Ça grouille... et ça déménage autour de Mike Matheson.
Dans le salon, au téléphone, à Brossard : tout le monde lui parle d’avenir, et personne ne lui donne la même réponse.
D’un côté, on entend qu’en restant à Montréal il devrait accepter une entente « à rabais », à peine au-dessus de son présent impact sur la masse (autour de 4,9 M$).
De l’autre, Renaud Lavoie place clairement la barre à 6,5 M$ par saison, rappelant qu’en argent réel pour sa dernière année actuelle, Matheson touchera justement environ 6,5 M$ (bonis + salaire).
Les statistiques avancées le situent dans cette fourchette. Problème : Kent Hughes ne veut rien savoir d’un tel chiffre sur plusieurs années.
Ce n'est pas pour rien que le nom de Matheson circule à Anaheim et à Seattle dans des scénarios de transaction… et la famille se retrouve à vivre l’orage en direct.
Sur la glace, l’argument de Matheson est béton : il joue partout, mange des minutes lourdes, transporte la rondelle, anime l’avantage numérique et a connu ses plus belles séquences sous Martin St-Louis.
Dans un marché plus calme, un défenseur mobile de 31 ans (32 en cours de saison) avec cette feuille de route signe sans peine à 6–6,5 M$ pour 4 ou 5 ans.
Mais Montréal n’est pas « un marché plus calme ». Montréal est synonyme de une congestion défensive et une structure salariale en reconstruction fine.
Regardons froidement ce qui s’en vient : Noah Dobson vient d’entrer comme pièce maîtresse à droite; Kaiden Guhle est un pilier de première paire; Lane Hutson va coûter cher tôt ou tard; Alexandre Carrier stabilise; David Reinbacher cogne à la porte; Adam Engström pousse si fort qu’on le dit désormais intouchable; Jayden Struble a gagné des galons. Arber Xhekaj a l'immunité du shérif populaire.
Où place-t-on Matheson à moyen terme, si ce n’est comme pont de transition? Et quel prix Montréal peut-il payer pour un pont?
C’est ici que la position de Kent Hughes devient lisible : pas de long bail coûteux sur un défenseur qui, à l’horizon de deux saisons, glissera forcément dans la hiérarchie.
Le directeur général privilégie soit un court terme à prix raisonnable, soit… la valeur d’échange tant que le contrat actuel de Matheson demeure séduisant pour un acheteur ambitieux.
Ce n’est pas un manque de respect; c’est de la prévention cap-salariale. Le CH ne veut pas répéter les erreurs de Marc Bergevin et cette époque où l’on payait pour les souvenirs.
Évidemment, ce calcul froid et technique a un coût humain. Une conjointe, des enfants, une famille élargie qui s’est enracinée ici.
Le rêve du Montréalais chez lui n’est pas un slogan : Matheson l’a vécu, porté, absorbé. Mais depuis des semaines, la rumeur tourne sans relâche : inclus aux Ducks dans les scénarios pour Mason McTavish; inclus au Kraken si le CH se laisse charmer par Jared McCann.
Partout où l’on tente d’ouvrir la voie à un deuxième centre, le même nom revient au tableau pour un "package deal".
Dossier après dossier, on explique aux familles que « ce n’est que du hockey », que « tout peut basculer en une heure ».
Facile à dire; moins facile à vivre. Surtout quand les enfants posent la question qui fige tous les parents : « On va déménager? »
Sportivement, l’argument anti-6,5 M$ se tient. S’il faut aligner demain Guhle–Dobson en première paire et Hutson–Reinbacher en deuxième, quelle place réelle reste-t-il à Matheson sur la durée d’une prolongation à gros billets?
Certes, il peut encore porter une deuxième paire avec brio cette saison. Mais le plan du CH vise le cœur de la fenêtre 2027–2030 avec une défense jeune, mobile, coûteuse lorsque chacun livrera son plein potentiel.
Engager maintenant 6,5 M$ pour quatre ans sur un trentenaire, c’est ronger l’oxygène qui servira à Hutson, à l’attaque lorsque viendra le temps d'accueillir un 2e centre si la solution interne (Dach/Newhook/Bolduc au centre) ne s’impose pas.
À l’inverse, l’argument pro-Matheson à 6,5 M$ n’est pas ridicule. Les courbes d’efficacité le rangent dans la tranche des défenseurs créateurs de transition, rarissimes et décisifs en saison.
Il a livré. Il s’est exposé. Il a absorbé la pression du marché. Et sur le marché autonome, quelqu’un paiera. C’est d’ailleurs ce levier qui nourrit sa position : pourquoi signer à rabais là où l’on vous demande, en plus, de céder du terrain à des jeunes que l’organisation veut précipiter vers le haut?
