blackhawks de Chicago — son équipe natale, lui qui a grandi à Palos Heights, à 40 minutes de Chicago — seraient prêts à lui offrir un contrat de plusieurs saisons.
Et Kent Hughes, qui aurait probablement accepté n’importe quel retour pour Dvorak à la date limite des transactions, doit aujourd’hui envisager sérieusement de le garder dans l’alignement à moyen terme.
Combien coûtera-t-il? En se basant sur la signature récente d’Alex Kerfoot avec Utah (1 an, 3 millions $), on peut estimer que Dvorak pourrait demander entre 3 et 3,5 millions $ par saison, possiblement sur deux ou trois ans. Une somme qui, il y a quelques mois, aurait paru indécente. Mais aujourd’hui, ce serait peut-être une aubaine.
Le plus drôle dans tout cela, c’est que ce revirement n’a pas été accompagné de grandes déclarations de la part de Dvorak.
Il n’a pas cherché à laver publiquement son nom ou à dénoncer les rumeurs. Il a simplement travaillé. En silence. Et il a laissé ses performances parler.
Christian Dvorak, que l’on disait fini, rejet, à bout de souffle, est devenu un symbole de résilience. Il n’a pas seulement redressé sa carrière.
Il a renversé la perception collective. Il est passé du cauchemar médiatique à un rêve sportif. Et aujourd’hui, ceux qui l’ont condamné trop vite doivent admettre qu’il a eu, en fin de compte, le dernier mot.
Incroyable quand on pense qu’il y a quelques mois à peine, il était accusé d’entraîner Cole Caufield dans une spirale de distractions et de nightlife débridée.
Mais ce que personne n’avait vu venir, c’est que Dvorak s’était lui-même imposé une cure de sobriété. D’après les informations recueillies par des journalistes du beat montréalais, le centre américain aurait complètement coupé l’alcool depuis la fin janvier.
Ce revirement de style de vie, motivé par des problèmes récurrents de récupération physique et par une volonté de « sauver ce qui reste de sa carrière », aurait été le point tournant.
Et ça fonctionne. Depuis cette date, sa production offensive s’est envolée, son efficacité dans les mises en jeu a atteint des sommets, et il est devenu une "stud" en désavantage numérique.
Ce n’est pas une coïncidence. C’est le fruit d’une transformation méthodique, presque scientifique. Christian Dvorak a étudié ses erreurs, a revu son approche, et s’est réinventé.
Mais cette métamorphose, aussi spectaculaire soit-elle, met le Canadien dans une posture délicate. À court terme, Kent Hughes sait que prolonger Dvorak bloque potentiellement l’éclosion d’un jeune comme Owen Beck ou Oliver Kapanen.
Mais à long terme, perdre Dvorak pourrait provoquer un vide insurmontable au centre, surtout en infériorité numérique.
Personne d’autre dans l’organisation ne possède son profil exact : un gaucher fiable, discret, bon sur les mises au jeu et capable de stabiliser une ligne sans exiger de spotlight.
Il faut aussi considérer l’intérêt marqué des Blackhawks de Chicago, non seulement pour des raisons géographiques, mais familiales.
L’agent de Dvorak, Kevin Magnuson, est profondément enraciné dans la culture des Blackhawks, étant le fils du défunt Keith Magnuson, légende de l’organisation.
Ce lien affectif, combiné au désir de Chicago de retrouver une structure défensive autour de Connor Bedard, rend l’intérêt très sérieux.
Même logique à St. Louis, où Dvorak pourrait rapidement intégrer un rôle dans le middle-six, tout en se rapprochant de sa famille. Il sera un joueur très convoité dès l’ouverture du marché.
Ce qui est fascinant, c’est que même dans l’entourage du CH, plusieurs employés, qui riaient autrefois à l’idée qu’on prolonge Dvorak, se ravisent.
La cerise sur le gâteau? Ce sont les réseaux sociaux eux-mêmes, jadis impitoyables avec lui, qui commencent à réclamer qu’on lui offre un contrat.
Christian Dvorak a fait ce que bien peu arrivent à faire à Montréal : renaître dans la ville où tant d’autres se sont perdus.