Congédiement: Félix-Auger Aliassime a tout perdu

Congédiement: Félix-Auger Aliassime a tout perdu

Par David Garel le 2025-07-05

C’est une réalité brutale que les amateurs de tennis québécois et canadiens ont du mal à avaler : Félix Auger-Aliassime est en chute libre.

Son élimination hâtive à Wimbledon 2025 n’est pas seulement un autre revers douloureux. C’est devenu un pattern. Un mal enraciné.

Et il est difficile de ne pas remarquer une coïncidence frappante : cette spirale descendante a commencé précisément au moment où Félix a décidé de congédier son agent de toujours, Bernard Duchesneau, en août 2024.

Depuis cette décision, rien ne va plus.

Une séparation aux allures de rupture stratégique ratée.

Officiellement, Félix avait présenté cette séparation comme une étape « naturelle » dans son évolution professionnelle.

Il parlait de nouvelles directions, de nouveaux objectifs, de maturité.

« Même si je suis encore jeune, je vieillis et j’en suis à un point de ma carrière où je sais plus clairement vers où je veux diriger ma carrière », expliquait-il avec calme, comme pour mieux convaincre tout le monde, y compris lui-même, que cette décision était maîtrisée.

Mais dans les faits, les résultats parlent d’eux-mêmes. Depuis août 2024, Félix Auger-Aliassime a été prématurément éliminé dans les quatre tournois majeurs sur quatre, incapable de franchir les premières semaines, que ce soit à l’US Open, à l’Open d’Australie, à Roland-Garros ou tout récemment à Wimbledon.

En se séparant de Bernard Duchesneau, Félix a rompu avec bien plus qu’un agent. Il a mis fin à une relation qui durait depuis ses 16 ans.

Duchesneau l’avait soutenu bénévolement à ses débuts, l’avait introduit dans les sphères du sport professionnel, l’avait protégé dans les moments vulnérables, et avait négocié avec brio ses premiers partenariats majeurs, dont celui avec Adidas en 2021.

Certes, l’agent avait montré des limites, notamment lors du scandale de fuite de données chez Tennis Canada, où il avait appris par un journaliste que les informations privées de Félix circulaient sur le dark web.

C’est à la mi-juin 2024 que le scandale a éclaté : Tennis Canada a été victime d’une cyberattaque majeure, orchestrée par des pirates qui ont réussi à mettre la main sur des milliers de documents confidentiels, avant de les publier sur le dark web.

Parmi ces fichiers, certains concernaient directement Félix Auger-Aliassime et Leylah Fernandez, les deux têtes d’affiche du tennis québécois.

Les documents piratés comprenaient des contrats de représentation, des ententes financières confidentielles, des clauses de commandite, et même des informations personnelles, comme des adresses, numéros d’identification fiscale et conditions de paiement. En d’autres mots, le coffre-fort administratif et privé de Félix a été exposé publiquement à la planète entière.

Tennis Canada avait tenté de rassurer en affirmant que « les données des clients n’avaient pas été touchées, car elles sont stockées à l’externe ».

Sauf que ce n’était pas vrai. L’enquête journalistique a prouvé que les informations personnelles d’au moins deux joueurs canadiens, dont Félix, figuraient bel et bien parmi les fichiers diffusés sur les forums du dark web.

Le plus troublant dans cette affaire, c’est la réaction ou plutôt l’absence de réaction de Bernard Duchesneau, l’agent de Félix à l’époque. 

Lorsqu’un journaliste l’a appelé pour lui parler de la fuite, il n’était même pas au courant. L’homme, pourtant chargé de la sécurité juridique et contractuelle du joueur, a appris la nouvelle… par téléphone.

« On prend la situation au sérieux. On va faire le suivi avec Tennis Canada et on va gérer la situation le mieux possible », a-t-il simplement répondu, visiblement sous le choc.

Puis il a ajouté :

« Tout ce qui peut compromettre la sécurité financière de Félix et ses informations personnelles, c’est sûr que c’est inquiétant. »

Mais le mal était fait.

Aucun protocole de sécurité n’avait été mis en place pour anticiper ou réagir à un tel incident. Que faisait l’agent en charge d’un athlète classé dans le top 20 mondial, dont les revenus frôlent les huit chiffres, pendant que les pirates informatiques circulaient librement dans ses dossiers confidentiels?

Mais au-delà de cette erreur, c’est peut-être la stabilité émotionnelle, la présence rassurante, l’expérience juridique et humaine de Duchesneau que Félix a perdue… et qui lui manque aujourd’hui.

Pendant des années, Bernard Duchesneau n’a pas seulement été son agent. il a été sa nounou, son pilier contre le chaos. Il gérait tout : les contrats, les horaires, les commanditaires, les billets d’avion, les crises médiatiques, même les courriels de dernière minute.

Félix n’avait qu’à jouer au tennis. Tout le reste, c’était Duchesneau qui le portait sur ses épaules, parfois dans l’ombre, souvent sans reconnaissance.

