David Savard est parti comme il a joué : humblement, sans tambour ni trompette, mais avec toute la lourdeur d’un vide que personne n’avait encore osé mesurer. Et dans ce silence… une voix s’est levée. Celle d’Alexandre Carrier.
Parce que dans cette équipe en reconstruction, où les mots « sacrifice », « loyauté » et « identité québécoise » se font de plus en plus rares, quelqu’un devait se lever. Quelqu’un devait dire — sans même le dire — que le flambeau venait de changer de main.
Et ce quelqu’un, c’est Alexandre Carrier.
Il n’a pas osé le dire frontalement. Il n’en avait pas besoin.
Son regard, son ton, sa posture. Tout respirait la prise de pouvoir.
Pendant que certains jeunes se cherchent encore une identité, que les partisans se demandent qui prendra le flambeau laissé par les vétérans, Carrier, lui, a déjà sa réponse.
Et il n’a pas besoin d’attendre que Martin St-Louis lui tende la main. Il est déjà dans l’action.
Ce n’est plus le petit Québécois timide de Nashville. C’est le prochain pilier de la défensive montréalaise.
Et quelque part, dans l’ombre du vestiaire, David Savard vient peut-être d’entendre la cloche sonner.
Mais dans ce camp d’entraînement 2025, Alexandre Carrier vient de livrer l’un des messages les plus lourds de sens à David Savard.
Un message sans mots, livré avec respect, sobriété, mais aussi une ambition brûlante : « Je suis prêt à prendre le relais. »
Depuis qu’il est débarqué dans le vestiaire du Canadien de Montréal dans la transaction surprise de l’été 2025, Alexandre Carrier ne fait pas de vagues. Il fait son chemin. Tranquillement. Solidement.
Mais dans ses propos de ce matin-là à Toronto, quelques heures avant le match préparatoire contre les Leafs, tout est là.
L’ADN d’un gars qui n’a plus rien d’un joueur de profondeur. Le discours d’un joueur qui se voit dans l’alignement, dans la rotation, dans le top-4… et dans les responsabilités.
« J’ai pris de l’expérience avec les années. Je me sens plus confortable, je pense que je peux apporter un peu plus à l’équipe. »
Ça, ce n’est pas juste une phrase de camp d’entraînement. C’est le cri silencieux d’un joueur qui veut devenir une référence.
Et ce n’est pas un hasard si cette montée en puissance d’Alexandre Carrier survient maintenant.
David Savard a tiré sa révérence. Le dernier bouclier francophone du Canadien, le guerrier silencieux, l’homme qui bloquait les lancers comme s’il bloquait des balles pour sauver sa famille, a rangé son équipement.
Une carrière marquée par l’humilité, les sacrifices, les blessures et l’amour inconditionnel du Québec. Il est parti en soldat.
En légende discrète. Et dans le silence laissé par son départ, une question plane : qui va reprendre le flambeau?
Carrier, lui, est au sommet de sa maturité. Il a 28 ans. Il connaît maintenant les exigences de la LNH. Il a goûté aux séries. Il a vécu l’urgence de gagner à Nashville. Il a bloqué des tirs de monstres comme Tom Wilson. Et il s’est toujours relevé.
« C’est sûr que les séries, ça te donne un peu plus de confiance. Tu te dis que t’es capable de jouer contre les meilleurs joueurs au monde. »
Ce n’est pas une fanfaronnade.
C’est une promesse.
Alexandre Carrier ne vise pas juste un poste dans la brigade défensive. Il vise un rôle. Une identité. Une voix.
Et dans cette voix-là, on entend déjà un accent québécois qui manquait dans cette reconstruction.
« C’est sûr que quand t’es un Québécois qui joue pour le Canadien, t’as beaucoup d’attention, puis tu veux bien faire. »
La pression, il la connaît.
Mais il n’en a pas peur.
« C’est plus le fun que d’autre chose, honnêtement. J’essaie juste d’en profiter au maximum. »
Ce n’est pas le discours d’un figurant.
C’est le discours d’un leader.
Et c’est ce que Jeff Gorton et Kent Hughes ont compris en l’amadouant à coups de textos, d’appels, et de messages à son agent pour qu’il accepte de signer à Montréal.
Le CH n’a pas juste été chercher un défenseur. Il est allé chercher un levier. Un lien. Une présence.
En série, il a été l’un des seuls à tenir la baraque. Il a joué comme un homme. Il a absorbé les mises en échec. Il a patiné comme s’il portait un chandail de 20 livres. Il a bloqué des tirs. Et il n’a jamais pris de raccourci.
Aujourd’hui, à l’aube de la saison 2025-2026, il sait ce qu’il vaut. Et surtout, il sait où il veut aller.
« Mon but, c’est juste de progresser à chaque année. Je ne me mets pas trop d’objectifs. Juste d’essayer d’être meilleur que l’an passé. »
Mais entre les lignes, tout est clair.
Cette année, il veut jouer sur l’un des deux premiers duos défensifs. Il veut avoir la tâche de défendre contre les meilleurs trios adverses. Il veut aller chercher du temps de jeu en désavantage numérique.
Il veut devenir ce gars que Martin St-Louis regarde en fin de match, quand il reste 45 secondes à tuer contre Auston Matthews et William Nylander.
Et il veut que les jeunes le regardent, aussi.
Parce qu’un jour, Lane Hutson va devoir apprendre à souffrir sur la glace.
Parce qu’un jour, Demidov va devoir comprendre que le hockey, ce n’est pas que de la magie. C’est aussi de la sueur, du sang, des genoux enflés.
Et ce jour-là, ce ne sera pas Suzuki qui leur montrera.
Ce ne sera pas Matheson non plus.
Ce sera Alexandre Carrier.
Et c’est là que le message devient encore plus fort pour David Savard.
Fin d’une époque.
Tu as tout donné. Tu as été notre soldat. Tu as été notre papa. Tu as mis ta barbe blanche au service des petits jeunes. Tu as mangé des slapshots dans le dos pour qu’ils puissent faire leurs feintes. Tu as gagné notre respect.
Mais maintenant, c’est Carrier qui monte dans le camion.
Et si vous avez encore des doutes, allez réécouter ses paroles, calmement dites au micro.
« T’as juste une chance de faire une bonne impression. »
AMEN