Il fut un temps où La Poche Bleue était plus qu’un simple balado.
C’était un rendez-vous incontournable, une bouffée d’air frais dans un paysage médiatique uniforme, beige, inodore, incolore et sans saveur.
Un projet né d’une amitié hors normes entre Maxim Lapierre et Guillaume Latendresse, deux anciens joueurs du Canadien qui avaient vécu les hauts et les bas du hockey professionnel, et qui avaient trouvé une manière de transposer cette camaraderie authentique dans une émission qui ne ressemblait à aucune autre.
Il y avait une chimie unique, une complicité presque parfaite. C’était brut, drôle, vrai. Ils riaient, ils buvaient, ils racontaient des histoires, ils se charriaient comme seuls deux vieux chums peuvent le faire.
Le succès a été aussi fulgurant qu’instantané. Parce que La Poche Bleue, ce n’était pas un balado comme les autres. Ce n’était pas une discussion formatée sur les trios du Canadien ou les prédictions de séries.
C’était un moment où l’on se sentait invité à une tablée entre anciens joueurs, un party sonore où la bière coulait à flots et où les fous rires étaient garantis.
Mais voilà. L’équilibre s’est brisé. Lentement d’abord, puis brutalement avec le départ de Guillaume Latendresse.
On le sait, il est parti pour des raisons de santé mentale, et personne ne lui en tient rigueur. Nos pensées l’accompagnent, lui et sa famille.
Mais il faut être honnête : La Poche Bleue ne s’en est jamais remise. Avant même son départ, une baisse d’intensité s’était installée. Un effondrement progressif.
La vente du projet pour 8,8 millions de dollars à Playmaker Capital avait déjà changé la dynamique. L’authenticité s’était diluée dans une formule plus commerciale, plus corporate, plus prudente. Puis Guillaume est parti, et tout s’est effondré.
Pascal Leclaire, malgré sa bonne volonté, ne peut pas recréer ce que Guillaume incarnait. Parce que La Poche Bleue, ce n’était pas simplement un concept. C’était un lien. Un duo. Une "bromance hockey". Un équilibre entre le sérieux et le délire.
Lapierre et Latendresse vibraient sur la même fréquence. Leur duo se nourrissait d’anecdotes, de complicité, de vécu. Ce genre de lien ne se remplace pas. Pas avec un remplaçant, même compétent.
Puis, comme si ça ne suffisait pas, l’affaire Mike Ward est venue briser encore davantage l’esprit de l’émission. Cette controverse publique, née d’un dérapage alcoolisé, a déclenché un virage brutal.
Fini les brosses à micro ouvert. Fini les blagues salées. Fini l’ambiance de vestiaire. On a voulu se refaire une virginité médiatique. On a voulu éviter les vagues. Résultat : on a lissé le contenu. On a filtré les propos. On a étouffé la spontanéité. Et on a perdu l’âme.
Aujourd’hui, tout est plus encadré. L’émission est prudente, prévisible, presque timide. Le mordant a disparu. L’imprévisible aussi. C’est devenu un balado comme un autre, qui débat des mêmes sujets mille fois entendus : le CH fera-t-il les séries? Joshua Roy mérite-t-il une promotion? Faut-il échanger Armia? On a troqué l’éclat contre la conformité.
Et comme si ce n’était pas assez, on a assisté à un enchaînement de projets satellites qui n’ont fait qu’aggraver la situation.
Éric Bélanger, Steve Bégin et André Roy animent maintenant une émission sur les ondes de La Poche Bleue. Le problème? C’est n’importe quoi. Un véritable désastre audiovisuel. L’émission est malaisante, sans rythme, sans structure. Une cacophonie qui fait mal aux oreilles et qui pousse les auditeurs vers la sortie.
Pire encore, la présence de Jean Perron, devenu malgré lui le clown de service, a définitivement creusé le fossé entre La Poche Bleue et son public.
Ses propos sur Demidov, ses dérapages verbaux, son ton d’un autre siècle… tout ça a fait exploser la patience d’un Québec moderne qui ne veut plus entendre ce genre de discours désincarné, presque xénophobe.
