Patrick Laine à Montréal, c’était supposé être le vol du siècle.
Le coup de maître qui allait faire trembler toute la LNH. Hughes et Gorton avaient réussi à mettre la main sur un franc-tireur reconnu, une machine à buts, et ce, pour des peanuts comparé à ce que le marché demandait.
Pendant quelques semaines, tout le monde avait l’impression que Montréal venait de sortir un lapin de son chapeau.
Mais un an plus tard, ce fameux « cadeau » commence à ressembler de plus en plus à une boîte piégée.
Parce que derrière les buts spectaculaires et les soirs d’euphorie, Laine cache une réalité qui donne déjà des sueurs froides aux dirigeants du Canadien : il est à la fois la solution… et le problème.
Son arrivée a été tout sauf banale.
Le gars sortait d’une chirurgie, d’un divorce sportif avec Columbus, d’une saga interminable avec Winnipeg.
Il débarque à Montréal comme une rockstar blessée, accueilli par une foule qui ne demandait qu’à vibrer à nouveau.
Mais bang : camp d’entraînement, blessure, ralentissement.
Et malgré tout ça, il a quand même trouvé le moyen d’enchaîner une saison où il a rappelé à tout le monde pourquoi son nom fait frissonner chaque gardien adverse.
Mais attention : ce succès-là, il ne l’a pas bâti seul.
Parce que voilà la clé de l’histoire : Lane Hutson.
Le petit génie de 20 ans, le quart-arrière flamboyant, celui qui a transformé le jeu de puissance du CH en spectacle grandiose.
Sur les 20 buts inscrits par Laine la saison dernière, Hutson a obtenu 14 passes. Oui, 14.
Dont neuf primaires. Autrement dit, chaque fois que Laine armait son tir, Hutson avait probablement dessiné le jeu avec une précision chirurgicale.
Et Laine, lui, ne s’en cache même pas.
Lors d’un événement caritatif, une jeune partisane lui demande qui est son joueur préféré. Il n’a même pas hésité une seconde : « Lane Hutson. » Boom.
Ce qui est fascinant, c’est que les deux se nourrissent mutuellement.
Hutson rend Laine meilleur, et Laine rend Hutson encore plus dangereux.
Sans Hutson, Laine n’a pas la même fluidité.
Sans Laine, Hutson n’a pas la même efficacité.
C’est un mariage de hockey parfait.
Mais pour Hughes et Gorton, c’est aussi un casse-tête monumental.
Parce que les deux dossiers contractuels vont frapper la table en même temps. Et là, on parle d’une facture qui pourrait donner des palpitations même à un milliardaire.
Imagine la scène : Laine connaît une saison de 40 buts. Vingt d’entre eux en avantage numérique, tous nourris par Hutson.
Pendant ce temps, Hutson explose pour 80 points.
Et le 1er juillet arrive. Tu fais quoi?
Tu ressignes Laine à long terme, sachant que son succès dépend de Hutson?
Tu blindes Hutson pour 10 millions par saison, sachant qu’une bonne partie de ses points viennent de passes sur les tirs de Laine?
Tu peux pas en garder un et laisser partir l’autre.
Ils sont liés comme deux jumeaux siamois de hockey.
Tu les sépares, et tu casses toute la chimie que t’as bâtie.
Tu les gardes ensemble… et tu fais exploser ta masse salariale. Voilà le cadeau empoisonné.
Et ce n’est pas juste une théorie.
Laine lui-même a déjà glissé à Hutson une petite phrase qui en dit long sur leur dynamique : « Si tu veux des assists, refile-moi la rondelle. »
Simple, direct, efficace. Et Hutson le fait à la perfection.
Il place la rondelle du bon côté, il fait tourner le disque juste assez pour que Laine puisse armer son tir sans perdre une fraction de seconde.
Résultat : une symbiose rare, un duo qui fait rêver les partisans… mais cauchemarder les dirigeants.
Et c’est ça, la beauté cruelle de cette histoire.
Montréal a enfin trouvé une arme offensive digne des grandes équipes, mais cette arme est double tranchant.
D’un côté, Laine revient d’un été où il s’est remis à neuf.
Marié, impliqué dans la communauté, entraîné comme jamais, dans un état d’esprit qu’on n’avait pas vu depuis longtemps.
Tout est en place pour une saison explosive.
Mais si cette explosion arrive, Hughes et Gorton devront sortir le chéquier, et pas juste pour lui.
Parce que tu peux pas sous-payer Hutson pendant que Laine encaisse des millions pour ses buts.
Tu peux pas non plus donner la lune à Hutson et faire comme si Laine n’existait pas. Les deux sont liés, et ils le savent.
Le pire dans tout ça? Le timing.
On ne parle pas d’une situation qui se réglera tranquillement d’ici trois ou quatre ans.
Non. On parle d’une bombe à retardement qui pourrait exploser dès le 1er juillet.
Et cette bombe, elle a été construite par le succès même du plan Hughes-Gorton.
Tu veux des vedettes? Tu veux de la production? Tu veux des soirs magiques au Centre Bell? Parfait.
Mais tout ça a un prix. Et ce prix-là, il arrive plus vite que prévu.
Dans le fond, ce qu’on vit avec Laine et Hutson, c’est le miroir parfait de la reconstruction.
Tu passes des années à prier pour avoir des jeunes électrisants, des vétérans productifs, une chimie offensive qui rend fou les adversaires.
Et quand tu l’as enfin, tu te rends compte que c’est une bombe à retardement budgétaire. Le plan a marché, mais maintenant, il faut payer la facture.
Et comme le dit le titre : elle sera salée.
Voilà pourquoi Laine est un cadeau empoisonné.
Parce qu’il est à la fois la meilleure chose qui soit arrivée au Canadien depuis l’arrivée de Caufield et Slafkovsky… et le pire casse-tête financier à venir.
Tu laisses partir Laine après une saison de 40 buts?
Les partisans veulent ta tête.
Tu blindes Laine et Hutson en même temps? Ton plafond salarial devient une prison. Et tu sais très bien qu’aucun des deux ne veut être séparé de l’autre.
Alors oui, Gorton et Hughes ont fait un vol en allant chercher Laine.
Oui, Hutson est déjà une révélation historique.
Mais parfois, même les plus beaux cadeaux cachent des pièges. Et cette fois, le piège s’appelle le succès lui-même.
La reconstruction a fonctionné. Les vedettes sont là. Les points s’accumulent. Le Centre Bell vibre.
Mais au bout de la ligne, la vraie question sera : est-ce que Montréal peut payer le prix pour garder ses deux joyaux ensemble?
Parce qu’au moment où la facture va tomber, personne n’aura le choix de constater l’évidence : ce cadeau-là, aussi merveilleux soit-il, a toujours été empoisonné.
À suivre...