Encore une fois, on est à Brossard, au Complexe CN, un matin de fête du Travail.
Cinq gars du Canadien sautent sur la glace : Suzuki, Hutson, Laine, Carrier, Bolduc.
Pas de pause, pas de férié.
Ils s’entraînent, ils rient ensemble, ils bâtissent une chimie.
Et pendant ce temps-là, un nom brille par son absence : Juraj Slafkovsky. Disparu des radars montréalais.
C’est là que l’histoire devient lourde de sens.
Slaf n’est pas n’importe qui : premier choix au total, gros contrat en poche, visage marketing du Canadien dans toutes les pubs de la LNH.
Cette année, il touche le gros lot : plus de 10 millions $ empochés grâce aux bonis de son deal structuré.
À 21 ans, il se retrouve dans une classe à part.
Et pourtant, pendant que ses coéquipiers s’échinent à Montréal pour préparer la saison, lui profite encore de ses racines en Slovaquie.
Qu’on se comprenne : personne ne nie qu’il a besoin de sa famille, de se ressourcer, de sentir l’amour d’un pays qui le traite comme un demi-dieu.
Personne ne crache sur un été passé à Košice avec ses proches.
Mais il y a un timing. Et ce timing-là, il fait mal.
Parce que Slaf arrive au moment charnière de sa carrière, celui où il doit prouver que son explosion de la deuxième moitié de saison dernière n’était pas un mirage.
Celui où il doit montrer que son contrat mirobolant est mérité.
Celui où, surtout, il doit démontrer qu’il est prêt à être une vedette… pas un figurant.
Et pendant ce temps, à Montréal, l’histoire s’écrit sans lui.
Les images de Brossard parlent d’elles-mêmes : Laine reste sur la glace après l’entraînement pour décocher des missiles avec Hutson.
Demidov répète ses passes à haute vitesse.
Suzuki et Caufield tracent la colonne vertébrale de l’attaque.
Bref, ça bosse. Ça crée une identité.
Et Slafkovsky, lui, n’est pas là.
Martin St-Louis, on le sait, adore parler de chimie, d’énergie, de répétitions.
Or, la chimie, ça ne s’invente pas en une semaine.
Ça se construit maintenant, en septembre, dans ces petites séances où les gars restent 15 minutes de plus pour tester un powerplay, où les rires fusent après un drill, où la confiance se soude.
Slafkovsky, en restant à l’écart, se prive de ces moments.
Et qu’on ne vienne pas dire que ça ne compte pas : l’histoire du hockey est remplie de jeunes vedettes qui ont manqué le train parce qu’elles ont cru que leur place était acquise.
Parce qu’il faut le dire crûment : rien n’est acquis pour Slafkovsky.
Oui, il a son contrat.
Oui, il a été le premier choix du repêchage.
Mais à 21 ans, dans une ville comme Montréal, ça peut virer très vite.
Regarde simplement la configuration offensive actuelle : Suzuki, Caufield, Laine, Demidov.
Les quatre spots de luxe, ce sont eux.
Hutson est déjà intouchable à la pointe du powerplay.
Dach revient en force et impose sa loi comme deuxième centre. Alors, où est-ce que Slaf se place?
On le sait déjà : si Demidov est employé au bumper et que Laine s’impose dans son bureau, Slafkovsky risque d’être tassé vers la deuxième vague du powerplay.
Et soyons honnêtes : quand tu joues sur la deuxième vague à Montréal, t’es plus une vedette.
T’es un figurant. Or, Slaf a été drapé de toutes les attentes.
Il a été présenté comme le futur sauveur.
Mais les faits sont là : si tu n’es pas dans la première vague, tu disparais des highlights, tu disparais des gros chiffres, et tu disparais des conversations.
Ce qui choque, c’est que Slaf semble agir comme si tout était scellé.
Comme si sa place dans le top 6 était gravée dans le marbre.
Comme si son contrat et son aura de premier choix suffisaient à lui garantir son statut.
Mais l’histoire récente prouve le contraire.
Il n’a jamais vraiment connu de départ canon.
Son premier camp? Lent. Son deuxième? Encore plus lent.
L’an dernier, Kent Hughes lui-même a dû répondre aux médias en plein milieu de la saison pour calmer les inquiétudes, admettant à demi-mot que le jeune avait besoin de temps, que son développement n’était pas linéaire.
On ne peut pas revivre ça encore une fois.
Pas avec un contrat qui le place déjà au rang des joueurs les mieux payés de l’organisation.
Pas alors que tous ses coéquipiers mettent la main à la pâte à Brossard.
Ce n’est pas une question de condamner le gars parce qu’il est en Slovaquie.
Ce n’est pas une question de bouder sa famille ou ses racines.
C’est une question de message. Et le message, en ce moment, il est mauvais.
Pendant que Laine et Demidov gagnent des points auprès de leurs coéquipiers et de St-Louis en transpirant sur la glace de Brossard, Slaf se met en marge.
Et chaque jour qui passe, c’est une brique de plus dans la construction d’une chimie… sans lui.
Alors, oui, on comprend.
Oui, il s’est ressourcé.
Oui, il est un héros national.
Mais à Montréal, il n’y a pas de demi-dieux.
Il y a des joueurs qui performent, ou qui disparaissent. Et pour l’instant, Slafkovsky disparaît.
Le camp commence dans quelques semaines.
Les caméras seront braquées sur lui.
Les partisans, eux, ne retiendront pas qu’il a passé l’été à Košice.
Ils retiendront s’il a un autre départ lent, s’il traîne les pieds, s’il ne trouve pas sa place sur l’avantage numérique.
Et si ça arrive, le feu va pogner. Parce qu’à 10 millions cash dans les poches cette année, il n’a plus d’excuse.
Martin St-Louis, lui, doit déjà revoir ses plans.
Il ne peut pas bâtir une première vague de powerplay avec un joueur absent.
Il ne peut pas construire son top 6 sans l’avoir sous les yeux.
Alors il avance avec ceux qui sont là.
Et ça, c’est une réalité brutale : le hockey, c’est « next man up ».
Et en ce moment, le « next man up », c’est Laine. C’est Demidov. C’est Bolduc. Pas Slafkovsky.
Le message est lancé. Juraj Slafkovsky doit débarquer à Montréal, affamé, prêt à montrer qu’il appartient au club des intouchables.
Parce qu’à 21 ans, malgré le contrat, malgré le statut, malgré les attentes, rien n’est scellé.
Et s’il continue de croire que ça l’est, il pourrait bien se réveiller un matin et constater que la première vague du powerplay, la vraie scène des vedettes… s’écrit sans lui.
Ouch...