La saison morte, c’est le moment où les rumeurs deviennent des certitudes pour certains, et des illusions pour d’autres.
Mais ce n’est pas parce que les matchs sont arrêtés que les décisions, elles, cessent d’être prises.
Et dans le cas de Kirby Dach, la décision semble avoir été prise sans tambour ni trompette : le centre, ce n’est plus lui.
Il faut se souvenir que Kirby Dach s’est déchiré les ligaments croisés du genou dès le début de la saison 2023-2024.
Une blessure brutale, survenue à peine quelques matchs après le début de la campagne, qui a mis fin à sa saison avant même qu’elle commence réellement.
À ce moment-là, il était vu comme le deuxième centre de l’avenir, celui qui allait épauler Suzuki pour les années à venir.
Et comme si ce cauchemar n’était pas terminé, le 28 février 2025, le Canadien a annoncé une nouvelle chirurgie au même genou droite .
Il s’agissait de la deuxième opération après que Dach eut déchiré l’ACL et le MCL au même genou dès son deuxième match de la saison 2023‑2024 .
Une rechute qui confirme qu’il ne s’agissait pas d’un pépin isolé, mais bien d’un cas orthopédique sérieux, remettant en question la réelle capacité de Dach à revenir durablement dans une position exigeante.
Son absence a laissé un trou béant dans l’alignement du CH, forçant Martin St-Louis à jongler avec les lignes, à tester des solutions temporaires qui n’ont jamais tenu la route. Ça a tout changé.
Cette semaine, Kirby Dach a été aperçu patinant au complexe sportif de Brossard, en compagnie d’Ivan Demidov.
Une simple session d’entraînement, mais une image forte.
Deux grands talents sur la même glace, réunis loin des projecteurs, mais pas à l’abri des spéculations.
Car ce que cette scène a vraiment déclenché, c’est une prise de conscience : et si le Canadien cessait une fois pour toutes de s’obstiner à faire de Dach un centre?
À Chicago, les journalistes locaux ne mâchaient pas leurs mots.
Kirby Dach, disaient-ils, n’avait jamais vraiment démontré la prise de décisions rapide et la constance nécessaires pour pivoter une ligne dans la LNH.
On soulignait son talent, sa taille, mais aussi ses hésitations en zone neutre et ses lacunes au cercle des mises au jeu.
Dans un article du Chicago Sun-Times, on lisait même qu’il avait « le physique d’un centre élite, mais la mentalité d’un ailier pur ».
Ce genre de constat, à l’époque, avait été balayé du revers de la main à Montréal. Mais aujourd’hui, force est d’admettre qu’ils n’avaient peut-être pas tort.
L’organisation a tenté, de toutes les manières possibles, de faire de Dach un pivot.
On l’a placé à toutes les sauces, dans toutes les situations.
Mais les meilleurs moments de Kirby Dach avec le Canadien de Montréal, ceux qui ont fait vibrer les partisans, se sont produits lorsqu’il évoluait à l’aile, notamment aux côtés de Suzuki et Caufield.
Cette ligne n’a pas duré longtemps, mais elle a été brillante.
On se souvient notamment d’un match contre les Blues de Saint-Louis, en novembre 2022, où cette ligne avait été tout simplement dominante.
Suzuki dictait le tempo, Caufield décochait des tirs meurtriers, et Dach faisait le sale boulot le long des bandes, protégeant la rondelle comme un pro. Ils avaient combiné pour sept points ce soir-là, et les fans rêvaient déjà d’un premier trio d’élite.
C’est ce genre d’échantillon qui avait convaincu Hughes et St-Louis qu’il y avait un fit naturel, mais ce succès était davantage lié à la complémentarité de Dach comme ailier de puissance, et non comme distributeur de jeu au centre.
Kirby Dach mesure 6 pieds 4. Il est costaud, capable d’encaisser et de distribuer des mises en échec, excellent pour garder la rondelle le long des rampes.
Mais dès qu’on lui demande de jouer en repli, de dominer le cercle des mises au jeu, ou d’animer la transition entre la défensive et l’attaque… il devient ordinaire.
Et un joueur de ce gabarit, de ce talent, n’a pas le droit d’être ordinaire.
À l’aile, Dach se transforme. Il entre en zone avec vitesse et puissance, garde la rondelle collée à sa palette, impose sa présence physique et ouvre des lignes de passe à ses coéquipiers.
