Dans un Montréal où les gardiens de but sont souvent traités comme des rois… ou des boucs émissaires, Samuel Montembeault traverse une période aussi cruelle qu’injuste.
Quatre matchs de suite où il a accordé 16 buts. Quatre matchs de frustration. Et dans un marché aussi émotif et impitoyable que celui du Canadien, c’est suffisant pour que les couteaux volent bas.
Les critiques fusent de partout. On parle de fatigue. On parle de le reposer. On réclame Jakub Dobeš. On remet en question son statut de numéro un.
Mais dans cette tempête de doutes et de jugements faciles, une voix s’est élevée. Une voix qui a déjà vécu exactement le même cirque médiatique.
Une voix qui connaît le poids d’un filet au Centre Bell. Une voix qui résonne encore avec autorité au Québec : celle de José Théodore.
Invité au micro de Mario Langlois sur les ondes du 98.5 FM, l’ancien gagnant du trophée Hart a livré un vibrant plaidoyer en faveur de Samuel Montembeault. Et il ne s’est pas contenté de caresser les oreilles. Il a frappé fort. Très fort.
« Est-ce que présentement, Dobeš nous a montré depuis deux mois que t’as plus de chances de gagner avec lui devant le filet qu’avec Montembeault ? », a lancé Théodore, visiblement exaspéré par les appels à reléguer Monty au second plan.
Et il n’a pas attendu de réponse :
« Oublie fatigué ou pas… Montembeault a plus de chances de gagner s’il est à 80 % que Dobeš à 100 %. »
Boom. La table était mise. Et José n’a pas ralenti. Il a regardé l’état-major médiatique dans les yeux et leur a dit ce qu’ils refusent d’entendre :
« On ne peut pas jouer avec l’émotion de Montembeault d’ici la fin de la saison. »
Parce que c’est ça, au fond. Derrière les statistiques, les arrêts ratés, les buts laids… il y a un homme. Un gardien qui a porté cette équipe sur son dos bien plus souvent qu’on ne veut l’admettre.
Un gardien qui a fait 52 départs cette saison. Un gardien qui, à 3,15 millions par an, est un véritable vol dans une ligue où certains back-ups sont payés davantage pour faire moitié moins.
Et José Théodore a résumé toute cette réalité en une phrase cinglante et claire :
« On est là à cause de Samuel Montembeault. »
Pas malgré Montembeault. À cause de lui. Grâce à lui.
Et il a terminé son intervention avec un coup de tonnerre, que personne ne pourra contester :
« Je vais même plus loin… Ton MVP, présentement, c’est Montembeault. »
Ce n’est pas rien. Ça vient d’un gars qui a été MVP lui-même. Qui a connu l’extase et la noirceur. Qui sait que le hockey est cruel avec les gardiens qui ne sont pas nés ailleurs qu’au Québec.
Car soyons honnêtes : Montembeault n’a pas le droit à l’erreur ici. Pas comme les autres. S’il accorde deux mauvais buts, on l'envoie sous l'autobus. Et dès qu’un jeune comme Dobeš gagne un match, c’est la révolution.
Pourtant, comme le rappelle Théodore, Montembeault est celui qui les a amenés là. Celui qui a tenu bon quand Primeau se cherchait. Celui qui a calmé la tempête. Celui qui a sauvé le club pendant que la défensive coulait.
Alors oui, il est fatigué. Oui, il a eu quelques performances faibles récemment. Mais le message de Théodore est direct et sans détour : on ne peut pas l’abandonner maintenant.
Pas après ce qu’il a donné. Pas alors qu’il joue au rythme d’un gardien élite. Pas alors qu’il s’apprête peut-être à franchir la barre des 60 départs, chose qu’aucun gardien du CH n’a fait depuis Carey Price en 2018-2019.
Ce message-là, c’est plus que de la solidarité entre gardiens. C’est un appel à la raison. C’est un cri du cœur contre l’ingratitude.
José Théodore n’a pas simplement défendu Samuel Montembeault. Il l’a réhabilité. Il a rappelé à tous que ce jeune homme est encore debout, encore à se battre… alors qu’on essaie déjà de lui faire creuser sa tombe.
Et dans un vestiaire de la LNH, un appui comme celui-là, ça vaut de l’or.
Et ce qui frappe, dans tout ce plaidoyer passionné, c’est que José Théodore agit aujourd’hui comme ce que Patrick Roy n’a jamais été pour lui : un mentor solidaire, un ancien qui tend la main au lieu de tourner le dos.
Car oui, au fond, c’est exactement l’inverse de ce que Roy a fait à Théodore il y a près de trente ans. Alors qu’il aurait pu l’encadrer, l’aider, le préparer à vivre la pression de Montréal, Roy l’a ignoré.
Snobé. Froidement mis à l’écart comme si son seul objectif était de protéger son trône. Théodore, lui, a pris cette leçon cruelle… et en a fait une promesse silencieuse : jamais il ne reproduirait ça.
Et il tient parole.
Même des années après sa retraite, alors qu’il aurait pu rester discret, Théodore se lève pour défendre un autre Québécois dans les filets du Canadien.
Non pas parce qu’il en retire quelque chose, mais parce qu’il sait ce que ça fait, d’être laissé seul dans le filet pendant que les projecteurs brûlent la peau et que les analystes sortent au tribunal public pour t'enfoncer.
Il aurait pu dire : « Il n’est pas prêt. »
Il aurait pu dire : « Dobeš mérite sa chance. »
Il aurait pu rester dans l’analyse froide.
Mais non. Il a choisi la chaleur. La loyauté. L’humanité.
Et cette position, elle dérange. Parce qu’elle force le Québec hockey à se regarder dans le miroir. À reconnaître qu’il a souvent la mémoire courte.
À admettre qu’il est plus dur avec ses propres enfants qu’avec les autres. Que le filet du CH, lorsqu’il est occupé par un gardien québécois, devient un champ de mines.
Ce que José Théodore fait aujourd’hui pour Samuel Montembeault, c’est un acte de générosité sans précédent. Une manière de dire à tous les jeunes gardiens qui regarderont cette tempête de loin : vous n’êtes pas seuls.
Quelqu’un veille. Quelqu’un comprend. Quelqu’un a déjà encaissé tout ça et est encore debout pour vous tendre la main.
Et ça, ça n’a pas de prix.
Patrick Roy, avec son parcours légendaire, aurait pu être ce leader. Mais il a préféré être un monument inatteignable, solitaire dans sa grandeur. Théodore, lui, a choisi d’être une voix, un allié, un repère.
Dans une ligue où les carrières de gardien se brisent plus vite qu’elles ne se construisent, ce geste-là est immense. Ce n’est pas juste un commentaire à la radio. C’est un héritage qui se transmet.
Et ironiquement, ce n’est pas Roy, le détenteur de quatre Coupes Stanley, qui incarne aujourd’hui la noblesse du poste.
C’est Théodore. Celui qui n’a jamais été pleinement accepté comme roi à Montréal, mais qui agit comme un vrai leader.
Alors la prochaine fois que Montembeault livrera une autre bataille devant le filet du CH, qu’il sente que derrière lui, il n’y a pas seulement une équipe. Il y a un frère d’armes. Un ancien. Un MVP.
Et pour une fois, Montréal devrait écouter. Parce que José Théodore, lui, sait exactement de quoi il parle.
Go Montembeault go!