Difficultés humaines pour Martin St-Louis: l'inquiétude grandit

Difficultés humaines pour Martin St-Louis: l'inquiétude grandit

Par David Garel le 2025-09-07

Martin St-Louis est fatigué. Fatigué de faire semblant. Fatigué d’être filmé à chaque instant. Fatigué de devoir jouer un rôle pour satisfaire les exigences médiatiques d’une ère dominée par les télé-réalités sportives.

Derrière les "F-bombs" devenus viraux dans la série Reconstruction sur Crave, il y a un homme au bout du rouleau, un père de famille en conflit avec sa réalité, un coach qui sent la pression l’écraser jour après jour.

Et derrière tout ça, il y a une femme qui tente de le gérer : Chantal Machabée. Et une question cruciale : combien de temps encore Martin St-Louis tiendra-t-il?

Après tout, on parle d'un homme qui ne voulait pas de caméra dans le vestiaire et qui doit gérer le fait d'être une vedette de téléréalité où l'on sacre plus fort et plus souvent qu'à Occupation Double.

Depuis le début de son mandat, Martin St-Louis a toujours démontré une réticence face à l’idée de se faire suivre par des caméras.

Ce n’est pas de la paranoïa, ni de la fausse humilité. C’est une lutte constante contre ce qu’il déteste profondément : la télé-réalité, l’artifice, l’exposition excessive.

Le projet Crave? Il l’a toléré, mais il ne l’a jamais voulu. Et c’est le département de communucation du CH, qui a dû se battre bec et ongles pour le convaincre d’ouvrir la porte aux caméras de La Reconstruction.

Mais cette bataille n’a pas été sans coût. Chaque jour de tournage est une bataille contre sa propre volonté. Chaque moment capturé est un renoncement à sa vie privée, à sa manière d’être. Il n’est pas fait pour ça, et il le dit. Il est tanné, complètement tanné.

On le sait : Martin St-Louis quitte chaque automne sa femme et ses enfants pour venir s’enfermer dans l’univers impitoyable de la LNH.

Il l’a souvent dit : ce sacrifice familial est ce qu’il trouve le plus difficile dans son métier. Et quand s’ajoute à cela la présence constante de caméras, la tension devient insoutenable.

Ce n’est pas un détail anodin. C’est une guerre intérieure. Un homme tiraillé entre sa mission de coach et son identité de père.

Et ça se voit. Martin St-Louis a vieilli à vue d’œil. Son visage est plus creusé. Son regard plus dur. Son sourire plus rare.

Les "F-bombs" ne sont pas qu’un style de coaching : ce sont des cris du cœur. Des moyens de décompression. Des exutoires à une pression qui devient inhumaine.

Quand les caméras de Crave se sont glissées dans le vestiaire à Buffalo, le 11 novembre, le CH traversait une séquence cauchemardesque : six défaites consécutives, une fiche de 4-9-2. Le moment était crucial. Et ce qu’on a vu, c’est un Martin St-Louis à vif :

« Il y a eu des jours où je pensais que je ne jouerais plus jamais un f....n’ match dans cette ligue. Des jours où je pensais que je ne scorerais plus jamais un but dans cette f...n’ ligue. OK. Et comme coach, je suis émotif parce que je suis vrai, et je n’ai pas peur d’être émotif. »

Ce n’est pas un show. Ce n’est pas un script. C’est un homme en train de se battre pour sa propre légitimité, qui projette ses blessures passées sur ses joueurs pour tenter de les réveiller. Et ça marche : le CH gagne 7-5 ce soir-là.

Mais à quel prix?

Peu de gens le savent, mais le partenariat entre le CH et Crave pour la série Reconstruction a été un véritable casse-tête interne.

Geoff Molson voulait une vitrine marketing moderne, dans la lignée de ce que font les Maple Leafs ou les Oilers. Mais Martin St-Louis, lui, y voyait une intrusion dangereuse dans son intimité professionnelle. Il a cédé, oui. Mais du bout des lèvres. Et aujourd’hui, cette concession le hante.

Chantal Machabée, pour sa part, joue à l’équilibriste. Elle sait que sans images fortes, la série n’a pas d’impact. Mais elle sait aussi que Martin est au bord de la rupture. Gérer cette dynamique, c’est son défi quotidien. Et il est colossal.

Depuis la diffusion des épisodes, le public est divisé. Certains adorent le ton cru du coach, sa sincérité brute. D’autres y voient une perte de contrôle.

Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que ces explosions verbales sont moins un style qu’une forme de survie. Dans une ligue où les coachs sont jetables, où la patience est rare, St-Louis tente de rallier ses troupes avec les seules armes qu’il juge efficaces : la vérité, même brutale. Et cette vérité, elle passe par les tripes.

Son discours en Floride, juste avant le match contre les Panthers, est devenu emblématique :

« Si tu marches jusqu’au bout du quai juste pour tremper ton orteil, tu ne joueras pas beaucoup ce soir. Moi, j’veux 20 gars qui se pitchent en f...n’ cannonball dès le début. »

C’est agressif. C’est tout sauf calculé. Et c’est peut-être pour ça que ça fonctionne.

Mais au-delà des coups de gueule, il y a eu ce moment sublime avec Patrik Laine. De retour après un long congé pour des raisons de santé mentale, Laine marque à son premier match. Et Martin St-Louis laisse tomber les masques :

« Je sais très peu ce que tu as vécu, mais ce que tu as fait ce soir… me voir que t’as f...n’ travaillé pour revenir, pour t’intégrer à une nouvelle équipe… Pour moi, tu m’inspires. Merci. »

C’est ça, Martin St-Louis. Un homme complexe. Qui peut passer de la rage au respect profond. Qui peut hurler un discours de guerre puis tendre une main tremblante à un joueur en détresse.

La question que tout le monde se pose : tiendra-t-il?

Les rumeurs sont déjà là. Que Martin St-Louis ne reviendra pas après son contrat qui se termine en 2027. Qu’il quittera avant terme. Que la pression, les caméras, les exigences médiatiques, tout ça l’étouffe.

Et qu’un jour, il dira stop. Pas parce qu’il n’aime pas son équipe. Mais parce qu’il ne se reconnaît plus dans cet univers qui exige tout, tout le temps, sans jamais donner de répit.

L’avenir dira s’il pourra continuer à concilier son authenticité avec les exigences d’un marché comme Montréal. Mais une chose est certaine : le Martin St-Louis qu’on voit dans La Reconstruction, ce n’est pas un acteur. C’est un homme en mission. Un homme au bord. Un homme qu’on ne devrait peut-être pas pousser plus loin.

Ce que cette série nous révèle, ce n’est pas un show télé. C’est un cri d’alarme. Celui d’un homme honnête, entier, incapable de tricher, qui tente de survivre dans un environnement où tout est amplifié, scruté, monétisé.

Martin St-Louis est peut-être le dernier coach de l’ancienne école, pas dans sa tactique, mais dans son rapport à la vérité.

Il ne joue pas un rôle. Il n’a pas de personnage. Il est ce qu’il est. Et ce qu’il est, c’est un être humain qui souffre autant qu’il inspire.

Alors, la prochaine fois qu’on rit d’un F-bomb ou qu’on partage un extrait viral de ses discours, rappelons-nous que derrière chaque mot, il y a une guerre intérieure.

Et qu’un jour, peut-être plus tôt qu’on le croit, Martin St-Louis dira : « C’est assez. »

Et il partira.

Parce qu’il est vrai. Jusqu’au bout.