C’est un choc. Une véritable commotion.
Selon les données du CRTC relayées par La Presse, RDS a enregistré une perte de 20,3 millions de dollars en 2024, surpassant les 15,4 millions de pertes de TVA Sports, la chaîne sportive pourtant en agonie constante depuis sa création en 2011.
À cela, il faut ajouter les 3,4 millions perdus par RDS Info, portant la perte totale des chaînes sportives de Bell à 27,8 millions. On parle ici d’un gouffre financier historique, jamais vu depuis l’arrivée de TVA Sports dans le paysage québécois.
Et pourtant, c’est bien RDS qui est encore, selon toutes les rumeurs, le diffuseur pressenti pour devenir le détenteur principal des matchs du Canadien de Montréal en français à partir de 2026, lorsque Rogers redistribuera ses sous-licences.
Un paradoxe qui fait frémir les observateurs, car c’est le réseau qui saigne le plus qui serait appelé à se relever avec un contrat en or… sans en avoir les reins.
RDS dans le rouge, TVA Sports dans le coma, mais Péladeau peut sourire.
La révélation tombe comme un marteau sur le crâne de Bell.
RDS, longtemps vache à lait de l’empire médiatique, est maintenant une division déficitaire et en déclin rapide. Il fut un temps où RDS engrangeait plus de 24 millions de profits par an (2017). Aujourd’hui, c’est l’effondrement, le naufrage du Titanic qui ne voit plus le rivage.
Et pendant ce temps, Pierre Karl Péladeau jubile en coulisses.
Celui qui menaçait de fermer TVA Sports au printemps dernier voit dans ces chiffres une revanche éclatante. Il n’a cessé de dénoncer « l’injustice » des règles du CRTC, le favoritisme perçu envers Bell, et le refus du distributeur de reconnaître la valeur marchande de TVA Sports.
Et voilà que RDS perd plus d’argent que TVA Sports pour la première fois en quinze ans.
Dans l’entourage de Péladeau, on parle d’un électrochoc, d’un tournant symbolique majeur. L’homme d’affaires, qui considère encore le sport comme un vecteur d’identité québécoise, serait furieux de voir RDS encore en lice pour les matchs du Canadien, alors que son propre réseau peine à survivre même en étant le diffuseur officiel de la LNH jusqu'à l'été 2026.
Il y a, dans ce climat, une tension féroce entre Bell et Québecor, deux titans médiatiques sur le bord du gouffre. TVA Sports a craqué en premier. Mais RDS est aussi en train de s'effondrer.
La situation est d’autant plus troublante que le nombre d’abonnés à RDS a chuté de 6 % en 2024 (à 1,5 million), pendant que TVA Sports maintenait un certain équilibre à 1,2 million.
Les revenus de RDS sont en baisse, les pertes augmentent, et l’avenir est plus incertain que jamais. Même TSN, la grande sœur anglophone de RDS, encore rentable, a vu ses profits avant impôts chuter de 24 %.
En clair, tout le modèle télévisuel traditionnel est en train de s’effondrer. Et pourtant, la direction de Bell continue de miser sur les vieilles formules, les vieux visages, et les vieilles recettes.
Dans ce contexte, la rumeur selon laquelle RDS pourrait hériter des droits nationaux en français du Canadien dès 2026 sonne comme un saut dans le vide, une décision dictée par les apparences, et non par la viabilité.
Le public québécois n’est pas naïf. L’image de RDS chute à la vitesse grand V. Les chroniqueurs vieillissants, les analyses bâclées, le chauvinisme flagrant, les erreurs de base sur les alignements et les règlements, tout y passe. Les jeunes téléspectateurs ont déserté, les abonnements chutent, les pertes s’accumulent.
Et au moment où RDS devrait se renouveler, la chaîne persiste à s’enfoncer. Elle offre encore la tribune à des analystes dépassés, des figures qui ont la langue plus rapide que l’analyse, et surtout, aucune relève crédible à l’horizon.
