Ce devait être une soirée historique. Un match à marquer d’une pierre blanche. L’éclosion tant attendue d’Ivan Demidov, prodige russe, dans un Centre Bell en délire.
Mais ce lundi soir d’avril s’est transformé en scandale, en erreur d’arbitrage grotesque, en une trahison envers les règles les plus élémentaires du hockey.
Le Canadien de Montréal a été volé. Et personne n’ose vraiment le dire.
Ce n’est pas qu’une défaite. C’est une injustice cruelle, une faille majeure dans l’application des règlements de la LNH, une honte télévisée sur la scène nationale.
Le but de Frank Nazar, validé trop tard par une reprise vidéo mal gérée, a non seulement changé le résultat du match, il a volé au CH une victoire et potentiellement une place en séries éliminatoires.
Et pendant ce temps, Ivan Demidov, dont le premier match avait tout d’une épopée, a quitté la patinoire avec un sourire poli, sans savoir que l’un des plus grands vols de sa carrière venait de se produire sous ses yeux.
Tout a basculé au moment de la fusillade. Frank Nazar, premier tireur pour les Blackhawks, inscrit ce qui allait devenir le seul but de la séance. Sauf que… personne ne s’en rend compte immédiatement. Pas les arbitres, pas les juges de ligne, pas même la foule.
La rondelle entre dans le filet, touche le fond, puis ressort si rapidement que l’illusion d’un arrêt de Montembeault trompe tout le monde – sauf Nazar.
« J’ai su dès le départ que la rondelle était dans le but, » a déclaré le jeune attaquant en point de presse.
« Je ne voulais pas trop célébrer puisque j’étais le premier à m’élancer. Je me suis rendu au banc pour recevoir les félicitations de mes coéquipiers, mais personne n’a réagi. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait. C’était bizarre. »
Ce n’est qu’après le tir suivant – celui de Patrik Laine – que les arbitres reçoivent la confirmation que le but de Nazar était bon.
Problème? Le règlement de la LNH est clair : « Tout but potentiel requérant la reprise vidéo doit être revu avant et/ou durant le prochain arrêt de jeu. Aucun but ne peut être accordé en raison de la reprise vidéo une fois que le jeu est reparti. »
Le jeu était reparti. Laine avait déjà tiré. Le but ne pouvait plus être validé.
Et pourtant, il l’a été. En pleine contradiction avec le règlement.
Martin St-Louis dans le flou total
L’entraîneur-chef du CH, Martin St-Louis, n’a pas mâché ses mots. Visiblement confus, il a souligné à quel point cette décision a changé la stratégie de la fusillade elle-même :
« Je ne connais pas vraiment ce règlement-là, a-t-il admis. Je ne sais pas si c’est déjà arrivé. J’ai demandé à l’arbitre si c’était ça, le règlement. S’il marque, est-ce que je fais quelque chose différemment? Est-ce que je change ma rotation, les gars qui y vont? »
Cette déclaration dit tout. La décision a été prise après coup, sans que les entraîneurs puissent ajuster quoi que ce soit. Le Canadien a donc tiré à l’aveugle, croyant toujours que la fusillade était nulle.
C’est une faute professionnelle de la part des officiels. Une erreur lourde de conséquences.
Même Elliotte Friedman a révélé que l’information confirmant le but de Nazar avait été envoyée à temps depuis le centre de contrôle de Toronto, mais n’avait pas été relayée aux arbitres à temps.
Dans les instants suivant la défaite, Martin St-Louis était visiblement troublé. Ce n’était pas la frustration habituelle d’un entraîneur battu de justesse.
C’était la réaction d’un homme qui sent qu’on l’a induit en erreur, qu’on l’a forcé à prendre des décisions cruciales sans l’information juste. Et dans une fusillade, chaque décision compte.
St-Louis l’a dit lui-même, la colère dans les yeux.
« Je ne connais pas vraiment ce règlement-là. Je ne sais pas si c’est déjà arrivé. J’ai demandé à l’arbitre si c’était ça, le règlement. S’il marque, est-ce que je fais quelque chose différemment ? Est-ce que je change ma rotation, les gars qui y vont ? »
C’est là le cœur du problème. S’il avait su que Nazar avait marqué, St-Louis aurait immédiatement adapté sa stratégie.
