Congédiement de Gilles Proulx: un courriel qui donne froid dans le dos

Congédiement de Gilles Proulx: un courriel qui donne froid dans le dos

Par David Garel le 2025-06-07

Il y a des décisions qui marquent un point de non-retour. Le congédiement de Gilles Proulx par QUB Radio en est une.

Dans une rare entrevue que j'ai (David Garel) mené sur les ondes de Hockey30, le légendaire animatuer ouvre enfin son cœur. Il avoue avoir été littéralement « jeté aux vidanges » par Québecor, sans ménagement, sans égard pour une carrière qui a façonné la radio québécoise.

Cet extrait vidéo donne froid dans le dos tellement c'est cruel:

« J’ai été éliminé par courriel. Un courriel ! Même pas un appel de courtoisie. Et quand j’ai tenté d’avoir Pierre Karl Péladeau, impossible de le joindre. Il m’a laissé sans réponse. Comme si j’étais un inconnu. » Cette déclaration, livrée avec une émotion frôlant la tristesse, révèle l’ampleur du mépris ressenti.

Mais Proulx ne s’arrête pas là. Il condamne avec intensité ce qu’est devenue la radio parlée au Québec.

« QUB Radio, c’est une radio molle. Une radio fade. Des radios qui disent tout et rien. » Pour celui qui a été l’un des « trois Rambos de la radio », il est inconcevable que l’on ait remplacé la passion et l’opinion tranchante par des contenus qu’il qualifie de « pâte tiède ».

Et il le dit sans détour : « Ce sont des gens qui n’ont pas de colonne vertébrale. »

Dans ses mots, on sent non seulement l’amertume, mais aussi le chagrin d’avoir vu ce média, qu’il a tant aimé, se transformer en coquille vide.

Proulx va même plus loin : « Aujourd’hui, ils veulent de la radio consensuelle, de la radio d’animateurs interchangeables. Mais moi, je ne suis pas interchangeable. J’ai des idées, j’ai une voix. C’est ça qui dérange. »

Une charge frontale, sans filtre, contre la direction de QUB Radio et, indirectement, contre Pierre Karl Péladeau lui-même, qui, selon ses propos, a fui toute responsabilité, comme un patron lâche incapable de s’expliquer.

Une décision injustifiable, méprisante et, avec le recul, purement suicidaire sur le plan stratégique. Car aujourd’hui, alors que les derniers sondages Numeris placent QUB Radio à un pathétique 3,3 % des parts de marché, la réalité frappe en pleine face : le rejet de Gilles Proulx n’était pas qu’une erreur, c’était un aveu d’incompétence.

Un rejet calculé, sans aucuen gratitude...

Il faut le rappeler : Gilles Proulx, pionnier de la radio québécoise, avait accepté de prêter son nom, sa voix et sa crédibilité à QUB Radio lors de son lancement en 2018.

En clair, il a servi de tremplin. De gage de respectabilité. D’ambassadeur d’une antenne en manque de légitimité. Il a tout donné, sans jamais réclamer de couronne. Et pourtant, jamais Pierre Karl Péladeau ne l’a remercié publiquement. Jamais un hommage, jamais un mot.

Péladeau, qui a englouti plus de 25 millions de dollars dans cette radio moribonde depuis sa création, n’a jamais jugé bon de soutenir Gilles Proulx dans les dernières années. Il ne l’a jamais mis sur la ligne de front, préférant confier le micro à des visages dociles, incolores et interchangeables. Une stratégie digne d’un gestionnaire de fonds spéculatifs, pas d’un bâtisseur de média.

Et pour quel résultat?

Une catastrophe d’auditoire..

Les chiffres Numeris du printemps 2025 sont sans appel : QUB Radio est une antenne-fantôme. À 3,3 % de parts de marché, elle est reléguée derrière toutes ses rivales.

Même ICI Musique, chaîne publique sans pub et à vocation culturelle, écrase QUB. Le 98,5 FM, en crise lui aussi, domine toujours. Et ICI Première, désormais numéro un à Montréal, ne fait qu’amplifier l’humiliation.

