José Théodore ne pardonnera jamais à Bob Gainey

José Théodore ne pardonnera jamais à Bob Gainey

Par David Garel le 2025-03-05

Le temps passe, mais certaines blessures ne guérissent jamais. 

José Théodore, près de deux décennies après son départ forcé de Montréal, ne pardonne toujours pas à Bob Gainey.

Pour lui, l’ancien directeur général du Canadien a commis une double faute impardonnable : d’abord en l’échangeant à l’Avalanche du Colorado en mars 2006, puis en expédiant Mike Ribeiro aux Stars de Dallas quelques mois plus tard, en échange de Janne Niinimaa, un défenseur qui n’aura été qu’une distraction de passage au sein du Tricolore.

Avec du recul, ces décisions restent l’un des plus grands gaspillages de talent de l’histoire récente du CH. Gainey n’a pas simplement tourné la page sur deux joueurs talentueux.

Il les a sacrifiés au nom des apparences, préférant purger l’équipe d’une image qui ne correspondait pas à son idéal de “joueur exemplaire” plutôt que de capitaliser sur leurs talents. Et ça, Théo ne l’acceptera jamais.

Il ne faut pas chercher trop loin pour comprendre pourquoi Gainey s’est débarrassé de José Théodore et Mike Ribeiro à quelques mois d’intervalle. Leur mode de vie dérangeait.

« Notre façon de nous habiller, de nous comporter, ça n’était pas dans le moule que Bob voulait pour l’équipe. Et on était toujours ensemble », rappelle Théodore.

Les deux Québécois étaient jeunes, flamboyants, charismatiques et n’hésitaient pas à profiter de la vie montréalaise.

Cette étiquette leur a collé à la peau. Les soirées mondaines, les virées entre coéquipiers, la rumeur omniprésente…

En ville, on les associait immédiatement aux fameux “trois amigos”, surnom attribué à Théodore, Ribeiro et Pierre Dagenais.

Un surnom qui, aux yeux du public, les définissait plus que leurs performances sur la glace.

« J’ai joué avec Pierre une saison et demie. Un an et demi en 10 saisons dans l’organisation. Ce n’est pas comme si ça avait duré bien longtemps », tient à préciser Théodore, exaspéré par l’idée qu’on ait réduit leur passage à Montréal à une simple bande de fêtards.

Mais la perception est parfois plus forte que la réalité, et Bob Gainey n’a jamais cherché à casser le mythe. Au contraire, il l’a utilisé comme prétexte pour se débarrasser de joueurs qui ne correspondaient pas à sa vision rigide du leadership.

Si Théodore est amer envers son propre échange, c’est celui de Mike Ribeiro qui l’a le plus marqué.

« Ça, c’était un échange de cul. Surtout quand tu regardes la carrière que Mike a eue par la suite », lâche-t-il, encore irrité par cette décision 19 ans plus tard.

Après son départ de Montréal, Ribeiro a explosé à Dallas. Dès sa deuxième saison avec les Stars, il a connu une saison de 83 points, suivi de campagnes de 78 et 71 points.

Pendant ce temps, le Canadien cherchait désespérément un centre numéro un.

« Pendant que le Canadien se cherchait des joueurs de centre, lui, il jouait à Dallas avec des attaquants de première qualité », rappelle Théodore, soulignant l’absurdité de la situation.

Pire encore, le retour obtenu en échange de Ribeiro n’a strictement rien apporté à l’équipe. Janne Niinimaa n’aura joué que 41 matchs avec le CH avant de disparaître du paysage de la LNH.

C’est ici que l’injustice prend tout son sens. Ribeiro n’a pas été échangé pour des raisons sportives. Ce n’est pas parce qu’il était mauvais, ni parce qu’il ne correspondait pas aux besoins de l’équipe. Il a été sacrifié pour des questions d’image et de réputation.

« Mike, c’était un gars de talent. Il jouait bien. Il n’y avait pas de raison de l’échanger contre Niinimaa », martèle Théodore.

Ribeiro et Théodore ont payé le prix fort pour avoir été jeunes et charismatiques dans un marché où chaque faux pas est amplifié à l’extrême.

« À Montréal, j’ai sauté mon couvre-feu avec Mike deux fois. Et les deux fois, je ne gardais pas les buts le lendemain », tient à préciser Théodore, refusant qu’on le présente comme un joueur irresponsable.

Le problème, c’est que les rumeurs ont pris le dessus sur la réalité. Peu importe leurs performances, ils étaient devenus des distractions aux yeux de Gainey et de l’organisation.

« Je ne dis pas qu’on n’aimait pas sortir et avoir du plaisir, mais ce n’était pas aussi pire que ce que le monde pensait », insiste Théodore.

Et pourtant, ces perceptions ont suffi pour les chasser de la ville.

Le CH n’a jamais rectifié le tir

Aujourd’hui, ce qui rends José Théodore encore plus amer, ce n’est pas seulement d’avoir été échangé. Ce n’est pas seulement d’avoir vu Mike Ribeiro dominer à Dallas alors que le Canadien se cherchait désespérément un centre offensif.

C’est aussi l’oubli total dans lequel l’organisation l’a plongé.

Depuis son départ, le Canadien n’a jamais reconnu son impact. Jamais une cérémonie. Jamais une invitation officielle. Pas même une mention sur l’écran géant du Centre Bell.

« Je n’ai jamais joué pour les honneurs, et je n’en fais pas un drame, mais je me pose la même question », confie Théodore.

Lui qui a remporté un trophée Hart et un trophée Vézina, un exploit que seuls Carey Price et Jacques Plante ont accompli à Montréal. Lui qui a été le visage du club pendant près d’une décennie.

Son nom figure à quelques endroits discrets dans l’aréna, mais en dehors de ça, rien.

« Même avec les anciens du Canadien, à moins que le Canadien ait perdu mon numéro, je n’ai jamais été invité au tournoi de golf de l’équipe. Est-ce que ça me fatigue ? Oui, ça me fatigue un peu. »

Une rancune éternelle contre Bob Gainey

Si José Théodore ne pardonnera jamais à Bob Gainey, c’est parce qu’il est convaincu que tout aurait pu être différent.

Que s’il était resté, il aurait pu écrire un chapitre plus long et plus glorieux avec Montréal.

Que s’il avait eu le soutien de l’organisation, il n’aurait pas eu à reconstruire sa réputation ailleurs.

Que s’il était encore là en 2008, il aurait peut-être eu une chance de mener l’équipe jusqu’au bout, au lieu de voir Carey Price prendre sa place avant d’être lui-même écrasé par le poids des attentes.

Et surtout, il ne digère pas que Ribeiro ait été sacrifié pour rien.

« Ce qui est moins correct, c’est de n’avoir rien obtenu en retour parce qu’on était trop pressé de sauver les apparences et de soigner l’image de la glorieuse concession. »

Bob Gainey a laissé un héritage contrasté à Montréal. Mais pour Théodore, il restera l’homme qui a gâché une décennie de hockey québécois pour des raisons d’image.

Et ça, il ne l’oubliera jamais.