Mais le but de Nazar a été confirmé après que Patrik Laine se soit élancé. Le jeu avait repris, alors que selon le règlement, toute vérification vidéo aurait dû être faite avant.
Et en reprenant le jeu sans savoir que son équipe tirait déjà de l’arrière, St-Louis a envoyé Laine dans un contexte où la pression était infiniment plus grande, sans même le réaliser.
Et si Laine n’était pas le bon homme pour ça ? Si le bon tireur, à ce moment, c’était Demidov, ou un joueur comme Suzuki ?
Si, en connaissant la réalité du pointage, St-Louis avait opté pour une séquence différente, pour maximiser ses chances de revenir de l’arrière ?
Ce genre de rotation est précisément construit en fonction du déroulement. On tire autrement quand c’est 0-0 que quand on est mené 1-0. Et la LNH a privé le CH de cette capacité d’ajustement.
St-Louis, un entraîneur structuré, analytique, qui insiste sur la préparation et la communication, s’est fait prendre au piège d’un vide réglementaire mal appliqué.
Et au lieu de pouvoir déployer sa meilleure carte — peut-être même Demidov, qu’il avait dans sa poche pour plus tard — il s’est retrouvé à improviser sans savoir que le sort du match venait déjà de basculer.
Il ne s’agit pas simplement d’un but validé trop tard. Il s’agit d’une séquence de décisions faussées, qui ont entraîné une série d’erreurs, et dont le CH a porté le poids jusqu’au bout.
Un problème de communication dans un match aussi crucial? Inacceptable.
Au centre de tout ce chaos se trouvait Ivan Demidov, le jeune prodige que tout le Québec attendait. Et il n’a pas déçu. Dès sa deuxième présence, il récolte une passe. Quelques minutes plus tard, il marque son premier but dans la LNH, d’un tir chirurgical. Le Centre Bell explose.
Mais ce qui aurait dû être une célébration historique, un moment de gloire et d’espoir pour une franchise entière, s’est transformé en farce.
Demidov, malgré sa performance de deux points, n’a même pas été envoyé en fusillade. St-Louis a affirmé que s’il y avait eu une ronde supplémentaire, Demidov aurait été le prochain.
Trop tard.
« Je crois avoir bien joué lors des deux premières périodes, mais j’étais un peu fatigué en troisième période, peut-être à cause du décalage horaire, » a dit le jeune russe.
« Si on avait gagné, j’aurais trouvé que ça a été un meilleur match. »
Ce sourire gêné, ce soupir à peine contenu… Il mérite mieux.
Le CH a été trahi par le système.
Ce n’est pas une simple erreur technique. C’est une injustice qui a déraillé un match supposé qualifier le CH. Les joueurs ont tout donné.
Les joueurs ont quitté le vestiaire frustrés, incompris, et floués.
Même Brendan Gallagher, d’ordinaire peu loquace face à l’arbitrage, a laissé entendre que Demidov aurait dû être celui qui conclut la soirée.
« C’est un joueur spécial. Ce n’est pas une situation facile pour lui, mais on dirait qu’à chaque fois qu’il a la rondelle, il se passe quelque chose. C’est emballant. »
Une LNH muette, une injustice muette..
Jusqu’à maintenant, la ligue n’a pas publié de déclaration officielle sur la séquence controversée. Aucune excuse.
Aucun mea culpa.
Et c’est ça, le plus grave.
Parce qu’au-delà des règlements violés et des erreurs humaines, il y a un manque flagrant de respect envers les partisans, envers les joueurs, et envers l’intégrité du sport.
Ce match aurait pu être une fête. Un tremplin. Un tournant dans la saison du CH.
À la place? Un vol en direct. Une fraude silencieuse. Une colère qui ne s’éteindra pas.
Ce que les partisans ont vu lundi soir, ce n’est pas seulement la naissance d’un prodige, c’est aussi la mort d’une soirée de rêve, étouffée par une décision bâclée, un protocole flou et une application aléatoire du règlement.
Demidov méritait cette victoire. Le CH méritait cette victoire. Montréal méritait cette victoire.
Mais tout ce qu’ils ont eu, c’est le silence assourdissant d’une ligue incapable d’admettre son erreur.
Un jour, on se souviendra de cette soirée comme du premier match d’une superstar. Mais on se rappellera aussi que ce fut, avant tout, le match volé du Canadien de Montréal.