C'est une image qui a laissé une marque dans tous les esprits.
Une image qu'on ne s'attendait pas à voir dans le vestiaire d'une équipe de la LNH, surtout pas en plein coeur des séries éliminatoires.
Juraj Slafkovsky, le monstre slovaque, premier choix au total de 2022, était au bord des larmes après la défaite de 3-1 du Canadien face aux Capitals. Certains journalistes présents ont même affirmé qu'il pleurait littéralement.
Le ton de sa voix, tremblotant, était celui d'un joueur déchiré, blessé dans son orgueil, anéanti par sa propre prestation.
Et pourtant, ce n'est que le deuxième match de la série. Mais chez Slafkovsky, il n'y avait plus de barrières. Plus de carapace. Juste un jeune homme de 21 ans, incapable de se pardonner ses erreurs, conscient de ne pas livrer la marchandise, à un moment où il était attendu comme un véritable "power forward".
« C'est du hockey lourd, comme je l'aime, mais je dois être meilleur », a-t-il avoué, la gorge serrée. Il savait très bien que sa perte de rondelle molle contre Connor McMichael, menant au premier but des Capitals, avait été le déclencheur du déclin.
Martin St-Louis, en point de presse, a eu un moment de flottement quand le nom de Slafkovsky a été mentionné. Il n'avait même pas encore parlé à son joueur.
« Je devrai regarder le match au complet pour voir ce qui le fâche », a-t-il répondu, visiblement ébranlé par le témoignage émotionnel de son jeune ailier.
Dans le vestiaire, le silence était lourd. Suzuki, Anderson, Montembeault... tous ont décrit la frustration, mais seul Slafkovsky l'a incarné de manière aussi brutale, aussi humaine.
Et pourtant, ce n'était pas la première fois que son nom était lié à des réactions à fleur de peau.
Depuis le début de sa carrière à Montréal, il vit sous pression. Sa relation ultra-médiatisée avec Angélie Bourgeois-Pelletier, la fameuse serveuse du Flyjin, ses performances inconstantes, ses erreurs de jeunesse, sa volonté de devenir un "Brady Tkachuk 2.0" qui tarde à se concrétiser...
Et maintenant, ces larmes. Des larmes qui ont troublé ses coéquipiers, qui ont créé un malaise évident dans le vestiaire. Oui, c'est noble de montrer son humanité. Oui, c'est touchant. Mais est-ce que c'était le bon moment?
Slafkovsky a besoin d'encadrement, d'accompagnement, mais aussi d'un électrochoc. Montréal, ce n'est pas la Slovaquie. Ici, les partisans sont intraitables. Ils veulent des guerriers. Et voir un gabarit de 6'3'' s'effondrer après un match, aussi difficile fût-il, soulève des questions.
« Si on veut juste leur donner la série, on n'a qu'à ne pas se présenter », a-t-il conclu.
Une phrase forte, presque dramatique, qui prouve qu'il veut bien faire. Mais qui révèle aussi une fragilité mentale que le Canadien devra gérer avec tact.
Slafkovsky veut bien faire. Il veut gagner. Il veut être à la hauteur. Mais hier, au Capital One Arena, il a surtout montré qu'il était au bord du gouffre.
Et c'est toute l'organisation du CH qui doit maintenant l'aider à en sortir. Parce que la série est loin d'être terminée. Mais Juraj, lui, semblait l'être.
Ce qui choque davantage encore, ce n’est pas uniquement la détresse de Juraj Slafkovsky, c’est la manière dont elle est perçue.
Car dans un vestiaire de la LNH, les larmes d’un joueur, surtout d’un colosse de 6 pieds 3 pouces et 230 livres, ne passent jamais inaperçues.
Et à Montréal, ça prend des proportions démesurées. Slafkovsky n’est pas juste un autre jeune espoir. Il est le premier choix au total de 2022. Il est le visage d’une nouvelle ère. Et lorsqu’il s’effondre émotionnellement, c’est toute la stratégie de Kent Hughes et Jeff Gorton qui tremble avec lui.
Ce moment de vulnérabilité, capté par les journalistes présents à Washington, a laissé tout le monde sans mots. Certains ont voulu le défendre, d’autres ont exprimé leur malaise.
Mais une chose est certaine : ce n’est pas une scène qu’on voit souvent au cœur des séries. Slafkovsky avait l’air d’un adolescent perdu, pas d’un power forward prêt à dominer physiquement en séries éliminatoires.
Et ça, ça ne plaît pas à tout le monde dans l’organisation.
Martin St-Louis lui-même a paru pris de court. En conférence de presse, lorsqu’un journaliste lui a demandé s’il avait parlé avec Slafkovsky après le match, l’entraîneur a visiblement hésité.
