Jonathan Drouin : et maintenant, certains rêvent de le voir revenir… à Montréal.
Oui, vous avez bien lu. Après toutes les années d’amertume, après le divorce brutal entre Jonathan Drouin et le Canadien, voilà qu’une frange bruyante de partisans rêve de le voir revenir à Montréal à rabais, pour jouer avec Ivan Demidov sur le deuxième trio.
Il faut le dire : l’idée n’est pas dénuée de logique hockey. Le Canadien a besoin d’un deuxième centre, c’est vrai. Il cherche désespérément un défenseur droitier, aussi. Mais il lui manque aussi un ailier gauche naturel capable de jouer dans le top-6, capable de lire le jeu, de nourrir un franc-tireur comme Demidov, de ralentir le tempo, de créer dans l’espace. Et ce joueur-là, en théorie, c’est Jonathan Drouin.
À rabais. Motivé. Renaissant. Plus mature.
Mais en pratique? Ce rêve ne survivra pas au premier contact avec la réalité.
Drouin ne reviendra jamais à Montréal. Jamais. Pas tant que Martin St-Louis y est encore en poste.
Parce que pour Jonathan Drouin, Montréal, ce n’est pas un simple détour de carrière. C’est un traumatisme à ciel ouvert.
C’est l’endroit où il a perdu l’amour du hockey. C’est l’endroit où il a touché le fond. L’endroit où, après six ans à encaisser 33 millions de dollars sous une avalanche de critiques, il a dû se retirer du jeu pour soigner sa santé mentale, brisé, anéanti.
Et dans les derniers temps, qui l’a humilié devant tout le monde? Martin St-Louis.
Tout le monde se souvient de cet événement anodin, mais lourd de conséquences : quelques minutes de retard à une réunion d’équipe.
Rien de dramatique. Rien qui ne méritait un châtiment exemplaire. Et pourtant, St-Louis a décidé de le punir en l’ignorant complètement pendant un match entier, le laissant cloué au banc du début à la fin, sans aucune présence, sans explication publique, comme s’il avait commis une faute impardonnable.
Pour un vétéran qui vivait déjà avec le poids des attentes, des blessures, de l’anxiété et des critiques incessantes, ce geste n’a pas seulement été une sanction — ce fut une condamnation symbolique, un message sans pitié envoyé à tout le vestiaire, et surtout une fracture irréversible dans la relation entre les deux hommes.
Ce même St-Louis qui, pour envoyer un message au vestiaire ou à la direction ou au ciel, a laissé Jonathan Drouin comme sacrifice public. Une punition digne d’un junior C. Une leçon de mépris. Une fracture définitive.
C’est ce qui rend la situation actuelle aussi fascinante. Parce qu’au Colorado, Jonathan Drouin a tout reconstruit. Pas juste son hockey, mais son âme.
Il est arrivé sur la pointe des patins, avec un contrat ridicule de 825 000 $, par pure amitié pour Nathan MacKinnon. Il s’est tu, il a travaillé, il a écouté.
Il a commencé l’année dans les gradins, a enchaîné 10 matchs avec un seul point, puis a explosé : 47 points dans les 62 matchs suivants. Un joueur complet. Dévoué. Apprécié. Défensivement solide. Irréprochable dans le vestiaire.
Puis, cette saison, avant d'être écarté sur le 3e trio en séries, il avait pratiquement un point par match (37 points en 43 matchs).
C’est simple : Jonathan Drouin est devenu un modèle de persévérance. Assez pour être le candidat de l’Avalanche pour le trophée Masterton.
Et pourtant, malgré tout, le sort a fini par le trahir une fois de plus.
Tout allait bien. Il jouait sur le premier trio avec MacKinnon. Il était sur la première vague d’avantage numérique. Il produisait, il souriait, il respirait. Il disait à tous ceux qui voulaient l’entendre que la vie à Denver, c’était le paradis, loin du regard québécois, loin du fardeau, loin du jugement.
Mais en séries? Le scénario s’est effondré. Trois petites passes en sept matchs. Aucune étincelle. Aucun impact. Et surtout, une dégringolade instantanée dans la hiérarchie.
De la première ligne, il a été exilé sur un trio d’ombres : Charlie Coyle et Joel Kiviranta.
Du premier avantage numérique, il a été rayé, relégué sur la deuxième unité.
Son langage corporel? Absent. Son regard sur le banc? Vide.
Le Jonathan Drouin de Montréal était revenu. Celui qui doute. Celui qui pense trop. Celui qui s’éteint.
Et dans l’ombre de cette chute, des murmures sont apparus dans les médias de Denver :
Le DG Chris MacFarland aurait réservé de l’argent pour essayer de garder Drouin… et cela aurait nui aux négos avec Mikko Rantanen.
Et si Drouin était indirectement la raison du départ de Rantanen?
Le chouchou du vestiaire devenait subitement un poids.
Drouin est aujourd’hui sans contrat. Libre. Mais pas libre d’esprit.
Montréal? Jamais.
Et c’est là qu’interviennent les partisans romantiques du CH, ceux qui rêvent de réécrire l’histoire. De voir Drouin revenir à rabais, cette fois sur le deuxième trio avec Ivan Demidov. De le voir, libéré, inspiré, complice. Le passé effacé. La boucle bouclée.
Mais la vérité?
Il ne reviendra jamais. Ni lui, ni sa famille. On ne revient pas là où on a souffert. On ne revient pas dans la maison qui vous a brisé.
Même si l’idée est séduisante, même si son profil est parfait, même s’il est en mesure d’aider le CH, Jonathan Drouin ne veut plus rien savoir.
Et Martin St-Louis non plus.
Ce n’est pas de la rancune. C’est du réalisme. Il y a des blessures qu’on ne soigne pas avec des contrats.
Un jour, on écrira un film sur Jonathan Drouin. Un film sur un homme qui aimait tellement le hockey qu’il a failli s’y perdre. Un homme qui est passé de chouchou à flop, de millionnaire à mendiant de contrat, d'indésirable à héros d’un vestiaire prétendant à la Coupe Stanley pour être de retour... comme indésirable...
Un homme qui a tout sacrifié pour une amitié.
Qui a préféré jouer pour des miettes avec Nathan MacKinnon plutôt que d’encaisser les millions ailleurs. Un homme qui, malgré les embûches, les blessures, les moqueries, est toujours debout.
Jonathan Drouin mérite notre respect. Mais il ne mérite pas qu’on le ramène là où on l’a détruit.
Pas à Montréal.
Pas avec Martin St-Louis.
Pas dans ce cirque.