Dernière émission de Patrick Lagacé au 98,5 FM: il se vide le coeur

Dernière émission de Patrick Lagacé au 98,5 FM: il se vide le coeur

Par David Garel le 2025-06-22

C'était sa dernière émission avant les vacances. Et au lieu de finir en douceur, avec une note joyeuse ou un sourire complice à ses auditeurs fidèles, Patrick Lagacé a choisi un autre ton.

Il s'est vidé le coeur. Il a lancé une charge directe contre un média indépendant, un site qui, cette année, ne lui a laissé aucun répit : Hockey30.

« En écoutant Hockey30, je suis un SS », a-t-il lancé, visiblement ébranlé. Une phrase glaçante, au goût amer, qui en dit long sur l'état d'âme d'un homme qui a porté, pendant toute une saison, le poids d'un héritage impossible à assumer : celui de Paul Arcand.

C’est tout un symbole, tout de même. La toute dernière chronique de Patrick Lagacé avant ses vacances, cet ultime souffle radiophonique d’une saison houleuse, il l’a consacrée à mon site qui, je l'avoue, a été sans pitié envers lui et toute son équipe.

Il a ri de nos titres, a tourné en dérision notre ton sensationnaliste, notre propension à pousser la ligne rouge. « Patrick Lagacé s’effondre ».

Il a essayé d’en rire, de banaliser, de nous réduire à de simples agitateurs numériques. Mais il n’a jamais abordé l’essentiel. Jamais il n’a évoqué nos révélations sur les tensions internes du 98.5 FM. Jamais un mot sur les conflits avec MC Gilles, jamais un mot sur le départ explosif de Pierre-Yves McSween.

Comme si tout cela n’existait pas. Comme si on pouvait parler de la forme sans jamais toucher au fond. Ce silence-là, volontaire, était éloquent.

Et au fond, c’est peut-être ce qui a toujours défini la posture de Lagacé cette année : un refus obstiné de s’avouer vulnérable, tout en encaissant les coups avec une grimace qui trahissait l’impact.

Il a ri jaune de nos manchettes, mais il les a lues. Il les a entendues. Et quelque part, il a compris qu’elles disaient une partie de la vérité.

Oui, Patrick Lagacé s’est effondré, pas en tant qu’homme ou journaliste, mais en tant que mythe de contrôle absolu.

Il a vu ses collègues tomber un à un, a dû porter l’odieux des décisions de programmation, a été affublé du costume du Napoléon des ondes qui n'acceptait pas qu'on lui fasse ombrage, au risque d'être congédié.

Mais il s’est relevé. Il est resté là. Et dans cette dernière chronique, entre les rires forcés et les flèches camouflées, il y avait une forme d’hommage involontaire. Car au fond, qui consacre son dernier mot à ce qu’il juge insignifiant?

Non, Patrick Lagacé n'est pas un SS. Il est un journaliste très talentueux, tranchant, passionné, qui a ses opinions dans le tapis.

Mais il est aussi un homme. Un homme qui, cette année, a pris des coups. Beaucoup de coups. Des critiques méritées, d'autres plus injustes. Des tempêtes internes, des bourdes publiques, des guerres d'égo, et un constat cruel : le 98,5 FM n'est plus premier.

Depuis que Lagacé a remplacé Paul Arcand, les attentes étaient immenses. Irréalistes. Insoutenables. Ça prenait un roc pour tenir le micro. Ça prenait un héros pour survivre à la comparaison. Et ce fardeau, Lagacé l'a porté. Chaque jour. À chaque chronique. Dans chaque soupir d'auditeur nostalgique.

On le savait nerveux à l'automne, mais la fébrilité de Patrick Lagacé en 2024-2025 résonne maintenant comme un signe avant-coureur du malaise actuel.