Quand il a appelé Demidov “Devidov”, et qu’il a affirmé qu’on ne devait pas faire jouer un “étranger” en séries, il a scellé le sort de sa crédibilité – et terni davantage l’image de La Poche Bleue.
Même Maxim Lapierre, dans une tentative maladroite de justifier les propos de Perron, a affirmé que lui, il mettrait Demidov sur un quatrième trio. Avec Evans et Armia.
Une déclaration qui a fait bondir une grande partie du public. Parce que ce n’est pas seulement une erreur d’analyse, c’est le reflet d’une mentalité dépassée : celle où le talent doit s’effacer devant les “codes” du vestiaire. Une vision où le génie dérange, où l’exception gêne, où la hiérarchie compte plus que la créativité.
Au final, Lapierre voulait seulement protéger Jean Perron suite à ses propos inacceptables. Comme un patron qui veut se sacrifier pour défendre ses employés. C'est noble...mais à quel prix?
Les gens veulent une émission vivante. Ce que La Poche Bleue n’est plus.
Il faut dire que l’élan a été brisé au moment même de la vente. Quand La Poche Bleue est passée dans le giron de Playmaker Capital, l’urgence de performer a disparu.
On avait empoché. On avait “livré la marchandise”. Tout ce qui venait ensuite était un bonus. Mais c’est là que les grandes marques se perdent : quand elles oublient pourquoi elles ont été créées.
Guillaume Latendresse, c’était le cœur. C’était le "core", le corps et l’âme de cette émission parce que c'était le meilleur ami de "Lappy".
Celui qui faisait rire, celui qui pleurait en ondes, celui qui racontait les vraies histoires, pas juste les histoires polies pour plaire à des commanditaires. Son absence crée un vide que rien ni personne ne peut combler.
Maxime Lapierre est un guerrier. Un analyste exceptionnel. Un homme de contenu et d’intensité. Mais il n’a jamais été un soliste. Il a toujours brillé en duo. Il ne va peut-être jamais le dire, mais on le sent.
Il n’est pas satisfait. Il ne peut pas l’être. Parce que ce qu’ils avaient bâti ensemble, lui et Guillaume, c’était un petit miracle québécois.
Un balado de gars de hockey qui rivalisait avec les grands médias. Qui créait une culture. Qui vibrait dans les bars, les vestiaires, les cuisines du Québec.
Et aujourd’hui, ça s’effondre. Sur YouTube, les chiffres stagnent. Sur les réseaux sociaux, l’indifférence s’installe. On ne parle plus de La Poche Bleue. On l’écoute d’une oreille distraite. On la regarde passer dans l’algorithme. Le balado le plus écouté au Québec est devenu une coquille vide.
La Poche Bleue est à la croisée des chemins. Maxim Lapierre et Guillaume Latendresse sont à un tournant décisif.
Oui, la santé mentale de Guillaume passe avant tout. Personne ne veut le voir revenir trop vite. Mais si ce projet doit survivre, s’il doit renaître, s’il veut redevenir cette force culturelle, il faut que Guillaume revienne. P
arce que seul, Maxime ne peut pas porter cette histoire. Pas celle-là. Pas celle qu’ils ont écrite ensemble.
Il faut que le cœur revienne. Il faut que le Québec retrouve ses deux chums. Parce que ce n’était pas juste un balado. C’était un moment de vie. Un souffle. Un souvenir collectif.
Et pour que ça revive, il faut retrouver ce qui a tout déclenché : l’amitié brute, sincère, éclatante de deux anciens joueurs qui nous faisaient rire, pleurer, réfléchir… et oublier notre quotidien.
Le Québec n’a pas besoin d’un autre podcast sur le Canadien. Il a besoin de La Poche Bleue. La vraie. Pas sa copie. Pas sa version diluée. Pas son hologramme. La vraie Poche Bleue.
Avec Guillaume. Avec Maxime. Avec la folie, l’humour, l’amour et la bière.
Rien de moins.