C’était un peu comme un père de substitution professionnel : le gars qui disait “je m’en occupe” avant même qu’il y ait un problème.

Et quand il est parti, c’est toute cette structure invisible qui s’est effondrée.

Depuis cette décision, c’est sa mère qui l’a temporairement aidé à gérer ses communications, tout en poursuivant sa carrière d’enseignante.

Son père est plus présent à ses côtés en tournoi, mais il manque toujours une figure centrale, professionnelle, expérimentée, pour faire le lien entre le joueur, les commanditaires, les entraîneurs et le monde médiatique.

Félix semble vouloir tout porter seul sur ses épaules, malgré ses déclarations sur l’importance d’avoir « des gens super » autour de lui.

Mais cette « équipe », aussi bienveillante soit-elle, manque cruellement d’un capitaine. D’un stratège. D’un gestionnaire. Bernard Duchesneau, malgré ses maladresses, jouait ce rôle.

L’élimination de Félix au deuxième tour de Wimbledon 2025, aux mains d’un joueur classé hors du top 50, est symptomatique d’un joueur à la dérive.

Un joueur fragile. Non pas dans son coup droit ou son service, toujours aussi explosifs, mais dans sa tête, dans sa structure, dans son quotidien.

Comment expliquer autrement qu’il n’arrive plus à livrer la marchandise dans les moments clés? Ce n’est pas un problème de talent. C’est un problème de cadre, de confiance, de constance. Et cette confiance, ce cadre, il l’avait autrefois… avec Bernard Duchesneau.

Félix ne l’admettra sans doute jamais publiquement, mais tout pointe dans une seule direction : il s’est peut-être trompé en coupant le lien avec son agent de toujours.

Depuis cette cassure, le Québécois n’est plus le même. L’enthousiasme, la régularité, la certitude intérieure, tous ces éléments semblent s’être évaporés.

On peut bien parler de fiançailles, de bonheur amoureux, de belles citations romantiques comme « ses valeurs sont comme les miennes » ou « elle est quelqu’un qu’on ne peut pas corrompre », mais le court ne ment pas. Et le court dit : Félix est perdu.

Et maintenant?

Le tennis professionnel ne pardonne pas. La concurrence est féroce, le calendrier implacable, et la pression constante.

Il est encore temps pour Félix de redresser la barre, mais il devra d’abord répondre à la question que tout le monde évite : a-t-il besoin de ramener un Bernard Duchesneau dans son entourage? Pas nécessairement la même personne, mais le même type de présence.

Un agent solide, stratégique, protecteur. Parce qu’en ce moment, sans sa nounou, Félix s'effondre. Et il tombe.

Sa chute n’est pas définitive. Mais elle a un point de départ précis : août 2024. Et tant qu’il ne répare pas ce lien manquant, il risque de descendre encore plus bas.

Comme si cela ne suffisait pas, la presse française s’est récemment acharnée sur Félix Auger-Aliassime, en lui reprochant sa résidence à Monaco.

Le joueur québécois, qui partage une partie de son temps entre le Canada et la principauté, s’est vu affublé de qualificatifs peu flatteurs : « fuyant fiscal », « canadien aux pieds d’or », ou encore « fantôme patriotique » dans certains éditoriaux acerbes.

Dans L’Équipe, un chroniqueur allait jusqu’à affirmer que Félix avait « troqué sa raquette contre un chéquier », insinuant que ses priorités étaient désormais plus financières que sportives.

À RMC, un intervenant affirmait à l’antenne que le jeune Canadien était « tombé dans le confort de l’élite fiscale et sociale », ce qui, selon lui, expliquerait son manque d’intensité sur le court.

Ces attaques, souvent injustes, se nourrissent de la perception qu’un joueur né à Montréal, qui a toujours affiché des valeurs d’humilité et de travail, aurait désormais « changé » de cap, influencé par son train de vie monégasque.

Ce climat toxique a sans doute affecté Félix, isolé, critiqué, et désormais sans son agent de toujours pour le défendre dans les médias francophones.

Quand on recolle les morceaux, tout remonte à août 2024. Le jour où Félix a coupé les ponts avec Bernard Duchesneau, pensant amorcer une nouvelle étape professionnelle.

Ce jour-là, sans le savoir, il s’est aussi débarrassé de son dernier filet de sécurité.

Félix est peut-être entouré de gens « super », comme il le dit. Mais ce qu’il lui manque, cruellement, c’est un professionnel capable de naviguer les tempêtes. 

Un homme de terrain, de coulisses, de crise. Quelqu’un qui sait protéger un athlète dans toutes les dimensions : sportive, juridique, commerciale, et humaine.

Ce n’est pas qu’une question de tennis. C’est une question de structure, de stabilité et de vision. Et tant que cette pièce manquante ne sera pas remplacée, Félix Auger-Aliassime continuera de perdre bien plus que des matchs. Il perd du terrain, du prestige, et peut-être même la foi en son propre projet.

Il lui reste le talent. Mais sans armure, même les plus grands tombent.