Jake Evans : Une illusion comptable qui va coûter cher à Kent Hughes

Jake Evans : Une illusion comptable qui va coûter cher à Kent Hughes

Par André Soueidan le 2025-02-14

La direction du Canadien de Montréal nous vend l’idée qu’échanger Jake Evans est une décision logique, une gestion prudente des actifs qui permettra d’économiser quelques millions pour mieux investir ailleurs.

Sauf que dans la vraie vie, le hockey ne se joue pas dans un tableur Excel. L’idée qu’Evans est facilement remplaçable par Owen Beck est un leurre dangereux, et la logique comptable de Kent Hughes pourrait bien lui exploser en plein visage.

Jake Evans, c’est bien plus qu’un simple centre défensif

Quand on parle de Jake Evans, il faut arrêter de réduire son rôle à « un centre défensif qu’on peut trouver ailleurs ».

Evans, c’est un joueur de 28 ans qui a fait ses classes, qui comprend le tempo d’un match, qui sait comment gérer les fins de période sous pression et qui peut prendre des mises en jeu critiques en territoire défensif sans broncher.

Il sait où se placer, quand refermer le jeu, quand accélérer. Ce n’est pas le genre de choses qui s’apprennent en un été d’entraînement.

Ce n’est pas une question de talent brut, c’est une question d’expérience, d’habitudes de match, d’instincts aiguisés par des années passées à affronter les meilleurs centres adverses.

C’est exactement le type de joueur qui permet à une équipe de passer de « jeune équipe talentueuse » à « club qui gagne en séries ».

Et là, Hughes pense qu’Owen Beck, 21 ans, qui n’a jamais joué un rôle stable dans la LNH, va juste prendre sa place sans que ça paraisse? Voyons donc.

L’argument principal derrière cet échange, c’est qu’il permettrait de libérer de la masse salariale. Evans gagne actuellement 1,7 million de dollars, mais son contrat vient à échéance en juillet.

C’est précisément pour cette raison que le Canadien cherche à l’échanger avant la date limite des transactions, afin d’éviter de le perdre sans contrepartie.

Le raisonnement derrière cette décision est que Montréal ne veut pas s’engager dans un nouveau contrat avec Evans, car l’organisation juge que ce qu’il demandera en termes de salaire sera trop lourd à supporter sur le plafond salarial.

Pourtant, cette logique ne tient pas la route quand on regarde les projections des prochaines années.

La LNH a annoncé que le plafond salarial augmentera de manière significative, passant à 95,5 millions en 2025-2026, 104 millions en 2026-2027 et 113,5 millions en 2027-2028.

Dans ce contexte, refuser d’accorder un nouveau contrat à un joueur clé sous prétexte de restrictions financières est absurde.

L’argument selon lequel Evans pèserait trop lourd sur la masse salariale tombe à l’eau. Montréal pourrait facilement lui offrir un contrat raisonnable sur deux ou trois ans sans compromettre sa flexibilité budgétaire.

En fait, la perte d’Evans risque davantage de coûter cher sur le plan stratégique que de libérer un montant significatif dans le budget.

L’autre problème majeur, c’est le vide que crée ce genre de décision. Quand tu retires un joueur comme Evans, tu ne fais pas juste perdre un centre défensif.

Tu enlèves un élément-clé qui faisait le pont entre les vétérans et les jeunes. Tu enlèves une présence qui stabilisait l’alignement, un joueur qui sait s’ajuster aux situations imprévisibles d’un match, un gars qui peut te sauver un but en fin de troisième période en gagnant une mise en jeu cruciale.

Owen Beck, lui, n’a tout simplement pas cette expérience. Ce n’est pas une critique contre lui, c’est un fait. Il n’a jamais joué sous pression en LNH, il n’a jamais eu à gérer un désavantage numérique en fin de match contre McDavid ou Matthews.

Il n’a pas vécu ces situations qui te permettent de développer des réflexes de vétéran. Et ces réflexes, ça ne s’achète pas avec un gros potentiel, ça se gagne avec le temps.

Ce genre de transition demande du temps et un encadrement adéquat. Mais en se débarrassant d’Evans sans solution immédiate, le CH se tire une balle dans le pied.

Parce que quand Beck se retrouvera en difficulté – et il va l’être, parce que c’est normal pour un jeune centre qui arrive dans la LNH –, il n’y aura personne pour combler l’écart.

Évidemment, Hughes justifiera cette décision en parlant du retour potentiel : un choix de deuxième ronde. La fameuse carotte du repêchage.

Sauf qu’on a beau accumuler les choix, à un moment donné, il faut construire une équipe avec des joueurs qui savent quoi faire sur la glace.

Un choix de deuxième ronde en 2025 ou 2026 ne va pas aider le Canadien à être compétitif en 2026 ou 2027.

Owen Beck, lui-même un choix de deuxième ronde en 2022, n’est toujours pas prêt. Alors comment justifier qu’un autre choix du même calibre serait un atout à court terme?

Si Hughes croit que le Canadien doit être prêt à compétitionner d’ici deux ans, pourquoi créer un trou dans l’alignement maintenant?

On ne bâtit pas un club compétitif juste en empilant des choix. À un moment donné, il faut garder des joueurs capables d’encadrer les jeunes et de rendre l’équipe meilleure immédiatement.

Si Kent Hughes pousse Evans vers la sortie, il devra assumer une conséquence inévitable : l’équipe va perdre un élément stabilisateur sans avoir de solution immédiate pour le remplacer.

Owen Beck pourrait bien être un bon joueur dans trois ans, mais d’ici là, qui comble le vide? Qui prend ces mises en jeu cruciales? Qui stabilise l’équipe dans les moments sous pression?

À un moment donné, il va falloir arrêter de rêver à une reconstruction parfaite sur papier et commencer à penser aux réalités du jeu sur la glace.

Hughes veut bâtir un club sérieux? Parfait. Mais ça commence par ne pas jeter aux ordures des morceaux-clés sous prétexte qu’ils ne cadrent pas dans un plan comptable.

Evans n’est pas une pièce interchangeable. Il est un élément fondamental de l’identité du Canadien.

S’en départir sous prétexte qu’un jeune va simplement prendre sa place, c’est faire preuve d’une naïveté dangereuse.

Et si Hughes persiste dans cette direction, il risque de comprendre bien trop tard que certains joueurs, ça ne se remplace pas aussi facilement qu’un chiffre dans une colonne budgétaire.

Amen