C’est l’un des plus gros malentendus de la saison à Montréal : Joe Veleno est en train de devenir, bien malgré lui, le punching bag d’un conflit qu’il n’a jamais cherché à provoquer.
Le pauvre gars n’a rien demandé à personne. Il n’a pas critiqué le coach, il n’a pas pris la place de personne de son plein gré.
Mais depuis qu’il a joué 12 minutes 44 secondes, soit plus que Zachary Bolduc (9:11) et Ivan Demidov (10:27) contre les Devils du New Jersey, il s’est fait détruire sur les réseaux sociaux.
Les partisans sont furieux. Les commentateurs aussi. Même Pierre McGuire, le journaliste coloré, a été cinglant à la radio :
« Quand Joe Veleno est dans l’alignement, ils le mettent à l’aile. Je n’aime pas Joe à l’aile. Je l’aime au centre. Mais il doit être assez bon pour jouer au centre, et en ce moment, il ne l’est pas assez pour déloger Kapanen, Dach ou Evans. »
Et c’est là tout le drame : Veleno est pris dans un rôle qui n’est pas le sien, dans un système qui ne lui convient pas, et dans un contexte où il devient malgré lui la preuve vivante des erreurs de Martin St-Louis.
Depuis que St-Louis a décidé de donner plus de glace à Joe Veleno qu’à Ivan Demidov et Zachary Bolduc, le public montréalais a perdu patience.
Comment justifier qu’un joueur sans réelle contribution offensive obtienne plus de minutes que le plus grand espoir offensif russe depuis Kucherov? Comment justifier qu’il soit préféré à Bolduc, un Québécois qui s’arrache sur chaque présence?
Veleno, lui, n’a rien fait de mal. Il fait ce qu’on lui demande, sans éclat, sans se plaindre. Mais il devient le symbole du favoritisme et du conservatisme de Martin St-Louis : celui d’un entraîneur qui préfère des joueurs “sécures”, fiables défensivement, même quand le talent crève les yeux sur le banc.
Sur X, les partisans ont résumé la situation brutalement :
“Veleno, c’est le gars qui joue 12 minutes pendant que Demidov change le jeu en dix.”
Et ils n’ont pas tort.
Un joueur perdu entre deux chaises
Le problème, c’est que Joe Veleno n’a jamais eu de vraie identité en LNH. À Detroit, il était censé devenir un centre offensif après avoir obtenu le statut de joueur exceptionnel dans la LHJMQ. Mais son jeu de fausse finesse n’a jamais percé à ce niveau. Avec Chicago, il a tenté de se transformer en joueur défensif. Résultat : ni l’un ni l’autre.
À Montréal, Martin St-Louis a essayé de le recycler en ailier de quatrième trio, sur une ligne avec Jake Evans et Josh Anderson. Le résultat? Une ligne sans identité. Comme l’a dit McGuire :
« J’ai l’impression que cette ligne n’a pas d’identité, pas avec Veleno en tout cas. Je sais ce qu’ils essaient de faire avec Evans et Anderson, mais Veleno ne fit pas là. »
C’est brutal, mais c’est vrai. Veleno ne "forechecke" pas comme un “grinder”. Il n’a pas la robustesse et la méchanceté d’un Condotta ni la fougue d’un Davidson. Et en même temps, il ne produit pas comme un joueur top-9. Résultat : il flotte entre deux rôles qu’il ne maîtrise pas.
Pendant ce temps, à Laval, Lucas Condotta et Jared Davidson cognent à la porte.
Condotta, capitaine du Rocket, joue un style simple, intense, efficace. Il excelle sur le forecheck, gagne ses batailles, et ne se perd pas dans des détails. Bref, le profil parfait pour un quatrième trio avec Evans et Anderson.
Et Davidson? C’est le joueur que tout le monde regarde de près. Il est actuellement meilleur buteur du Rocket avec huit buts, un vrai couteau suisse capable de jouer offensif ou robuste selon les besoins. Ce n’est pas un prospect tape-à-l’œil, mais il fait tout bien. Et surtout, il mérite sa chance.
Pendant que Veleno peine à trouver son utilité, Laval regorge de joueurs prêts à se sacrifier. Et c’est là que ça fait mal: St-Louis, par loyauté ou par prudence, tarde à donner la chance à ceux qui la méritent.
Le plus fou, c’est que Joe Veleno est probablement le joueur le plus discipliné du vestiaire. Il ne fait pas de vagues, ne conteste pas ses décisions, ne boude pas.
Mais ce profil tranquille devient une faiblesse dans une ville comme Montréal, où les partisans veulent des émotions, de la fougue et de la personnalité.
Veleno, c’est le gars qu’on oublie. Et cette invisibilité est devenue son pire ennemi. Pendant qu’on s’acharne sur St-Louis pour son traitement injuste envers Demidov et Bolduc, le nom de Veleno ressort à chaque fois, comme si c’était lui le problème.
Mais il n’est pas le problème. Il est le symptôme du vrai problème : une gestion du banc incohérente, où le mérite et le talent ne suffisent pas à garantir du temps de glace.
On oublie souvent que Joe Veleno a été, à 15 ans, le premier joueur québécois à recevoir le statut de joueur exceptionnel dans la LHJMQ. Un honneur rarissime, qui le plaçait au même rang que Connor McDavid ou John Tavares dans leur ligue respective.
Mais contrairement à eux, Veleno n’a jamais “dominé”. Il était bon, pas transcendant. Et ce saut prématuré a peut-être ralenti son développement. Il est devenu un joueur correct, fiable, mais sans cette étincelle qu’on attendait. Aujourd’hui, il traîne ce statut comme un fardeau.
Et c’est pour ça que chaque mauvaise présence, chaque comparaison avec un Demidov ou un Bolduc, devient un cauchemar.
Les chiffres qui ne mentent pas
Les partisans reprochent à Veleno de jouer trop, mais le staff du CH justifie sa présence par les chiffres.
51,2 % de réussite aux mises en jeu cette saison.
Meilleur centre gaucher de l’équipe pour les faceoffs.
Utilisé pour stabiliser le jeu en zone défensive.
Mais tout cela ne suffit pas. Parce que dans les faits, il ne génère rien offensivement. Et son style “entre-deux” crée un déséquilibre sur chaque trio où il passe.
McGuire a résumé la situation parfaitement :
« Il n’y a juste pas de place pour lui. Il ne jouera pas avant Evans, pas avant Suzuki, pas avant Kapanen. Alors tu veux qu’il joue avant qui? »
C’est exactement le nœud du problème. Veleno est coincé entre un rôle qu’il ne peut plus jouer (centre offensif) et un autre qu’il ne sait pas jouer (ailier de quatrième trio). Et pendant ce temps, St-Louis continue de le faire jouer plus que Demidov.
La frustration du public vient de là. Pas de Veleno lui-même, mais du message que ça envoie : le mérite ne compte pas, la hiérarchie ne bouge pas.
Joe Veleno n’est pas un coupable. Il est une victime. Victime d’un système, d’une mauvaise utilisation, et d’un contexte explosif où chaque décision de St-Louis est scrutée à la loupe.
Il n’a pas volé la place de Demidov. Il n’a pas trahi Bolduc. Mais il paie le prix d’un déséquilibre qui ne vient pas de lui.
Tant que Martin St-Louis continuera à ignorer la logique sportive pour s’accrocher à des préférences personnelles, Veleno restera l’otage d’un malaise qu’il n’a pas créé.
Et plus le public s’en prend à lui, plus on oublie l’essentiel : le problème n’est pas Joe Veleno.
Le problème, c’est Martin St-Louis.