Il est exceptionnel dans les transitions. Il force les défenseurs à reculer.
Il est ce genre de joueur qui fait lever les foules quand il entre en possession dans la zone offensive.
Et surtout, à l’aile, il est libéré des responsabilités défensives écrasantes qui viennent avec le rôle de centre. Il pense attaque. Il pense création. Et ça, c’est ce qu’on veut de lui.
Et ce qu’on a vu à Brossard l’autre jour, ce n’était pas un centre en réhabilitation. C’était un ailier prêt à retrouver sa place.
Et juste à côté de lui, il y avait Ivan Demidov. Deux ailiers d’élite. Deux créateurs. Deux joueurs spectaculaires. Mais toujours aucun centre pour les encadrer.
C’est là que la question redevient urgente : qui sera ce centre?
Le magasinage est en cours. On parle de Mason McTavish à Anaheim, de Matty Beniers à Seattle, de Ryan Strome, aussi à Anaheim.
Le Canadien est à la recherche d’un joueur capable de prendre cette chaise, pas de la louer.
Un gaucher, idéalement, avec de l’expérience. Un vrai meneur de jeu. Parce que le CH ne peut pas se permettre de gaspiller le talent de Demidov et Dach en les forçant à porter le jeu sur leurs épaules.
Dach, en santé, à l’aile, c’est une solution. C’est même une très bonne nouvelle. Mais ce n’est pas suffisant. Le problème du centre demeure.
Et la pire chose que pourrait faire l’organisation, ce serait de revenir en arrière.
De dire : « Bon, il est guéri, on va le remettre au centre et voir si ça fonctionne. »
Non. Ça ne fonctionne pas. Ça n’a jamais vraiment fonctionné. Il faut assumer que le projet a échoué. Et transformer cet échec en force.
Dach est un ailier. Un excellent ailier. Et il pourrait devenir un joueur élite à cette position. Mais pas si on continue à le briser en essayant de le faire entrer dans un moule qui ne lui convient pas.
Ce que l’organisation doit faire maintenant, c’est s’asseoir avec lui et lui dire la vérité. Pas une demi-vérité. Pas un discours flou. La vérité : « On veut que tu joues à l’aile. On va te trouver un centre. Et tu vas pouvoir dominer avec Demidov. »
Évidemment, les puristes vont hurler. Ils vont dire : « Ok, mais t’as Dach et Demidov sur une ligne… ça veut dire que Patrik Laine saute? »
Ben oui. Il saute. Comme en séries.
À cinq contre cinq, Laine s’est auto-éjecté du top 6. Il est devenu un joueur d’avantage numérique.
Le reste du temps, tu le fais jouer avec Jake Evans, avec Bolduc, peu importe.
Mais tu ne lui donnes plus les clés du salon. Tu ne le mets pas avec Demidov. Tu ne le mets pas avec Dach. Il va leur pourrir la vie.
Ce gars-là est un sniper, pas un moteur.
Dach à l’aile. Demidov à l’aile. Et au centre : un vrai cerveau. Un pilote d’expérience. Quelqu’un qui pense avant de tirer.
Voilà la recette. Voilà pourquoi Laine doit apprendre à attendre son shift.
À un certain moment, il faut arrêter d’attendre.
À Montréal, cela fait des années que l’on vit avec des promesses. Que l’on repousse le vrai projet à l’an prochain.
Que l’on parle de patience et de développement. Mais la patience a ses limites. Et ces limites ont été atteintes.
Les partisans veulent une vraie équipe. Une équipe crédible. Une équipe qui peut rivaliser. Pas dans trois ans. Pas en 2028. Maintenant.
Et ça passe par une structure claire. Suzuki comme premier pivot.
Un nouveau centre d’expérience pour la deuxième ligne.
Et Kirby Dach à l’aile, là où il est à son meilleur.
Le Canadien n’est pas un centre de réhabilitation. Ni pour les blessés, ni pour les joueurs perdus dans leur position. L’heure est à la performance.
Ce que les images de Brossard ont montré, ce n’est pas un retour discret. C’est une déclaration silencieuse. Kirby Dach a l’air prêt. Et le CH a l’air d’avoir enfin compris où il doit jouer.
Mais cette vérité-là, il fallait la dire.
Parce qu’assez, c’est assez.
AMEN