Il ne s’attendait pas à cette question, mais surtout, il ne s’attendait pas à devoir gérer un joueur dans cet état psychologique.
« Je ne sais pas ce qui l’a tant fâché. »
Fâché? Slafkovsky n’était pas fâché. Il était brisé. Il tremblait. Et il pleurait.
Dans un autre vestiaire, dans un autre marché, on parlerait de passion. À Montréal, on parle déjà de faiblesse.
Et c’est peut-être ça, le cœur du problème.
Car Slafkovsky ne pleurait pas seulement la défaite. Il pleurait aussi tout ce qui l’entoure depuis deux ans. La pression. Les critiques. Les rumeurs. Le poids du contrat de 60,8 M$ qui débutera l’an prochain.
Sans oublier les attentes impossibles. Les comparaisons avec Brady Tkachuk qu’il a lui-même entretenues et qui l’écrasent maintenant. L’ombre d’Ivan Demidov, qui plane sur chaque jeu, chaque présence, chaque position sur le powerplay, alors que tout le Québec veut que le prodige russe remplace Slaf sur la première unité.
Et surtout, il pleurait pour ceux qui doutent de lui.
Car il les entend. Il les lit. Il les voit. Il sait que dans les gradins du Centre Bell, certains fans attendent qu’il se plante.
Il sait que sur les réseaux sociaux, on se moque de lui. Que plusieurs le voient déjà échangé à Long Island dans un "deal" pour Noah Dobson. Il sait que son nom circule comme une monnaie d’échange, et que sa place à Montréal n’a jamais été aussi fragile.
Il sait tout ça.
Et c’est peut-être ce qui rend cette image si bouleversante.
Slafkovsky est encore un gamin. Il a 20 ans. Il porte les espoirs d’une ville qui ne pardonne rien. Il joue dans un marché qui a écrasé des joueurs beaucoup plus aguerris que lui.
Et il doit apprendre à survivre à la fois sur la glace et dans le feu des projecteurs. Ce n’est pas pour rien que plusieurs anciens du CH, comme Alex Galchenyuk, ont sombré. Ce n’est pas pour rien que des talents bruts comme Jesperi Kotkaniemi se sont évaporés. Montréal est impitoyable.
Et Slafkovsky le vit de plein fouet.
Mais ce qui inquiète le plus Kent Hughes, selon nos informations, ce n’est pas tant le niveau de jeu du Slovaque — c’est sa solidité mentale.
On peut corriger un défaut technique. On peut encadrer un joueur qui n’a pas encore appris à jouer nord-sud. Mais on ne peut pas forcer un athlète à devenir plus résilient.
Et lundi soir, Slafkovsky a craqué. Devant tout le monde.
Cette scène, certains dans l’organisation n’en reviennent toujours pas. Un membre du personnel hockey aurait même confié hors micro :
« Ce gars-là ne survivra pas ici si ça continue. Il est trop émotif, trop instable. »
D’autres sont plus compatissants.
« Il a un cœur énorme, il veut tellement bien faire… mais il ne sait pas comment gérer tout ça. »
Et ça, c’est peut-être le point de non-retour.
Parce que ces séries éliminatoires n’évaluent pas seulement le rendement du CH sur la glace. Elles servent aussi à trancher des dossiers lourds.
Slafkovsky en est un. Si sa série continue dans cette direction, si sa fragilité se confirme, alors Kent Hughes pourrait prendre une décision historique.
Le 1er choix au total de 2022 pourrait bel et bien être sacrifié.
Et à ce moment-là, ses larmes de Washington ne seront plus une simple anecdote. Elles deviendront le symbole d’un pari raté.
Mais tout n’est pas perdu.
Slafkovsky peut encore se relever. Il a déjà montré des éclairs de génie cette saison. Il a déjà prouvé qu’il pouvait frapper, dominer le long des rampes, déranger l’adversaire. Il a déjà connu des matchs où on s’est dit : ça y est, il est enfin arrivé. Mais ça ne dure jamais.
Et c’est là que tout se joue. Sa constance. Son courage. Sa capacité à se remettre debout.
Parce qu’on ne gagne pas une série éliminatoire avec des larmes.
On la gagne avec du chien.
Et pour l’instant, ce chien, c’est Cole Caufield qui l’a montré lundi soir. C’est Josh Anderson. C’est Suzuki. Pas Slafkovsky. Pas encore.
Mais il a encore une chance.
Le prochain match est à Montréal. Le Centre Bell sera en feu. L’équipe joue sa saison. Et Slafkovsky joue sa réputation.
S’il veut faire taire les rumeurs. S’il veut prouver à Martin St-Louis qu’il est un joueur de séries. S’il veut montrer qu’il a sa place sur le premier trio.
Alors il n’a pas le choix.
Il doit sortir de l’ombre de ses larmes.
Et faire pleurer Washington à sa place.