À l’époque, il avait confié à La Presse qu’il avait téléchargé une application pour faire le compte à rebours avant sa première émission matinale au 98,5 FM. Ce n’était pas un gadget, c’était une béquille psychologique. Chaque minute qui le rapprochait de l’antenne semblait l’alourdir un peu plus. Ce stress-là, cette pression-là, ne l’ont jamais vraiment quitté.

La vérité, c’est que Lagacé a pris la barre d’un paquebot en pleine mer agitée sans jamais réussir à stabiliser la boussole.

Même Julie-Christine Gagnon, directrice des programmes du 98,5, avait reconnu qu’il était « un peu nerveux ». Ce n’était pas une faiblesse : c’était une lucidité.

Remplacer Paul Arcand, c’était comme enfiler les patins de Guy Lafleur devant un Forum rempli. Mais la nervosité, à la longue, est devenue permanente.

Et aujourd’hui, alors que les cotes d’écoute chutent, on comprend que cette tension n’était pas une simple appréhension de débutant. C’était le début d’un vertige profond, celui de ne pas être à la hauteur de l’héritage.

Et nous, à Hockey30, on ne l'a pas lâché. Non. On l'a critiqué. Sévèrement. Avec des mots durs, parfois trop. Parce que Patrick Lagacé est "relevant". Parce qu'il compte. Parce qu'il a un poids médiatique que peu de journalistes peuvent revendiquer. Parce que le suivre, c'est suivre le pouls du 98,5. Parce qu'il est à la croisière du pouvoir radiophonique.

Cette année a été infernale. Il y a eu le congédiement de MC Gilles. L'éjection brutale de Pierre-Yves McSween. Les conflits à répétition. La saga Yanick Bouchard. Les suspensions improvisées. Le scandale de Louis Lacroix. Une crise de confiance. Une crise de rôles. Une station qui s'effondre.

Et au centre de cette tourmente : Lagacé. Incarnant, à tort ou à raison, le symbole de la décadence ou de la résilience. Selon le point de vue.

Il faut avoir un égo immense pour prendre la place de Paul Arcand. Il faut aussi une force mentale redoutable pour survivre aux critiques. Lagacé l'a fait. Il n'est plus numéro un. Mais il est encore debout. Et quand on n'est plus numéro un, il ne reste qu'une chose à faire : le redevenir.

Sa dernière émission était poignante. Le ton était amer. On sentait la fatigue. L'épuisement. Mais aussi un brin de lucidité. Une prise de conscience. Peut-être un appel. Peut-être un doigt d'honneur discret à tous ceux qui ont cru qu'il allait s'effondrer.

Quand il a dit « Je suis un SS » en écoutant Hockey30, il a aussi dit autre chose. Il a dit : « Vous m'avez atteint. » Et ça, c'est un privilège rare dans le métier. D'atteindre quelqu'un qui a passé sa carrière à critiquer les autres.

Mais nous, on veut lui répondre. Pas avec arrocance. Pas avec de la haine. Mais avec une vérité : c'était de bonne guerre.

Et c'est peut-être ça, le plus grand respect qu'on pouvait lui faire : le traiter comme un rival digne de ce nom. Le pousser à ses limites. Le forcer à se remettre en question. L'obliger à se redéfinir.

Aujourd'hui, on veut lui dire : bon repos, Patrick. Et reviens fort. Parce que dans ce paysage radiophonique trop souvent fade, trop souvent complaisant, on a besoin de toi. Même si on ne te l'avouera jamais directement. Même si on continuera à t'écorcher.

Mais si tu veux, un jour, venir parler. Venir t'expliquer. Venir t'exprimer. Hockey30 t'ouvrira son micro. Un cocktail Garel-Lagacé pourrait être explosif. Comme ça, entre hommes. Entre passionnés. Entre ceux qui savent que, parfois, la vérité pique, mais qu'elle est nécessaire.

Car si Patrick Lagacé a perdu son titre de roi des ondes, il n'a pas perdu ce qui compte le plus : sa pertinence.