D’un cran plus haut, la cohérence de l’état-major impose sa loi. Après avoir affirmé sur toutes les tribunes que Reinbacher est déjà un défenseur de la LNH « et que ce sera à lui de décider au camp », après avoir bétonné Dobson, après avoir fait d’Engström un intouchable sur le marché des transactions et protégé Struble par une nouvelle entente, après avoir misé sur Hutson comme pièce d’avenir… revenir avec un chèque à long terme pour Matheson à 6,5 M$ créerait un scandale à Montréal.
On fermerait la porte à un jeune, on alourdirait la masse, on ralentirait la bascule générationnelle. Ce serait impopulaire aujourd’hui, ingérable demain.
C’est pour cela que le téléphone d’Anaheim et de Seattle revient si souvent. Les Ducks veulent défenseur établi à gauche capable d’élever leurs jeunes défenseurs et de soutenir un centre de top-6. Matheson coche ces cases.
Le Kraken veut un défenseur propre en sortie, capable d’absorber 22–24 minutes et voit Matheson comme de l’or dans leur modèle.
Dans les deux cas, le contrat actuel de Matheson est une aubaine : impact élevé, coût modéré, un an à gérer, liberté ensuite. C’est exactement le profil que les équipes « prêtes à rejouer en séries » recherchent pour stabiliser un top 4.
Au milieu de la tempête, il reste l’option que Kent Hughes préfère toujours : le juste milieu. Une prolongation courte, salaire raisonnable, rôle clairement défini, mission de mentor-pont assumée vers Hutson/Reinbacher, puis liberté pour chacun de se re-définir plus tard.
C’est franc, c’est net, c’est froid. Ça peut vexer un joueur qui vient de retrousser ses manches pendant deux ans… mais c’est exactement comme cela qu’on protège un cycle gagnant.
Si Matheson accepte cette philosophie, tout le monde s’en sort la tête haute. S’il refuse, et il a toutes les raisons de refuser, il faudra le remercier, et transiger au bon moment, tant que la valeur est à son zénith.
Ce « bon moment », c’est maintenant. Avant que la saison ne fige les rôles, avant que la défensive n’étouffe en nombre, avant que la valeur marchande ne décroisse sous l’effet de l’usage réduit.
Tant que le contrat de Carey Price n’est pas déplacé et que la marge salariale reste un Tetris quotidien, le CH doit choisir ses dépenses avec cruauté.
Un long contrat à 6,5 M$ sur un défenseur qui glissera mécaniquement de la paire 2 à la paire 3 d’ici deux ans.. ou même dès cette année? C’est le contraire de la souplesse que Montréal cherche à gagner depuis deux étés.
Ne nous trompons pas de cible : Matheson a été exemplaire. Professionnalisme, minutes lourdes, attitude, qualité humaine, tout y est.
Mais l’organisation a changé de logique. Elle veut payer le futur, pas le passé. Elle veut que l’argent suive la pente ascendante de ses pièces clés, pas la pente descendante d’un vétéran encore excellent, mais rattrapé par la vague qui monte derrière lui.
C’est dur à écrire, dur à lire, dur à vivre, surtout pour un Montréalais et une famille qui s’est attachée à la ville, à l’école, au quartier, aux rituels de vivre à la maison.
Il reste donc trois voies :
Prolongation courte et raisonnable : rôle de pont clairement défini, mission de mentor, pari sur la loyauté et la stabilité familiale.
Transaction (Anaheim, Seattle, ou autre) dans un package contre un actif qui colle au plan (2e centre).
Attendre… au risque de voir la valeur s’éffondrer, la congestion empirer, et la famille vivre une saison à se demander si le déménagement arrive… demain matin.
À l’heure des décisions, il faut enlever l’émotion et regarder l’architecture. Le CH a besoin d’un centre no 2 fiable; il doit garder des munitions pour l’obtenir; il doit préserver la souplesse nécessaire pour Hutson et pour l’attaque qui entre dans son âge d’or.
Dans ce cadre, 6,5 M$ sur plusieurs années pour Mike Matheson n’entre pas. Ce n’est pas une sentence, c’est une conclusion.
Et si le dossier se règle par une belle sortie, un échange propre, vers un club qui lui offrira les minutes, la reconnaissance ou le contrat qu’il mérite, alors tout le monde y gagnera.
Montréal gardera sa trajectoire, Matheson retrouvera l’air pur d’un rôle majeur, loin de ses détracteurs et sa famille cessera de vivre au rythme des alertes de téléphone.
Jusque-là, il faut tenir bon. Oui, c’est rude. Oui, ça serre la gorge. Mais une équipe qui passe de la reconstruction à viser la Coupe Stanley doit parfois dire non à de bons joueurs pour dire oui à son plan.
Dans ce virage, Mike Matheson incarne à la fois le présent qui rassure et la décision difficile qui révèle la colonne vertébrale d’un état-major.
Le hockey, souvent, est une affaire de courage. Celui de bloquer un lancer.
Et celui, plus rare, de bloquer une tentation.
kent Hughes ne doit jamais donner 6,5 M$ par année à Mike Matheson. Tu le signes à rabais... ou bonsoir il est parti!!