C’est une histoire que même Netflix n’aurait pas osé scénariser.
Trois ans après une transaction saluée comme un vol magistral, le Canadien de Montréal se retrouve piégé par ses propres illusions.
Kirby Dach, jadis présenté comme le deuxième centre du futur, s’est effondré physiquement, psychologiquement et médiatiquement, pendant qu’Alexander Romanov, lui, explose en valeur sur le marché des transactions.
Et le contraste est si brutal qu’il en devient cruel. Injuste. Dévastateur pour l’image de Kent Hughes, mais surtout pour le moral d’un jeune homme désormais invisible dans une ville qui ne pardonne rien.
Juin 2022. Kent Hughes frappe un grand coup : il échange Alexander Romanov aux Islanders de New York en retour du 13e choix au total.
À ce moment-là, personne ne comprend comment Hughes a pu soutirer un choix aussi élevé pour un défenseur défensif, fougueux, aimé des partisans, mais avec un plafond offensif limité.
Il ne garde pas ce 13e choix bien longtemps. À peine quelques minutes plus tard, il le refile aux Blackhawks de Chicago contre Kirby Dach, un centre de 6 pieds 4, ancien troisième choix au total, encore jeune, encore plein de potentiel.
L’affaire est saluée partout. Montréal venait de transformer un défenseur troisième paire en joueur de centre top-6. Ou du moins, c’est ce qu’on croyait.
Trois ans plus tard, Alexander Romanov est devenu un joueur essentiel aux Islanders. Il joue 21 à 23 minutes par match. Il frappe, il bloque des tirs, il inspire.
Il n’est peut-être pas Bobby Orr, mais dans une LNH où les défenseurs fiables, physiques et mobiles se font de plus en plus rares, Romanov est en train de devenir un atout de luxe.
Et maintenant? Les Bruins de Boston et les Flyers de Philadelphie veulent Romanov. Et plusieurs autres équipes.
Selon les infos de RG Media, les discussions entre Boston et les Islanders vont bien au-delà de Jean-Gabriel Pageau qui serait un simple "throw-in". Le 7e choix au total est activement discuté, et Romanov pourrait en être la pièce maîtresse.
Oui, Alexander Romanov pourrait valoir le 7e choix au total, trois ans après avoir été cédé pour un 13e. Mathieu Darche, le nouveau DG des Islanders, veut la lune pour son défenseur russe.
Et il pourrait bien l’obtenir. Les Bruins veulent un défenseur top-4 maintenant. Les Flyers veulent stabiliser leur brigade. Tout le monde veut du Romanov.
Et à Montréal, on regarde ça les bras croisés, les yeux pleins d’eau… et les regrets qui montent.
Pendant que Romanov grimpe, Kirby Dach disparaît. Littéralement.
Depuis sa blessure au genou, plus aucune nouvelle.
Pas de points de presse. Pas de visibilité. Pas de confirmation sur son état. Et surtout : aucune trace sur les réseaux sociaux.
Le ciel lui est tombé sur la tête une première fois en octobre 2023, et une deuxième fois seize mois plus tard. Deux opérations majeures au même genou droit.
Deux reconstructions. Deux descentes aux enfers. Lorsqu’il s’est effondré contre les Sénateurs, mis en échec sournoisement par Cole Reinhardt, le banc du CH a compris avant même que le diagnostic soit confirmé : c’était fini. Encore.
Ce genou-là, déjà reconstruit une première fois pour réparer des déchirures du ligament croisé antérieur (LCA) et du ligament collatéral médial (LCM), venait de lâcher de nouveau.
On ne saura peut-être jamais si les mêmes ligaments ont été touchés, mais le verdict clinique n’a plus vraiment d’importance : c’est le genou d’un joueur de 25 ans qui a déjà l’usure d’un vétéran de 35 ans.
Et ça change tout. Parce que cette fois, ce n’est plus juste une blessure, c’est un point de non-retour. Dach avait passé toute la saison à courir après son jeu, à réapprendre son corps, à réapprivoiser sa mobilité.
Et alors qu’il semblait, lentement, regagner en constance, bang. Fin de parcours. Brendan Gallagher, qui sait mieux que quiconque ce que veut dire jouer avec un corps magané, l’a dit sans détour :
« C’est une vilaine blessure. Il commençait à produire, il était plus constant… cette blessure tombe mal. »
Tout le monde sentait que le deuxième centre du futur ne reviendrait peut-être jamais.
Et même si on veut croire à un retour complet en vue de la prochaine saison, une question subsiste, incontournable, douloureuse : quelle version de Kirby Dach reverrons-nous?
Un joueur qui aura passé 18 mois en rééducation? Un athlète avec un genou reconstruits deux fois, une confiance en miettes, et un corps qui, manifestement, n’encaisse plus la charge d’un rôle de centre en LNH?
Il a 25 ans. Et en 269 matchs dans la LNH, il n’a toujours pas disputé une seule saison complète.
Son différentiel la saison dernière : -29.
À 5 contre 5, il a été sur la glace pour 41 buts accordés contre seulement 22 marqués.
Ses mises au jeu? 36,1 % de réussite en carrière. 188e sur 194 centres avec plus de 200 matchs joués.
