Florian Xhekaj n’a pas été rappelé par le Canadien de Montréal. Il a vu Owen Beck lui passer devant. Il n’a pas été choisi malgré un camp d’entraînement irréprochable. Mais ce qu’il a fait samedi après-midi à Laval était mille fois plus fort que n’importe quel rappel administratif : il s’est vengé.
On se souvient tous de la scène ignoble la veille, lors du match d’ouverture du Rocket contre les Canucks d’Abbotsford. Chase Stillman s’en est pris à Josiah Didier déjà au sol, le frappant vicieusement alors que le défenseur de Laval était sans défense.
Didier a été mis K-O, sa tête frappant la glace. Un geste ignoble, un geste qui dans n’importe quel autre contexte mériterait une suspension exemplaire. Mais dans la Ligue américaine, la vengeance se fait parfois à l’ancienne. Et Florian, comme son frère Arber, est un justicier.
Samedi matin, tous les regards étaient tournés vers Montréal. Le Canadien devait procéder à un rappel d’urgence, après les blessures de Kirby Dach et Patrik Laine. Il fallait un attaquant. Florian Xhekaj, dominant au camp, imposant à Laval, naturel dans un rôle d’énergie, semblait être le choix évident.
Mais non. L’organisation a préféré Owen Beck, centre droitier, davantage “safe”, davantage formaté pour le rôle de bouche-trou temporaire. Beck jouera ce soir à droite de Joe Veleno et Zachary Bolduc. Une ligne de transition, une ligne de service.
Pour Xhekaj, c’était un coup dur. Il avait tout fait pour être celui qu’on appelait. Il avait frappé, marqué, dérangé. Il avait tenu parole.
Il s’était transformé en machine à énergie, en joueur complet prêt pour la LNH. Mais Martin St-Louis a fait un choix. Un choix stratégique, peut-être, mais surtout un choix qui laisse un goût amer à celui qui se bat, littéralement, pour une chance.
Alors qu’il aurait pu se lamenter, alors qu’il aurait pu sombrer dans l’amertume, Florian Xhekaj a pris une décision. Il allait faire ce qu’il fait de mieux : imposer le respect.
Et dès la première minute du match revanche contre Abbotsford, il s’est approché de Stillman. Sans parler. Sans hésiter. Juste lui, son regard noir, et son poing. En quelques secondes, Stillman s’est retrouvé au sol.
Le message était passé. On ne touche pas à Didier impunément. On ne touche pas à un frère du Rocket.
L’image a circulé sur les réseaux sociaux. Florian Xhekaj n’est pas un joueur comme les autres. Il est un symbole. Un protecteur. Un élément identitaire. Et pourtant, c’est lui que le Canadien a choisi d’ignorer. Encore.
Ce n’est pas la première fois que Martin St-Louis semble réticent à utiliser Florian Xhekaj. L’entraîneur-chef aime la finesse, l’intelligence, la polyvalence.
Il aime les joueurs qui font tourner la rondelle, pas ceux qui imposent leur loi physiquement. Dans le cas de Florian, c’est doublement difficile. Gaucher naturel, comme Bolduc et Veleno, il ne cadrait pas parfaitement sur le trio de soutien. Beck, droitier, offrait une option plus complémentaire. Mais le malaise est ailleurs.
Car ce matin, dans le vestiaire du Rocket, tout le monde savait que Florian méritait ce rappel. Et tout le monde a vu que c’est Owen Beck, un joueur activement offert sur le marché des transactions cet été, qui a été choisi.
Beck a été proposé aux Islanders dans le cadre du dossier Noah Dobson. Il a aussi été offert aux Bruins, dans un trio avec Joshua Roy et Jayden Struble, pour Pavel Zacha. Refusé.
Owen Beck est indésirable sur le marché. Et malgré cela, il est celui qui obtient la confiance. Pour Florian Xhekaj, c’est une claque. Et pas celle qu’il rend à coups de poings sur son ennemi.
Dans les dernières heures, Martin St-Louis a parlé à la presse. Il a abordé les blessures, les choix de personnel. Mais jamais, pas une seule fois, il n’a mentionné Florian Xhekaj. Aucun mot, aucune explication, aucune reconnaissance. On dirait qu’il l’ignore volontairement. Comme si son profil le dérangeait.
Et pourtant, ce que Florian a fait aujourd’hui, c’est exactement ce qu’on attend d’un joueur d’énergie. Il a défendu un coéquipier. Il a mis la main à la pâte. Il a envoyé un message. Et surtout, il a démontré qu’il est prêt pour la LNH.
En rappelant Owen Beck, le CH a opté pour le confort. Pour l’expérience (13 matchs de LNH). Pour un joueur capable de prendre des mises en jeu à droite. Pour un joueur plus sécuritaire. Il a déjà joué avec Veleno au camp. Tout cela se tient. Mais ce n’est pas un choix courageux. Ce n’est pas un choix inspirant.
Et surtout, ce n’est pas un choix qui respecte le mérite. Florian Xhekaj n’a jamais eu de mauvaise attitude. Il s’est amélioré. Il a travaillé. Il a dominé en pré-saison. Et il a prouvé, ce samedi, qu’il était prêt à faire tout ce qu’il faut pour mériter sa place.
Arber Xhekaj, de son côté, continue d’occuper une place fragile à Montréal. Le lien entre les deux frères est fort. Ce qui arrive à l’un affecte l’autre. Si Florian sent qu’il n’a pas sa place à Montréal, malgré tous ses efforts, le message envoyé à Arber est clair : vous n’êtes pas des joueurs du moule Martin St-Louis.
Et c’est là le vrai problème.Florian Xhekaj incarne un hockey de cœur, un hockey de tranchée. Un hockey qui dérange parfois, mais qui gagne aussi.
Le Canadien, à force de valoriser uniquement la finesse, oublie parfois que ce sport reste brutal. Que certains soirs, ce n’est pas la passe parfaite qui fait la différence, mais le courage de se lever quand un coéquipier est à terre.
La saison est longue. Les blessures vont continuer. Le Canadien devra rappeler d’autres joueurs. Et quand ce moment viendra, Florian Xhekaj, lui, n’aura rien oublié. Ni l’attaque sur Didier. Ni l’oubli du rappel. Ni le silence de son entraîneur.
Mais aujourd’hui, sur la glace de Laval, il a parlé à sa façon. Il a rappelé à toute l’organisation, à toute la ligue, à tout le vestiaire : je suis là. Et la prochaine fois, vous ne pourrez plus m’ignorer.