C’est un manège politico-sportif comme seul le monde de la LNH sait en offrir.
Un jeu sombre, de sourires forcés et de silences qui en disent long. Devant les caméras de TVA Sports, Mathieu Darche a livré une performance verbale digne... des plus grands menteurs...
Officiellement, il s’agissait d’expliquer pourquoi il venait d’échanger Noah Dobson au Canadien de Montréal en retour d’Emil Heineman et des choix 16 et 17.
Officieusement, tout le monde savait pourquoi Dobson voulait partir : son conflit personnel avec Patrick Roy.
Et pourtant, pas un mot. Pas un nom. Dans cette conférence de presse pourtant cruciale, Darche n’a pas prononcé une seule fois le nom de Patrick Roy.
Pas une allusion directe. Pas même un clin d’œil. Rien. Le silence en était malaisant.. Tout ce que le DG recrue a concédé, c’est qu’« on ne s’est tout simplement pas entendu sur un contrat » et que « Montréal est chanceux d’avoir un joueur comme ça. »
Une phrase politiquement parfaite. Un message neutre. Une ligne de communication digne des relations publiques de la Maison-Blanche... ou de Chantal Machabée.
Mais tout le monde dans le monde du hockey connaît la vérité.
Noah Dobson ne voulait plus jamais rejouer pour Patrick Roy. Leur relation était brisée. Définitivement. Les tensions avaient atteint un point de non-retour.
En privé, Dobson se confiait à ses coéquipiers : il ne comprenait pas pourquoi Roy le critiquait publiquement. Il n’en pouvait plus de sentir qu’il était ciblé.
Pire encore, le jeune défenseur avait l’impression d’être humilié devant ses pairs. Roy, fidèle à sa personnalité, refusait de faire marche arrière. Il a toujours dirigé avec une intensité féroce. Mais cette fois, il a perdu un joueur vedette.
Et voilà que Darche, au lieu de jeter de l’huile sur le feu ou d’exposer ce désaccord public, a préféré protéger son entraîneur.
C’est là que le jeu devient fascinant : dans une organisation qui traverse une phase de reconstruction, où les décisions doivent être assumées, Darche a fait le choix stratégique de préserver la figure de Roy.
Pourquoi? Parce que Patrick Roy prend énormément de place à New York. Parce qu’il a l’appui de plusieurs membres de la haute direction. Parce que les fans l’adorent toujours, et qu’il reste un monument vivant du hockey québécois.
Il ne faut pas être naïf : Mathieu Darche a clairement évité la confrontation avec son coach. Comme tout le monde dans le milieu du hockey, il sait qu’un Patrick Roy en colère, ça ne pardonne pas.
Et dans le dossier Noah Dobson, Roy est en colère. Furieux, même. Il ne digère pas que le défenseur étoile ait voulu quitter l’organisation, et encore moins que cela ait été rendu public.
Darche, en tant que DG recrue, n’a pas voulu jeter de l’huile sur le feu. Il a contourné soigneusement le sujet en conférence de presse, comme on contourne un volcan en activité.
Il a refusé de nommer Roy, refusé d’évoquer le conflit, et a mis toute la faute sur des “désaccords contractuels”. La vérité, c’est qu’il avait peur de froisser son coach. Parce que quand Roy est fâché, tout le monde se tasse. Même un DG.
Mais à quel prix?
Darche a perdu un défenseur droitier de 25 ans, à son apogée, pour deux choix de repêchage et un ailier au parcours inégal.
Tout ça pour éviter une guerre ouverte avec son entraîneur? Ou pire : parce qu’il n’a pas le pouvoir d’imposer une vision qui irrite Roy?
Son langage corporel disait tout. Il marchait sur des œufs. Les phrases étaient toutes faites, les compliments lancés en rafale à Dobson pour masquer l’évidence. Pas une attaque. Pas une critique. On aurait dit un discours de divorce rédigé par des avocats.
« C’était une négociation très cordiale. Il n’y a aucune animosité entre nous. »
Tout le monde sait qu’il y avait beaucoup de tension entre les clans Dobson et Roy. Les entrevues précédentes, les gestes sur le banc, les regards évités : tous les signaux étaient là. Mais dans le théâtre médiatique de la LNH, il faut sauver la face. Darche l’a fait, du mieux qu’il a pu.
Mais à long terme, ce genre de conflit brise une organisation.
Car une question plus large se pose désormais : combien d’autres joueurs vont fuir les Islanders à cause de Roy? Est-ce que les agents vont commencer à conseiller leurs clients d’éviter Long Island? Est-ce que les jeunes vedettes vont refuser de prolonger leur contrat si Roy reste derrière le banc?
Mathieu Darche le sait. Il l’a senti dans cette transaction. Il a tout fait pour rassurer les médias. Il a parlé d’Emil Heineman comme d’un diamant brut. Il a vanté les qualités de Dobson. Il a tout dit, sauf la vérité.
Et pourtant, elle crève les yeux.
Darche a été mis dans une position impossible. Il devait choisir entre défendre son entraîneur ou défendre la vérité. Il a choisi la première option. C’est compréhensible. Mais c’est aussi un risque énorme pour la suite.
Parce que maintenant, toute la pression est sur Patrick Roy.
S’il ne commence pas la saison en force, s’il échoue à faire progresser les jeunes, s’il échoue à installer une culture stable… alors tous les regards se tourneront vers cette transaction. Vers ce sacrifice de Dobson. Vers cette conférence de presse où Darche a tout dit… sans rien dire.
Et à ce moment-là, plus personne ne protégera Roy. Pas même Darche.
Il faut aussi se rappeler que ce même Patrick Roy avait publiquement affirmé qu’il voulait un défenseur droitier offensif à long terme. Et Dobson était exactement ce profil-là. Alors pourquoi l’avoir poussé vers la sortie?
Pourquoi avoir tourné le dos à un défenseur droitier qui a connu une saison de 70 points il y a deux ans?
Le conflit personnel a eu le dessus. Et Darche a tenté de camoufler l’odeur de brûlé avec un parfum de compliments.
Et pendant ce temps, le Canadien de Montréal rit dans sa barbe. Kent Hughes n’a pas eu besoin de poser de questions. Il a sauté sur l’occasion. Il savait que Dobson valait plus que deux choix et un ailier au gabarit incertain. Il savait que Dobson était un pilier pour n’importe quelle défensive. Il savait que Roy avait provoqué un point de rupture.
Et il a agi.
En silence. Avec précision.
C’est le genre de transaction qui fait mal pendant des années. Et c’est aussi le genre de conflit qui hante une organisation entière si la gouvernance est trop faible pour contenir l’ego d’un entraîneur.
Darche a offert une paix temporaire. Mais la vraie bombe, elle, reste à retardement.
Et tout dépend maintenant d’un homme : Patrick Roy.