Rien ne va plus pour Josh Anderson.
Il y a des images qui résument une carrière. Pendant le camp d'entraînement, on n’avait pas besoin de chiffres, ni de graphiques d’analystes pour comprendre que Josh Anderson est fini.
Le regard bas, le souffle court, la démarche pesante entre deux exercices, il avait tout du joueur qui sait. Qui sent. Qui réalise que le temps n’est plus de son côté.
Sur la glace, l’entraîneur Adam Nicholas avait organisé un entraînement de reprise féroce, typique de la fin d’été, avec des enchaînements rapides, des transitions violentes, des changements de direction qui brisent les quadriceps.
Les jeunes du Canadien y répondaient avec enthousiasme. Ivan Demidov, tout feu tout flamme, avait encore marqué un but de haute voltige. Cole Caufield trouvait le fond du filet les yeux fermés. Même Kirby Dach, encore convalescent, patinait avec un dynamisme rassurant.
Et puis, il y avait Anderson. À bout de souffle dès les premières séquences. Incapable de maintenir le rythme. Il pompait l’huile, comme on dit dans le jargon du hockey.
Ses appuis manquaient de fluidité, ses accélérations n’existaient plus. Il n’était pas en retard d’une demi-seconde, il était en retard d’une époque.
À 31 ans... il est fini...
La chute du “power forward” qu’on espérait.
Quand il est arrivé à Montréal, Josh Anderson incarnait une promesse. Celle d’un ailier moderne : grand, rapide, physique, capable d’imposer le tempo et d’intimider les défenseurs adverses.
En 2022, Kent Hughes aurait pu l’échanger contre la lune. Sa valeur sur le marché était à son sommet. Plusieurs équipes en séries rêvaient d’un joueur à son image. Anderson aurait pu rapporter un choix de 1ère ronde, un joueur établi et un espoir selon ce qui circulait à l'époque.
Ses séries 2021 avaient été fabuleuses jusqu'à la finale de la Coupe Stanley. Hughes aurait pu frapper un coup de circuit sur le marché des transactions.
Mais le DG du Canadien avait résisté, convaincu qu’Anderson serait un pilier de la reconstruction.
Plus de trois ans plus tard, la promesse s’est évaporée. Anderson n’est plus un “power forward”. Il n’est même plus un joueur d’impact. Il est devenu un plombier surpayé, un contrat encombrant à 5,5 M$ par saison jusqu’en 2027. Et le pire, c’est que sa descente ne semble pas terminée.
On croyait qu’il avait touché le fond l’an dernier, mais non. Cette année, il est encore moins bon. Son cardio trahit son âge, sa vitesse a fondu, son explosivité n’effraie plus personne. Même sa robustesse, jadis sa marque de commerce, paraît forcée.
Sur la glace de Brossard, il n’intimide plus personne. Les jeunes passent devant lui, le contournent, et il n’a plus la réaction d’orgueil d’autrefois. On ne voit plus le joueur qui claquait des vitesses pour aller déranger le gardien. On voit un vétéran qui essaie simplement de tenir debout.
Le Canadien aurait mille raisons de le racheter, mais il ne le fera pas. Par respect. Parce qu’il reste encore deux ans à son contrat et que l’organisation et qu'il peut toujours être un plombier de 4e trio. Anderson finira donc son pacte.
Brendan Gallagher était censé être celui qu’on rachèterait. Pourtant, à la surprise générale, c’est lui qui tient encore debout, et c’est Anderson qui craque.
La réalité est brutale et sans pitié.
Brendan Gallagher, lui, a vieilli. Mais il a vieilli debout. On le croyait fini, brisé, incapable de tenir 82 matchs. Il prouve, encore une fois, que le cœur peut compenser un corps abîmé. Gallagher est lent, oui, mais il reste intelligent. Il joue avec ses limites, pas contre elles. Il sait où aller, comment frapper, quand se replacer.
Josh Anderson, lui, n’a jamais développé ce hockey IQ. À 10 ans, il patine encore comme à 20 : tête baissée, sans lecture du jeu, sans anticipation. Son style est resté brut, prévisible. Et quand le cardio ne suit plus, il n’a rien pour compenser.
C’est là que la comparaison devient cruelle. Il y a un an, si on avait demandé à n’importe quel partisan de choisir entre Gallagher et Anderson, la réponse aurait été unanime : on garde Anderson. Aujourd’hui, le consensus a viré de bord. Gallagher, all the way. Parce que même à bout de souffle, Gallagher comprend encore le jeu. Anderson, lui, ne le lit plus.
Aujourd’hui, il est coincé à Montréal, dans un rôle flou, derrière des ailiers plus rapides, plus jeunes, plus affamés. Anderson, avec ses deux dernières années de contrat, ressemble de plus en plus à un figurant d’un film dont il fut jadis la vedette.
On peut toujours invoquer la fatigue des nouveaux pères, le manque de sommeil, la reprise difficile. Mais la vérité saute aux yeux. Ce n’est pas une question de forme du moment. C’est une question de forme finale.
Le plus troublant dans tout ça, c’est que le groupe avance. Les joueurs arrivent tôt, les jeunes s’entraînent entre eux, la chimie s’installe. L’esprit d’équipe est tangible.
Et au milieu de cette effervescence, Anderson semble déphasé. Il n’est plus le moteur d’énergie qu’il était. Il n’est plus celui qui déclenche le tempo. Il suit, péniblement.
On voit le futur et le passé sur la même glace. Le futur s’appelait Demidov. Le passé, Anderson.
Kent Hughes le sait. Il n’aura pas le choix de composer avec ce contrat jusqu’en 2027. Anderson finira son passage à Montréal comme Gallagher : dans la dignité, mais dans l’ombre. Parce qu’à Montréal, on respecte les soldats. On ne les humilie pas.
Mais le hockey, lui, ne respecte pas le temps. Et le temps, pour Anderson, est déjà écoulé.
On ne voit pas un joueur fatigué. Ils ont vu un joueur à la fin de son cycle. Deux ans de trop. Deux ans qui vont paraître longs.
Et c’est là que le drame sportif prend une tournure presque ironique. Gallagher, le petit ailier de 5 pieds 9 qu’on disait fini, est encore debout. Anderson, le géant de 6 pieds 3, est au sol.
Gallagher, 16e meilleur pointeur de son repêchage 2010, ignoré par 146 équipes avant que le Canadien ne prenne la peine de le choisir, est toujours là, à cracher ses poumons, mais debout. Il avait marqué 41 buts à 17 ans dans la WHL quand personne n’y croyait. Il n’avait ni la taille, ni le tir, ni la vitesse. Mais il avait cette chose que Josh Anderson n’a jamais eue : le sens du moment.
Gallagher, aujourd’hui, vieillit avec fierté. Il comprend que la fin approche, mais il s’en va la tête haute. Anderson, lui, glisse doucement vers une sortie par l’indifférence.
Et si, il y a un an, on se demandait encore qui du duo Gallagher-Anderson serait racheté, la réponse semble désormais ironique. Ce n’est pas Gallagher qu’on devrait avoir peur de voir ralentir. C’est Anderson. Parce que lui, il n’a plus rien à offrir.
Gallagher, malgré les douleurs et les années, reste un symbole. Anderson, malgré le gabarit et le contrat, n’est plus qu’un écho.
Josh Anderson n’est pas un mauvais gars. Il n’a jamais triché sur l’effort. Mais son corps parle. Et la LNH, elle, n’attend personne.
Au rythme où vont les choses, les deux prochaines saisons risquent de paraître interminables.