Depuis son arrivée en Amérique du Nord, Ivan Demidov soulève les passions.
Élu meilleur espoir russe de sa génération, artiste flamboyant de la KHL et phénomène médiatique avant même son premier match régulier avec le Canadien, le jeune attaquant est vu par beaucoup comme la pierre angulaire de l’attaque montréalaise pour la prochaine décennie.
Pourtant, malgré des prestations impressionnantes en séries l’an dernier et une chimie naturelle avec les autres jeunes vedettes de l’équipe, un doute commence à s’immiscer dans l’esprit des partisans : et si Martin St-Louis tentait carrément de « casser » Demidov, en le gardant à l’écart de la première unité d’avantage numérique?
Ce soupçon, d’abord relayé à mots couverts sur les réseaux sociaux, a pris de l’ampleur cette semaine, alors que BPM Sports a affirmé sans détour que Demidov ne commencerait probablement pas l’année sur la première vague du jeu de puissance.
Une déclaration qui fait écho à une tendance bien connue chez Martin St-Louis : celle de prioriser la méritocratie et la patience au détriment de l’excitation populaire.
Ce fut le cas avec Lane Hutson, l’an dernier, que tout le monde voyait sur la première unité dès octobre, mais qui a dû attendre plusieurs semaines avant de déloger Mike Matheson.
St-Louis a son code, et même les étoiles montantes doivent le respecter.
Le cas Demidov s’inscrit exactement dans cette logique. Oui, il a brillé en séries. Oui, ses statistiques à 5 contre 5 ont été solides. Et oui, le fameux « powerplay des cinq jeunes » (Suzuki, Caufield, Slafkovsky, Hutson et Demidov) a été l’un des rares rayons de soleil du printemps.
Mais aux yeux du personnel d’entraîneurs, cela ne suffit pas nécessairement pour obtenir un laissez-passer automatique. Martin St-Louis aime voir ses joueurs gagner leur place, surtout quand les projecteurs sont aussi intenses.
En ce sens, le message semble déjà clair : si Demidov veut un poste sur la première unité, il devra d’abord tasser soit Juraj Slafkovsky, dont le gabarit imposant crée des espaces précieux en zone offensive , soit Patrik Laine, dont le tir dévastateur est l’un des plus redoutés de la LNH avec l’avantage d’un homme.
Dans les faits, c’est ce dernier qui semble avoir une longueur d’avance sur Demidov dans l’esprit de St-Louis. Une information corroborée indirectement par plusieurs sources proches du dossier, et que reflètent déjà les formations projetées de DailyFaceoff et de The Athletic.
Ce qui alimente encore plus cette hypothèse, c’est le modus operandi de l’entraîneur-chef du Tricolore. Martin St-Louis n’a jamais cédé à la pression populaire ou médiatique.
Il a ses idées, ses plans, son tempo. Il préfère voir ses jeunes joueurs se heurter à l’adversité plutôt que de les installer trop rapidement dans des fauteuils dorés.
Une philosophie qui a ses mérites… mais qui, dans le cas de Demidov, pourrait ralentir l’explosion que tout le monde attend avec impatience.
Et surtout, ce serait aller à contresens de la logique sportive.
Parce que soyons honnêtes : Ivan Demidov, même à 19 ans, est probablement l’un des meilleurs talents offensifs de cette équipe.
Il a le flair, la vision, le tir et l’instinct pour dynamiter n’importe quelle défensive en supériorité numérique. On l’a vu en séries, quand il a pris les commandes de l’unité avec brio, notamment lors du match 3 face à Washington où il a multiplié les jeux dangereux avec Lane Hutson.
Dès que Demidov a tassé Patrik Laine (blessé à la main, mais qui avait été "benché" bien avant tellement il était paresseux), la première unité de "power play" a explosé.
Le laisser de côté en début de saison serait non seulement une surprise, mais aussi une erreur de gestion.
Et que dire de Zachary Bolduc, un joueur qui pourrait justement venir brouiller les cartes. Bolduc, selon Pierre Dorion, possède un tir aussi bon que celui de Laine, ce qui lui ouvre aussi la porte à un rôle en avantage numérique.
Avec Dobson à la ligne bleue et Bolduc, la deuxième unité pourrait devenir presque aussi menaçante que la première. Ce qui permettrait à St-Louis de justifier le fait de laisser Demidov en retrait, le temps qu’il « mérite » sa place.
Mais ce raisonnement fait froncer bien des sourcils.
Demidov est un artiste, un joueur d’instinct. Il a besoin de la rondelle, du temps de glace, du filet adverse. Lui demander de faire ses preuves sur un troisième trio ou dans une deuxième vague, c’est prendre le risque de freiner son élan, voire de briser sa confiance.
D’autant plus que dans l’environnement montréalais, chaque décision est suranalysée. Si Demidov n’est pas sur la première vague le 8 octobre, on peut s’attendre à une tempête médiatique.
Et dans le vestiaire, le message pourrait être ambigu. Comment expliquer aux jeunes que la jeunesse est valorisée, si un talent générationnel comme Demidov est volontairement tenu en laisse?
Certes, l’exemple de Hutson a fini par porter fruit, mais tous les joueurs ne réagissent pas de la même manière à la gestion par l’adversité.
Au fond, le dilemme est le suivant : faut-il gérer Demidov comme un espoir ordinaire, ou comme une future superstar?
La première option est plus prudente, mais elle comporte des risques de frustrations. La deuxième est plus audacieuse, mais elle peut rapporter gros dès cette année.
On sait que le CH a besoin d’un boost offensif pour éviter la stagnation. Lui donner les clés dès maintenant pourrait être le moyen le plus rapide d’accélérer la progression du club.
Mais encore faut-il que Martin St-Louis accepte de s’éloigner, un tant soit peu, de ses principes. Et ça, rien n’est moins sûr.
En attendant, les paris sont ouverts. Demidov sur la première vague dès le match inaugural? Ou bien relégué temporairement sur l’unité B, avec Bolduc, Dobson, Newhook et Gallagher?
Quoi qu’il en soit, les projecteurs seront braqués sur cette décision. Car dans le "Montréal hockey", on ne peut pas garder un joyau dans sa boîte très longtemps sans provoquer la colère du public.
Et à voir la fébrilité autour du Centre Bell, il semble que la patience ne soit plus à l’ordre du jour.
Demidov est prêt. La question, c’est : Martin St-Louis l’est-il aussi?