Plus grave encore : aucune émission de QUB Radio ne figure dans le top 10 des émissions les plus écoutées au Québec. Aucun rendez-vous phare. Aucun momentum. Rien. Le vide.

Et pourtant, Pierre Karl Péladeau persiste.

Gilles Proulx a vidé son sac. Il ne s’est pas contenté de blâmer les décisions récentes. Il a dévoilé le mépris structurel dont il a été victime.

« Je n’ai jamais été remercié, je n’ai jamais été invité à contribuer à une vision d’avenir. Ils m’ont utilisé comme une marque temporaire, puis jeté à la poubelle. »

Le départ de Proulx s’est fait sans hommage, sans message interne, sans courriel officiel. 

Un effacement digne de régimes autoritaires. Même à l’interne, les employés de QUB ont été pris de court. Plusieurs confirment n’avoir été informés de rien, jusqu’à ce que sa présence soit retirée discrètement partout, du site web à la page youtube. 

Ce qui rend cette histoire encore plus tragique, c’est que Pierre Karl Péladeau et Gilles Proulx ont longtemps été des amis. 

Et plus encore : Gilles Proulx jouissait d’un respect immense de la part de Pierre Péladeau père, le fondateur de l’empire Quebecor.

L’ancien magnat de la presse considérait Proulx comme une voix forte, courageuse, essentielle. Aujourd’hui, cet héritage est piétiné. Le fils a renié l’un des piliers que son père admirait tant. Un lien d’honneur brisé par l’indifférence et le silence.

Face à la tempête, Pierre Karl Péladeau reste muet. Aucun commentaire public. Aucun plan stratégique pour redresser QUB. Aucune introspection. Pourtant, il est l’homme qui a tout décidé : des embauches aux budgets, des directions éditoriales aux priorités marketing.

Il est aussi celui qui a brûlé des fortunes. Selon plusieurs sources du milieu, le budget de fonctionnement de QUB Radio excède 5 millions de dollars annuellement, malgré les maigres revenus publicitaires. Un gouffre. Et tout ça pour offrir une antenne qui n’a jamais su fidéliser une audience.

Péladeau a voulu créer une alternative, mais il a produit une copie pâle. Là où il aurait pu cultiver une radio d’opinion, il a préféré miser sur des figures politiquement inoffensives, sans aspérité, incapables d’animer une émission sans fiche pré-écrite.

Pour Gilles Proulx, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il n’a pas besoin de régler ses comptes en public. QUB Radio s’est tiré une balle dans la tête en sacrifiant l’un de ses rares animateurs encore capables de provoquer, d’exciter, d’indigner et de captiver. Les gestionnaires ont préféré sacrifier la flamme au nom de la prudence.

Et comme le dit Proulx lui-même :

« À QUB, on veut du beige. On veut de la radio qui ne choque personne. Mais la radio, c’est fait pour déranger, pas pour réciter des communiqués. »

Depuis ce congédiement, c’est la débandade. Plusieurs autres têtes sont tombées. Richard Martineau a vu son poids médiatique s’éroder.

Sophie Durocher est de moins en moins percutante. Mario Dumont prépare son repli vers la télévision pour succéder à François Legault à la tête de la CAQ. Il ne reste plus rien de l’ambition initiale de QUB.

Pire encore : la relève n’y croit plus. Aucune jeune voix montante ne s’associe à QUB. Même les invités refusent les demandes d'entrevue, sachant que leur segment ne sera écouté que par une poignée d’auditeurs.

Et pendant ce temps, Péladeau continue d’ignorer la réalité. Il traite QUB comme un jouet de milliardaire. Comme si 3,3 % d’auditoire n’était qu’un détail. Mais ce n’est pas un détail. C’est un condamné sous respirateur artificiel.

Le jour où Gilles Proulx a été remercié, c’est le jour où QUB Radio a signé son propre arrêt de mort. C’est ce moment précis où les derniers auditeurs fidèles ont compris qu’il n’y aurait plus rien à écouter.

Que l’indignation légitime serait remplacée par des éditoriaux fades et inoffensifs. Que la passion serait remplacée par la conformité.

Et aujourd’hui, les chiffres leur donnent raison.

Gilles Proulx a été congédié. Mais c’est QUB Radio qui est en train de mourir.