Crise identitaire pour Filip Mesar : quand les bottines ne suivent pas les babines

Crise identitaire pour Filip Mesar : quand les bottines ne suivent pas les babines

Par André Soueidan le 2025-09-11

Filip Mesár a parlé. Trop parlé, même.

Dans une entrevue donnée au camp des recrues, il a sorti une phrase qui, pour certains, est passée comme une autre déclaration de joueur poli.

Mais pour ceux qui comprennent ce sport-là, pour vrai, c’est une alarme qui vient de se déclencher.

Il a dit, sans cligner des yeux : « Je regarde beaucoup un gars comme Marchand. »

Marchand. Brad Marchand. Le rat suprême.

Le plus grand petit joueur sale de l’histoire moderne de la LNH.

Le gars qui lèche des visières, qui frappe quand l’arbitre regarde ailleurs, qui vit pour déranger.

Et Mešár, ce petit ailier slovaque au patin fluide et à la voix douce, veut maintenant calquer ce modèle?

On est où, là? C’est-tu une crise identitaire ou un désespoir de première ronde?

Parce que faut se le dire : tu deviens pas Brad Marchand en regardant des highlights sur YouTube.

Tu peux pas « aspirer à devenir » un joueur comme ça.

T’es né comme ça. T’as grandi à te battre dans les coins, à recevoir des tapes dans le casque en junior, à faire des faces aux vétérans dans l’autobus.

T’as ça dans le sang ou tu l’as pas. C’est pas un plan d’entraînement que tu télécharges en PDF.

Mais Mešár, lui, semble convaincu que son salut passe par là.

Il le répète même deux fois dans la même entrevue : « Je veux aller plus dans les zones sales. Je veux devenir un joueur plus greedy. »

Il veut se salir. Il veut déranger. Il veut survivre.

Et c’est là que le malaise commence.

Parce que ce n’est pas n’importe qui, Filip Mešár.

C’est un choix de première ronde. C’est un gars que le Canadien a sélectionné en 2022 avec espoir, avec foi, avec une vision.

On nous parlait de créativité, de vision du jeu, de patin exceptionnel.

On parlait de finesse, de style, de promesse offensive.

Et aujourd’hui, ce qu’on entend, c’est un joueur qui semble prêt à rejeter tout ce qu’il est pour se donner une nouvelle chance d’exister dans l’organigramme.

« Je veux prouver quelque chose à l’organisation. Je prends ça un match à la fois, une pratique à la fois. »

Oui. Bien sûr. Comme 38 autres gars au camp.

Mais eux, ils savent ce qu’ils sont. Mešár, lui, semble chercher à devenir autre chose.

Et c’est là que ça devient dangereux.

Parce qu’à Laval, on pardonne pas l’hésitation.

Tu fais ton identité, ou tu disparais dans les gradins.

T’es un joueur de ligne ou t’es une note de bas de page.

Et Mešár le sait. Il le sent.

Il dit même : « Il y a de la pression. Je la sens. Mais elle vient surtout de moi. Je sais que je suis capable de plus. Je sais quel genre de joueur je peux être. »

Le problème, c’est qu’il n’a plus l’air sûr de quel genre de joueur il est vraiment.

Avant, c’était clair. Il disait qu’il regardait Mitch Marner.

Même style. Même instinct. Le jeu de périphérie, la feinte à l’entrée de zone, le flair.

Mais maintenant? Il regarde Marchand. Il veut rentrer dans le trafic. Il veut se cogner, se salir, déranger. Il veut s’adapter.

Mais on le sait : adapter, ça rime souvent avec effacer.

Pis là, Mešár, il nous fait son speech de réinvention devant la caméra.

Il veut être plus “greedy”, aller dans les coins, déranger, faire du sale.

C’est toutes des belles qualités, oui. T’en as besoin dans ton bagage.

Mais buddy… faut que tu le fasses.

Tu peux pas juste le dire. Ce genre de choses-là, tu le dis pas.

Tu le montres. Pis si t’es rendu à le dire devant la caméra, c’est probablement parce que tu le fais pas encore.

Et maintenant, c’est Mešár qui suit ce chemin-là.

La différence? Il le dit avec les yeux brillants.

Il semble vraiment croire qu’il peut devenir un autre joueur.

Il pense peut-être que c’est ça, la maturité.

Qu’il faut se transformer pour survivre. Mais ce que personne ne lui dit, c’est que trop changer, c’est mourir en silence.

Ce n’est pas qu’il ne veut pas. Il veut.

Il parle comme un gars motivé. Il dit : « Cet été, j’ai fait beaucoup plus de travail dynamique, plus de cardio, plus de musculation. » I

l dit qu’il veut « aller dans les coins, devant le filet, faire les jeux difficiles ». Il parle comme un gars qui veut tout donner.

Mais ce n’est pas une question de volonté.

C’est une question de nature.

Tu peux forcer un joueur à jouer dans les coins.

Tu peux lui montrer comment donner un bon coup d’épaule.

Tu peux l’obliger à aller devant le gardien.

Mais tu peux pas lui donner l’instinct de Marchand.

Tu peux pas lui injecter l’attitude dans le sang.

T’as pas ça, ou t’as ça.

Et Mešár? On le sait pas encore. Mais on commence à douter.

Et c’est ça, le plus triste.

Parce que dans tout son discours, ce qu’on entend, c’est un joueur qui essaie désespérément de convaincre les autres… et lui-même.

C’est pas un gars qui arrive avec un plan clair.

C’est un gars qui essaie tout ce qu’il peut.

Un gars qui sait que l’heure tourne.

Que Demidov est déjà passé devant.

Que Beck cogne à la porte. Que Kapanen avance. Et lui? Il reste là, au centre, à chercher le rôle qu’il peut jouer.

Il le dit : « Je veux prouver quelque chose. Je veux montrer que je suis capable. » Il le dit encore : « J’ai été repêché en première ronde pour une raison. »

Oui, mais laquelle? Et surtout : est-ce qu’il le croit encore?

Parce qu’un gars qui croit encore en son identité, il dit pas qu’il veut devenir Brad Marchand. Il dit : je suis Filip Mešár, pis vous allez devoir me respecter pour ce que je suis.

Il dit pas : je vais changer pour vous convaincre. Il dit : je vais exploser dans ce que je fais de mieux, pis vous n’aurez pas le choix de me donner ma place.

Mais Mešár, lui, est rendu à l’étape où il négocie avec lui-même. Et c’est jamais bon signe.

Et c’est là qu’on en revient à cette phrase fatidique : quand les bottines ne suivent pas les babines.

Parce que pour l’instant, tout ce qu’on a, c’est un beau discours.

Du bon vouloir. Une volonté sincère. Mais est-ce que ça va se traduire en mise en échec? En bataille dans le coin?

En chaos organisé dans la zone ennemie?

C’est ça, la vraie question. Et elle fait mal. Parce qu’on aimerait croire que Mešár peut revenir.

Qu’il peut redevenir le joueur prometteur qu’on a repêché.

Mais en ce moment, ce qu’on voit, c’est un gars qui essaie d’enfiler un costume qui n’est pas à sa taille.

Et dans la LNH, les costumes mal ajustés, ça finit au recyclage.

Crise identitaire pour Filip Mešár, donc.

Et pas à moitié.

Parce que ce n’est pas une question de technique.

C’est une question de nature. Et on le répétera autant de fois qu’il le faut : tu peux pas devenir un rat. T’es né un rat. Et tu meurs un rat.

Ouch...