Honte publique au Québec: la productrice de Lance et Compte voit rouge

Honte publique au Québec: la productrice de Lance et Compte voit rouge

Par David Garel le 2025-08-15

Il y a des conflits privés qui devraient rester dans les coulisses, loin du regard du public.

Et puis il y a ceux qui, par leur absurdité, leur égoïsme et leur entêtement, se transforment en véritables humiliations collectives.

Ce qui se passe actuellement autour du projet de spectacle musical Lance et compte appartient clairement à la deuxième catégorie.

On ne parle pas ici d’un simple désaccord artistique ou d’un détail contractuel mineur. On parle d’une querelle si puérile et si obstinée qu’elle prive tout un peuple de ce qui aurait pu être un moment unique pour célébrer une œuvre qui a marqué des générations.

Au centre de cette guerre de tranchées : Réjean Tremblay, scénariste légendaire, plume derrière Lance et compte, et Caroline Héroux, productrice qui a repris le flambeau de la franchise dans les années 2000.

Entre eux, plus de dialogue. Plus de volonté de s’entendre. Juste une rancune tenace et qui vient de torpiller un projet ambitieux : Lance et compte: L’ultime rencontre, une création théâtrale mêlant musique, cirque, danse et émotions.

Ce spectacle, imaginé par Jean-François Blais, n’était pas un show improvisée.

Blais, reconnu pour des productions de grande envergure comme La Voix ou En direct de l’univers, travaillait depuis des mois avec l’aval de Tremblay.

Son idée était simple : réunir sur scène tout l’univers de Lance et compte, offrir au public un hommage final, spectaculaire, à l’occasion du 40e anniversaire de la série.

On parle d’une œuvre multidisciplinaire, où les scènes cultes auraient pris vie sous forme de tableaux chorégraphiés, appuyés par des musiciens en direct, des numéros acrobatiques rappelant l’intensité des matchs, et une mise en scène pensée pour plonger le spectateur au cœur de l’aréna… sans quitter son siège.

Un pari artistique rare au Québec, où la nostalgie populaire se marie rarement avec l’audace créative. Un pari qui, selon nos sources, aurait pu être la suite d'un autre projet longtemps souhaité : un documentaire sur Lance et compte, retraçant son histoire, ses coulisses, et son empreinte dans la culture québécoise.

Deux cadeaux pour le public, deux manières de dire adieu à une œuvre qui a façonné l’imaginaire collectif.

Mais tout cela est désormais sur la glace. La raison ? Caroline Héroux refuse de donner le feu vert. Elle affirme détenir les droits de la marque Lance et compte et n’entend pas collaborer avec Tremblay.

Selon elle, cette mésentente dure depuis longtemps et s’est aggravée à cause d’un incident survenu en 2023 : le Parti Québécois avait utilisé le générique de Lance et compte dans une publicité électorale, avec l’accord de Tremblay. Une autorisation que, selon Héroux, il n’avait pas le droit de donner.

Résultat : mise en demeure, retrait de la publicité (le PA a finalement payé les droits pour la diffuser) et rancune scellée dans le béton.

Depuis, aucun pont n’a été reconstruit. Et aujourd’hui, cette rancune se traduit par un veto pur et simple sur le projet de spectacle.

Héroux ne cache pas son mépris :

« Je ne travaillerai pas avec Réjean Tremblay. J’ai donné dans ce département-là, pendant plusieurs années même. »

On pourrait presque comprendre, si le conflit portait sur des enjeux artistiques irréconciliables ou sur la protection d’une œuvre contre des dénaturations. Mais ici, tout laisse à penser qu’il s’agit d’une guerre d’ego.

De son côté, Réjean Tremblay est celui qui montre de la raison... et du coeur dans ce conflit : pour lui, Lance et compte ne lui appartient pas, ni même à Héroux, mais bien au peuple québécois.

L’œuvre, dit-il, est entrée dans le patrimoine collectif. Elle a marqué la mémoire de millions de téléspectateurs, nourri des discussions familiales, inspiré des vocations sportives. La priver de cet hommage final, c’est trahir ce qu’elle représente.

Tremblay affirme aussi qu’il détient bel et bien les droits pour un roman, une pièce de théâtre et une comédie musicale, en vertu d’un contrat signé il y a plus de 40 ans avec Claude Héroux, le père de Caroline.

Ce dernier fut le tout premier producteur de Lance et compte. Imaginer que cet homme, témoin de la naissance de la série, assiste aujourd’hui à sa mise en otage doit lui briser le cœur.

Et c’est là que le drame dépasse le simple affrontement juridique. On n’est plus dans une affaire de clauses ou de redevances. On est dans un acte de privation culturelle, un déni d’héritage artistique.

