La suspension de Jeremy Filosa ne se limite pas à une simple sanction liée à une opinion controversée.
Derrière cette décision se cache un problème structurel plus profond, révélateur des jeux de pouvoir toxiques au sein du 98,5 FM.
Filosa, l’un des rares journalistes à avoir conservé son intégrité et son courage, est devenu la dernière victime d’une dynamique où les décisions sont monopolisées par deux figures dominantes : Philippe Cantin et Patrick Lagacé, épaulés par Éric Trottier.
Ancien journaliste et cadre à La Presse, Trottier occupe aujourd’hui plusieurs postes clés au sein de Cogeco Média.
Il est non seulement directeur des contenus numériques, mais aussi directeur de l’information, des sports et de la radio-circulation au 98,5 FM.
Trottier détient ainsi une influence majeure sur toutes les sphères de contenu de la station, renforçant le contrôle du fameux « Country Club », un cercle restreint formé par lui-même, Patrick Lagacé et Philippe Cantin.
Trottier est l’homme de confiance de Lagacé, celui qui a facilité l’ascension fulgurante de ce dernier dans les médias et a consolidé leur emprise sur la station.
L’entrelacement de ces relations, mêlant alliances personnelles et décisions stratégiques, a contribué à transformer le 98,5 FM en une véritable pensée unique, où toute opposition est réprimée.
La suspension de Jeremy Filosa n’est donc qu’un symptôme de l’emprise totale du trio sur la station, avec Trottier en maître d’œuvre des manœuvres en coulisses.
Cette situation met en lumière un phénomène inquiétant au sein du paysage médiatique québécois : un environnement clos où une poignée d’individus utilisent leur influence pour écarter les voix qui vont à contre-courant.
À travers les départs successifs de Pierre-Yves McSween, MC Gilles, et désormais Jeremy Filosa, le « Country Club » du 98,5 FM s’est progressivement transformé en une véritable injustice ambulante, où les ambitions personnelles priment sur l’éthique journalistique.
Jeremy Filosa s’est toujours distingué par son refus de se plier aux consignes implicites qui règnent dans les médias.
Il est l’un des seuls journalistes accrédités auprès du Canadien de Montréal à poser les questions difficiles à Martin St-Louis, là où d’autres se contentent de relayer les réponses sans les remettre en question.
Filosa incarne le principe fondamental du journalisme : le doute et l’investigation.
Cette liberté de ton a coûté cher à Filosa. En 2023, il avait déjà été licencié d'Apple TV pour avoir osé critiquer la gestion du CF Montréal, bien que la qualité de son travail n'ait jamais été mise en cause.
Cette liberté d’esprit fait de lui une cible dans un environnement médiatique qui valorise la conformité. Cantin et Lagacé, préférant maintenir une ligne éditoriale lisse et contrôlée, n’ont pas toléré cette différence d'opinion.
Pire encore, Cantin a voulu humilier Filosa sur la place publique au lieu de le protéger en ondes.
Si l'animateur avait décidé de laisser passer les propos de Filosa sans en faire un scandale, jamais le journaliste sportif se serait retrouvé au cœur d’une controverse majeure pour avoir exprimé en ondes ses doutes sur le fait que l'homme a marché sur la lune en 1969.
« Je vais vous faire une confession. Je ne suis pas conspirationniste, mais j'ai longtemps cru que l'homme avait marché sur la Lune. Avec tout ce que je lis aujourd'hui par rapport aux difficultés d'envoyer des fusées dans l’espace, je n’y crois plus. »
Face à cette confession, Cantin a tenté de réagir en recadrant immédiatement son interlocuteur, évoquant la montée des fausses nouvelles et des théories conspirationnistes.
Cantin a poursuivi en comparant les propos de Filosa aux délires de l'ère Donald Trump. Il voulait tout simplement envoyé le chroniqueur sportif sous l'autobus devant tout le Québec, comme il l'a fait avec MC Gilles et Pierre-Yves McSween.
«Tu sais qu'il y a toute une industrie qui essaie de nier les évidences, de semer des doutes dans la tête des gens, qui multiplie des preuves bidon?"
"Je trouve qu'à l'heure actuelle, ce phénomène-là est de plus en plus inquiétant, parce qu'on le voit aux États-Unis avec Donald Trump, qui nie tout le temps les évidences, qui s'oppose même à la vérification des faits.
"On est allé sur la Lune plus d'une fois. J'imagine que ç'a ses limites dans le sens de l'exploration spatiale»
Mais Filosa ne s’est pas laissé intimider et a suggéré d'en faire un segment plus long, refusant de plier sous la pression de son animateur.
Ne nous voilons pas la face. Cantin et Lagacé sont les architectes d’un régime oppressif au 98,5 FM.
L’éviction de Filosa est directement liée à la montée en influence de Philippe Cantin et Patrick Lagacé. Le duo a tissé un réseau de pouvoir qui traverse les structures de La Presse jusqu’au 98,5 FM, où ils dictent désormais les décisions stratégiques.
Cantin a recruté Lagacé à La Presse, et Lagacé, en retour, a imposé Cantin à la radio. Ensemble, ils ont érigé un empire médiatique en s’entourant d’alliés et en écartant systématiquement leurs opposants.
