Le silence commençait à peser lourd. Cinq semaines après l’annonce officielle de son absence pour fracture de l'os métacarpien, David Reinbacher n’avait toujours pas rejoué, et aucune mise à jour médicale n’était venue rassurer le public.
L’annonce initiale parlait d’un mois, mais un mois s’est écoulé, et toujours rien. Pas de photo d’entraînement, pas de déclaration du club, pas de communiqué du Rocket de Laval. Rien. De quoi nourrir toutes les spéculations.
Est-ce que le jeune Autrichien a subi un retard dans sa rééducation? Est-ce que sa blessure est plus sérieuse qu’on ne le croyait? Ou, pire encore, est-ce que son nom est devenu trop brûlant pour qu’on communique quoi que ce soit?
C’est dans ce contexte tendu que Pascal Vincent, entraîneur du Rocket, a choisi de parler. Une sortie rare, mais calculée
. En marge d’un passage à l’émission L’Antichambre sur les ondes de RDS qui sera diffusée ce soir, Vincent a voulu calmer la tempête :
« David va très bien. Il patine, il s’entraîne, il attend seulement le feu vert médical pour rejouer. »
Ce message, pourtant simple, résonne comme une réponse directe aux rumeurs qui s’emballent autour du défenseur de 19 ans.
Et dans le contexte actuel du Canadien de Montréal, où Kent Hughes multiplie les appels pour trouver un deuxième centre, chaque mot de Vincent prend un poids politique.
Depuis deux semaines, le nom de Reinbacher circule dans tous les cercles de la Ligue. À Boston, certains initiés évoquent un scénario Zacha–Reinbacher.
À Calgary, d’autres parlent d’un possible montage pour Nazem Kadri. Et évidemment, à Pittsburgh, la rumeur d’un échange impliquant Sidney Crosby continue d’exister en arrière-plan, alimentée par Renaud Lavoie, qui avait affirmé que le CH serait prêt à inclure Reinbacher si jamais Crosby décidait de quitter.
Cette agitation médiatique n’a rien d’anodin. Reinbacher est devenu, bien malgré lui, la pièce centrale du casse-tête Hughes.
Il incarne à la fois la prudence d’une reconstruction en cours et la tentation d’une accélération immédiate vers la victoire. Or, dans une organisation où la patience est devenue un mot d’ordre, voir son nom lié à autant de scénarios de transactions inquiète.
Pascal Vincent, en intervenant, ne voulait pas seulement apaiser les doutes médicaux. Il voulait stopper l’hémorragie spéculative.
En affirmant que le joueur « va très bien », il protège la valeur de l’actif. Parce qu’en LNH, la perception, c’est la moitié du marché.
Un jeune joueur blessé depuis trop longtemps devient rapidement une cible de doutes. Et quand ce jeune joueur a été repêché cinquième au total, le doute devient un problème stratégique.
Vincent n’est pas naïf. En répondant publiquement, il sait qu’il parle autant aux fans qu’aux directeurs généraux. Dire que Reinbacher « va très bien », c’est préserver sa valeur marchande.
Dire qu’il « attend le OK médical », c’est préparer le terrain pour un retour rapide à Laval, donc pour de nouvelles vitrines à offrir.
Car oui, le Rocket a besoin de lui, mais le Canadien aussi a besoin de le montrer. Montrer qu’il est en santé, qu’il progresse, qu’il n’est pas une erreur de parcours. Montrer qu’il peut encaisser des matchs complets, retrouver son rythme, et surtout, inspirer confiance.
Dans le fond, le message de Vincent, c’est : Reinbacher n’est pas un problème, c’est une solution.
Une solution à court terme pour Laval, mais peut-être, à moyen terme, une monnaie d’échange si le bon scénario se présente.
Tout part de là. Depuis des mois, Kent Hughes cherche un deuxième centre. Un vrai. Un vétéran capable d’assumer les lourdes minutes, de prendre les mises en jeu clés, d’alléger Suzuki, de solidifier l’attaque. Tous les scénarios tournent autour de ce besoin.
Et c’est précisément ce besoin qui place Reinbacher dans une position délicate.
À Boston, les discussions autour de Pavel Zacha se poursuivent, mais les Bruins, méfiants, n’ont aucun intérêt à renforcer un rival historique.
À Calgary, Nazem Kadri pourrait être disponible, mais son âge et son contrat (34 ans, 7 millions par année jusqu’en 2029) refroidissent tout le monde chez le CH.
Et à Pittsburgh, la situation est simple : tant que les Penguins gagnent, Crosby ne bouge pas.
Alors, à défaut d’agir, Hughes observe. Et pendant ce temps, chaque blessure, chaque rumeur, chaque silence autour de Reinbacher devient un petit tremblement de terre médiatique.
Il faut comprendre le contexte : depuis son repêchage, Reinbacher n’a pratiquement pas eu la chance de jouer un hockey soutenu.
Blessures, saisons écourtées, adaptation en Amérique du Nord. Ce qui devait être une progression fluide est devenu une succession d’interruptions. Et à Montréal, où la mémoire collective est impitoyable, le mot « fragile » commence à coller.
Pour un jeune joueur de 20 ans, c’est un fardeau lourd. Mais aussi un test de caractère. S’il revient fort, s’il reste en santé, s’il enchaîne les bonnes performances à Laval, il peut rapidement renverser la perception. Mais s’il trébuche encore, le doute redeviendra une certitude.
C’est pourquoi le Rocket, selon Pascal Vincent, va le ménager tout en lui donnant du volume.
« Il va avoir des minutes, il va manger du hockey, » dit-on à l’interne.
Le but est clair : retrouver le Reinbacher de Kloten, celui qui patinait avec autorité, sans peur, et qui contrôlait les transitions avec calme et assurance.
Derrière la façade du calme, Kent Hughes continue de manœuvrer.
Son discours sur la patience ne doit pas tromper : il est en mode anticipation. Il sait que pour franchir la prochaine étape, il lui faudra un deuxième centre, et que ce genre de joueur ne s’obtient pas sans sacrifier quelque chose de significatif.
Pour le moment, tout indique qu’il ne veut pas se départir de Reinbacher.
Pas maintenant. Pas avant d’avoir vu ce qu’il peut réellement devenir.
Mais à long terme, il n’a fermé aucune porte. En fait, il a fait exactement ce que tout bon négociateur fait : il garde la carte vivante.
En ce sens, la sortie de Pascal Vincent tombe à point. Elle redore le profil d’un jeune joueur en convalescence, rappelle qu’il est en progression, et surtout, qu’il reste une pièce centrale du projet montréalais.
Au fond, le cas Reinbacher dépasse le simple cadre médical. Il symbolise la tension qui habite toute l’organisation : entre le désir d’accélérer et la nécessité de ne pas brûler les étapes.
Les fans veulent des résultats, les dirigeants veulent bâtir, et le joueur, lui, veut simplement exister à travers ce bruit.
Pascal Vincent, en prenant la parole, a ramené un peu de raison.
Reinbacher va bien. Il revient bientôt. Et, à moins d’un revirement monumental, il sera de retour à Laval avant la mi-novembre.
Mais derrière ces phrases rassurantes, une vérité demeure : à Montréal, chaque blessure, chaque silence et chaque mot prononcé par un entraîneur fait partie du marché.
Et, qu’on le veuille ou non, David Reinbacher est déjà sur l’échiquier du marché... des transactions...