Même sa fameuse saison 2022-23, que ses plus ardents défenseurs brandissent comme un argument, n’était pas si reluisante sous la loupe des statistiques avancées : 48 % des buts attendus quand il était sur la glace. Moins que la moyenne.
Et maintenant? Trois chirurgies. Un genou qui grince. Un corps qui se crispe. Un esprit qui se cache.
Lui qui, à son arrivée à Montréal, publiait avec enthousiasme, partageait son quotidien, vivait pleinement sa nouvelle vie dans le plus gros marché de hockey au monde… a complètement disparu.
Sur Instagram, les commentaires sont désactivés depuis des mois.
Aucune publication depuis 32 semaines, sinon une sobre mention d’une collaboration sur la santé mentale avec Laurent Duvernay-Tardif.
L’année dernière, il était vu au Grand Prix de F1, au cœur de l’action. Cette année? Rien. Néant. Silence.
Même sa copine, autrefois active, a déserté les plateformes.
Montréal est une ville qui dévore les âmes sensibles. Il faut comprendre ce que ça représente.
Montréal n’est pas un marché. Montréal est un ouragan. Un ouragan de passion, d’analyse, de jugements. Et Kirby Dach n’a jamais été prêt à vivre là-dedans.
Des sources proches de l’équipe murmurent qu’il vit très mal la pression. Qu’il lisait tous les commentaires, toutes les critiques. Qu’il absorbait chaque moquerie, chaque chronique assassine.
Il filtrait, il se protégeait, mais le mal était fait.
Et aujourd’hui, alors que le Canadien cherche activement un deuxième centre, que les noms de Trevor Zegras, Nick Schmaltz, Barrett Hayton circulent à haute voix, le nom de Kirby Dach est totalement effacé des conversations.
Il est devenu un tabou.
Une erreur historique
Et là, les critiques vont pleuvoir.
Parce qu’au 13e rang en 2022, Hughes aurait pu repêcher Frank Nazar.
Un centre explosif, créatif, ultra rapide, mature. Nazar est aujourd’hui l’un des jeunes les plus excitants de Chicago, et sera inséré dès cette saison au centre de leur top-6 tellement il a brûlé la LNH en fin de saison dernière.
Il était là. Disponible. Le CH l’a ignoré pour miser sur un corps déjà amoché, une confiance déjà fragile, un mirage nommé Kirby Dach.
Et maintenant? Hughes se retrouve avec un joueur inéchangeable, un genou en porcelaine, un silence gênant, pendant que Romanov, lui, vaut une montagne.
Des rumeurs de plus en plus insistantes évoquent une tentative de transiger Kirby Dach vers l’Utah, dans un scénario qui permettrait au CH d’aller chercher le 4e choix, les choix 16 et 17 et d'autres éléments (Arber Xhekaj? Logan Mailloux?) pour repêcher Caleb Desnoyers.
Le Mammoth cherche un gros centre droitier. Le nom de Dach revient. Parce que dans une transaction, il ne coûte plus rien. Il est un “throw-in”, un complément.
Une monnaie d’échange. Rien de plus. Le problème est que l'Utah veut Cole Caufield pour son 4e choix au total et le CH refuse absolument.
C'est quand même la conclusion la plus cruelle : le CH veut sacrifier Dach pour corriger l’erreur qu’il représente.
Une chute d’autant plus dure qu’elle est silencieuse
Ce qui fait le plus mal, c’est que personne ne parle plus de lui.
Pas Martin St-Louis. Pas Kent Hughes. Pas les journalistes. Pas les fans. Pas même le compte Instagram du CH.
Kirby Dach est devenu un fantôme.
Une erreur qu’on enterre discrètement.
Un mirage qu’on efface sans bruit.
Mais la tempête, elle, ne fait que commencer. Parce que quand Romanov sera échangé, et que les Islanders recevront un 7e choix ou la lune, les projecteurs vont se rallumer. Et ils seront braqués sur l’erreur d’Hughes. Sur le trou laissé par Dach. Sur le naufrage d’un pari qu’on croyait impossible à rater.
Kirby Dach n’a que 24 ans. Et pourtant, il semble déjà à la croisée des chemins.
Son genou peut-il tenir?
Sa tête peut-elle survivre à un autre effondrement médiatique?
Peut-il redevenir ce joueur qu’on espérait?
La vérité? Même à son plein potentiel, il ne serait jamais devenu ce que Romanov est aujourd’hui : une valeur sûre. Un joueur qui vaut une première ronde. Une pièce convoitée. Un actif stratégique.
Dach n’a jamais été ça. Et peut-être qu’il ne le sera jamais.
Il faut aussi le dire clairement : Montréal n’est pas fait pour tout le monde.
Dach n’est pas le premier à se faire broyer. Il ne sera pas le dernier. Mais son cas est emblématique. Il symbolise ce qui arrive quand on mise sur le talent brut sans considérer la fragilité intérieure.
Aujourd’hui, le Canadien paie le prix. Il a perdu Romanov. Il a perdu Nazar. Et il est en train de perdre Dach.
Et pendant que les autres équipes se battent pour Alexander Romanov… le Canadien, lui, cherche encore un deuxième centre.
Un cercle vicieux qui commence et se termine toujours de la même manière : par un genou qui ne répond plus… et un silence qui en dit long.