Les départs de MC Gilles et Pierre-Yves McSween illustrent à quel point cette dynamique de contrôle est sans pitié.
McSween, animateur populaire et vulgarisateur financier reconnu, a été évincé après des tensions avec Lagacé. Les rivalités entre McSween et Lagacé étaient bien connues, et Cantin a servi de facilitateur dans cette manœuvre, sacrifiant McSween pour préserver l’équilibre fragile de leur duo.
Quant à MC Gilles, sa popularité croissante et sa voix indépendante représentaient une menace pour le contrôle du duo.
Son départ a envoyé un message clair : toute personne qui s’oppose à Cantin et Lagacé est vouée à l’exclusion.
Lorsque Jeremy Filosa a exprimé ses doutes sur le fait que l'homme avait marché sur la lune en direct, Cantin n’a pas caché son mépris.
L’animateur a immédiatement cherché à délégitimer les propos de Filosa, évoquant les dangers du conspirationnisme et l’influence de fausses informations.
Mais au-delà du malaise provoqué en ondes, cet échange a révélé quelque chose de plus profond : une incompatibilité fondamentale entre l’esprit libre de Filosa et le modèle de contrôle imposé par Cantin et Lagacé.
L’intervention rapide de Christine Dicaire, directrice des communications de Cogeco, pour suspendre Filosa, montre à quel point la station est devenue un environnement rigide et craintif.
Les décisions sont prises à huis clos, sans consultation ni transparence, et la dissidence est immédiatement réprimée.
Cette suspension n’est pas seulement une sanction; elle est le reflet d’une stratégie visant à éliminer toute voix indépendante.
Le règne de Patrick Lagacé sur la grille de programmation matinale est une autre illustration de cette prise de pouvoir.
Après le départ du légendaire Paul Arcand, Lagacé a pris les commandes de l’émission du matin, mais son arrivée a été marquée par des maladresses et des conflits internes.
Sa tentative de renommer l’émission en son propre nom a suscité un tollé, révélant un narcissisme mal dissimulé.
Les critiques à son encontre ont fusé, comparant défavorablement Lagacé à Arcand, décrit comme le « Guy Lafleur de la radio ».
Même au sein de l’équipe, le soutien à Lagacé semble fragile. Julie-Christine Gagnon, directrice de la programmation, a exprimé publiquement ses doutes sur la capacité de Lagacé à maintenir les cotes d’écoute, alimentant davantage les tensions internes.
Éric Trottier, directeur des contenus numériques au 98,5 FM, joue un rôle clé dans ce système de contrôle. Ancien cadre à La Presse et au Soleil, Trottier a renforcé l’influence de Cantin et Lagacé au sein de la station, transformant Cogeco en une plateforme au service de leurs ambitions.
La récente démission de Caroline Paquet, présidente de Cogeco, est un exemple frappant des dégâts causés par cette dynamique interne.
Paquet a tenté de contenir les tensions, mais les manœuvres de Trottier et du duo Cantin-Lagacé ont rendu sa tâche impossible.
Son départ précipité illustre à quel point les structures de la station sont fragiles, minées par des rivalités et un manque de leadership clair.
La situation actuelle du 98,5 FM est critique. L’éviction de figures populaires comme Filosa, McSween, et MC Gilles, combinée aux maladresses de Lagacé, a gravement entamé la confiance du public.
Le duo Cantin-Lagacé, autrefois respecté pour son intégrité, doit maintenant faire face à un déluge de critiques. Loin d’inspirer confiance, leur comportement est perçu comme le symptôme d’une culture d’entreprise minée par l’arrogance et les jeux de pouvoir.
La suspension de Jeremy Filosa n’est pas un incident isolé; elle est le symptôme d’un problème plus large. Le Country Club du 98,5 FM, dirigé par Cantin, Lagacé et Trottier, a érigé un système où les décisions sont prises par une minorité, au détriment de l’éthique journalistique et de la liberté d’expression.
Pour Jeremy Filosa, cette suspension est une épreuve, mais elle pourrait aussi être une occasion de dénoncer publiquement ce système oppressif.
Car si le 98,5 FM ne parvient pas à rétablir un climat de confiance et à mettre fin à ces manœuvres internes, la station risque de perdre ce qui a longtemps fait sa force : la crédibilité et la diversité des voix.
Le temps presse pour le 98,5 FM. Si la station veut redresser la barre, elle devra se libérer de l’emprise du duo Cantin-Lagacé et restaurer une véritable pluralité d’opinions.
Faute de quoi, elle continuera de s'enfoncer dans un cycle de crises, minée par des conflits internes et une perte de confiance irréversible.
Pour Filosa, cette épreuve est peut-être une opportunité déguisée. En refusant de se plier à l'opression de la pensée, il incarne une forme de résistance contre un système qui asphyxie le journalisme critique.
Il est en fait le symbole du journalisme de demain : indépendant, audacieux, et libre de toute ingérence politique ou personnelle.
Si Filosa est congédié, il faudra descendre dans la rue pour le supporter. C'est la démocratie qui est en jeu.