Selon nos informations, le spectacle n’aurait pas été la seule victime de ce conflit. En coulisses, on espérait convaincre Caroline Héroux d’ouvrir la porte à un documentaire sur Lance et compte.

Un documentaire qui aurait pu mêler archives inédites, témoignages des acteurs, analyses d’historiens de la télévision et images de tournage, offrant une plongée unique dans les coulisses d’une œuvre qui, à son apogée, rassemblait des millions de téléspectateurs devant l’écran.

Mais cette perspective s’est évaporée avant que le projet scénique tombe aussi à l'eau.

Résultat : au lieu de commémorer les 40 ans de Lance et compte avec un doublé spectaculaire, un hommage vivant sur scène et un témoignage immortel à l'écran, le public n’aura… rien.

Ce qui choque dans cette histoire, ce n’est pas seulement la perte d’un projet culturel. C’est la symbolique de ce refus.

En bloquant la pièce, Caroline Héroux ne bloque pas seulement Réjean Tremblay. Elle bloque un hommage que des milliers de Québécois attendaient.

Elle bloque un événement qui aurait permis aux générations qui ont grandi avec Pierre Lambert, Marc Gagnon et les autres héros de la série de revivre ces émotions, et aux plus jeunes de les découvrir autrement.

C’est pourquoi ce conflit a tout d’une humiliation publique. Parce qu’il rappelle que, parfois, le patrimoine culturel ne meurt pas de désintérêt ou d’oubli… mais d’égoïsme et de querelles personnelles.

Il faut aussi se souvenir d’un élément clé : le rôle de Claude Héroux. Cet homme a été le premier à croire au potentiel de Lance et compte.

Il a pris le risque de la produire, dans un contexte où rien ne garantissait son succès. C’est grâce à lui, et bien sûr à l’écriture de Tremblay, que la série est devenue ce qu’elle est.

Aujourd’hui, voir sa propre fille utiliser les droits pour empêcher un hommage, plutôt que pour l’encourager, a quelque chose de tragique.

Il n’est pas question de diaboliser Caroline Héroux. Mais il est impossible de ne pas voir dans son refus une trahison symbolique envers l’héritage paternel. Un héritage qui, rappelons-le, ne se mesure pas seulement en termes de propriété intellectuelle, mais aussi en impact sur la société québécoise.

Et c’est là le cœur du problème : Lance et compte appartient à ceux qui l’ont vécue, aimée, suivie semaine après semaine.

Cette œuvre n’est pas un simple produit télévisuel à ranger dans un coffre-fort juridique. C’est un morceau de mémoire collective.

La priver de scène aujourd’hui, c’est comme refuser de commémorer un événement historique sous prétexte qu’on n’aime pas la personne qui veut organiser la cérémonie.

À ceux qui diront que ce n’est « qu’une série télé », rappelons l’influence de Lance et compte sur la culture populaire québécoise : la série a façonné notre rapport au hockey, mis en lumière des enjeux sociaux, fait entrer des expressions dans le langage courant.

Elle a réuni devant l’écran des familles entières, fédéré des régions entières. On ne parle pas d’un divertissement anodin, mais d’un phénomène de société.

Aujourd’hui, la balle est dans le camp de Caroline Héroux. Elle seule peut déverrouiller la situation. La question est simple : veut-elle être celle qui aura sauvé Lance et compte pour son dernier tour de piste… ou celle qui l’aura enterré pour de bon ?

On se demande : que veut vraiment Madame Héroux ? Est-ce une question d’argent ? Est-ce une blessure d’ego qui prime sur l’intérêt public ? Ou est-ce simplement une obstination irréfléchie ?

Quelles qu’en soient les raisons, elles semblent bien minces face à l’opportunité historique qui se présente.

Réjean Tremblay, de son côté, ne parle pas d’argent. Il parle de fidélité à l’œuvre, de reconnaissance envers le public, et de respect pour ce que représente Lance et compte. Selon lui, ce spectacle n’est pas un caprice : c’est une nécessité pour clore dignement l’histoire.

Il reste encore un peu de temps avant que le 40e anniversaire ne devienne un rendez-vous manqué. Les ponts sont brûlés, mais dans le monde du spectacle, même les rancunes les plus tenaces peuvent se dissoudre face à la pression populaire. La question est : y aura-t-il assez de voix pour réclamer ce spectacle ?

Car si rien ne change, on ne retiendra pas des 40 ans de Lance et compte une célébration triomphale. On retiendra une chicane privée qui a pris en otage un symbole collectif.

Et cette image, elle, restera dans les mémoires… longtemps.