Le modèle est dépassé. On a les mêmes visages depuis 15 ans. Les Brunet, les Therrien, les Flynn, les Carbo. Des anciens joueurs ou entraîneurs qu’on respecte pour leur passé, mais qui n’ont jamais appris à évoluer avec le hockey moderne.
À l’ère des statistiques avancées, de la vidéo, du détail, RDS continue de servir les mêmes phrases creuses. Les « il faut qu’il se responsabilise », les « c’est pas compliqué le hockey », les « ça prend plus d’intensité ». C’est fini, ça. Le public n’achète plus ces slogans vides.
Et le plus désolant, c’est qu’ils ne semblent même pas le savoir. L’Antichambre est figée dans le temps. Le décor n’a pas changé. Le ton n’a pas changé. Les intervenants non plus.
On regarde l’émission aujourd’hui, et on a l’impression de faire un bond en arrière… en 2012. Même les erreurs sont recyclées.
Gaston Therrien qui mélange les alignements. Norman Flynn qui ne sait plus quel joueur fait encore partie du CH. Benoît Brunet qui s'enfarge dans ses mots.. Un désastre éditorial en direct.
Gaston Therrien est le symbole de ce naufrage. Et ce n’est pas un jugement sur l’homme, tout le monde dit qu’il est un bon jack. Mais comme analyste, il ne passe plus. Il s’accroche à des repères qui n’existent plus. Il juge les jeunes au faciès, au style de patinage, au langage corporel.
Lane Hutson, Ivan Demidov, Patrick Laine… il les a tous visés, semaine après semaine. Et pendant ce temps-là, des vétérans surprotégés comme Mike Matheson ou Joel Armia étaient protégés comme s'ils étaient la 8e merveille du monde.
Normand Flynn, lui, est devenu un clown ambulant. Une caricature de l’analyste « mononcle », celui qui pense que le hockey, c’est seulement des bagarres, des grosses mises en échec et des clichés d’aréna des années 90.
Il ne regarde pas le hockey moderne. Il le commente comme on commente une partie de garage. Et pourtant, c’est lui qu’on ramène sans cesse pour boucher les trous, pour remplacer Therrien ou meubler le vide. Une solution temporaire qui devient permanente. Le public n’en peut plus.
Et que dire de Benoît Brunet, dont l’analyse semble tirée du même calepin depuis une décennie. Toujours la même terminologie floue, les mêmes références aux années 90.
RDS ne cherche même plus à rajeunir sa formule. Il n’y a pas de relève. Pas de nouveaux visages. Pas de place faite aux femmes, aux analystes de statistiques, aux voix émergentes du web.
Pas de tentatives. Pas d’audace. Seulement le recyclage. Et pendant que les balados captent l’attention du public jeune et branché, RDS s’enferme dans un bunker.
Le problème, ce n’est pas juste le déficit financier. C’est la perte de pertinence. C’est l’aveuglement volontaire. C’est ce refus obstiné de moderniser une antenne qui se vide lentement, pendant que Bell continue d’investir dans les mauvaises personnes, les mauvaises idées, les mauvais réflexes.
D’ici quelques mois, Rogers devra faire un choix crucial : qui héritera de la sous-licence pour les matchs du CH en français?
TVA Sports, qui perd de l’argent depuis sa naissance, mais qui a tenu bon malgré tout, ou…
RDS, ex-champion aujourd’hui affaibli, devenu un colosse aux pieds d’argile.
Ou Amazon Prime, Apple TV ou Netflix... les géants qui balaient les médias traditionnels comme si c'était des "has been".
Ce qui est clair, c’est que les pertes de RDS marquent une date historique. Pour la première fois, le masque tombe. La chaîne n’est plus le leader incontesté du sport francophone. Elle est devenue une chaîne vulnérable.
Une chaîne en danger.
Et ce danger, il est désormais palpable, concret, mesurable : 27,8 millions de dollars de pertes. En un an.
Et une industrie qui retient son souffle.