La colère de Pierre-Karl Péladeau envers Geoff Molson: fracture médiatique

La colère de Pierre-Karl Péladeau envers Geoff Molson: fracture médiatique

Par David Garel le 2024-08-12

Pierre-Karl Péladeau, la figure numéro un du paysage médiatique québécois et PDG de Québecor, s'est toujours illustré par son opposition farouche aux monopoles, notamment ceux contrôlés par Bell et RDS.

Son combat contre ces géants du secteur des télécommunications et de la diffusion a marqué plusieurs décennies et l'a conduit à prendre des décisions culottées, parfois même risquées, pour tenter de briser ce qu'il considérait comme une domination injuste.

En 2013, Péladeau s'est attaqué au monopole de RDS, une filiale de Bell, dans le domaine de la diffusion sportive.

Insatisfait de la situation où RDS détenait les droits exclusifs sur plusieurs événements sportifs majeurs, et surtout le Canadien de Montréal, merci à Geoff Molson et son meilleur ami Bell, Péladeau a fait un pari audacieux en investissant massivement dans TVA Sports, déboursant 720 millions de dollars pour acquérir les droits de diffusion de la LNH.

Cet investissement visait à briser la position dominante de RDS et à offrir une alternative compétitive aux amateurs de sports.

Malheureusement, cet effort gigantesque n'a pas eu les résultats escomptés. En près de dix ans, TVA Sports a accumulé des pertes de 242 millions de dollars, un coup dur pour Québecor et son PDG, mais aussi un symbole de la difficulté de renverser un monopole solidement ancré, surtout que Bell et le Canadien de Montréal sont en fait la même entité.

Parallèlement, Péladeau n'a jamais cessé de critiquer Bell, accusant le géant des télécommunications de maintenir son monopole par tous les moyens possibles, notamment dans le domaine de la distribution de la fibre optique.

Selon Péladeau, Bell utilise des pratiques tarifaires et des stratégies d'exclusion pour décourager la concurrence, rendant pratiquement impossible la survie d'autres entreprises dans les régions où Bell contrôle le réseau.

Cette situation a notamment compliqué les ambitions de Vidéotron, une autre filiale de Québecor, qui cherchait à s'étendre davantage sur le marché canadien.

Lors d'une récente audience publique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), Péladeau est revenu à la charge, dénonçant une fois de plus les pratiques de Bell.

Il a accusé l'entreprise de gonfler les prix d'accès à son réseau de fibre optique de manière déraisonnable, rendant la compétition injuste pour les autres acteurs du marché.

Bien que le CRTC ait imposé à Bell et Telus de fournir un accès à leurs réseaux de fibre optique à leurs concurrents dans un délai de six mois, une décision saluée par Péladeau, Bell a contesté cette mesure devant la Cour fédérale.

La bataille entre Bell et Québecor n'est plus le seul combat de Péladeau. Il s'est également étendue au domaine radiophonique.

Péladeau, jamais à court de stratégies pour contourner les obstacles, a récemment annoncé son intention de briser le monopole du 98,5 FM, une station appartenant à Cogeco, en introduisant le contenu de Qub Radio sur les ondes du 99,5 FM, propriété de Leclerc Communication.

Cette manœuvre astucieuse, voire déloyale, permet à Péladeau d'entrer sur le marché de la radio parlée sans pour autant posséder directement une station, évitant ainsi les restrictions imposées par le CRTC.

En diffusant les émissions de Qub Radio, une plateforme numérique de Québecor, sur le 99,5 FM, Péladeau espère créer une alternative crédible au 98,5 FM, dominant jusqu'ici le marché montréalais.

Cette alliance entre Leclerc Communication et Québecor, mêne si elle est remplie d'espoirs, suscite des questions quant à la légalité et à la durabilité de l'accord, surtout en regard des précédents conflits avec le CRTC.

Toutefois, Péladeau reste confiant dans la capacité de cette collaboration à répondre aux attentes réglementaires tout en offrant aux auditeurs un contenu pertinent et diversifié.

Pierre-Karl Péladeau continue de se battre contre les monopoles qu'il considère nuisibles à la diversité et à la compétition dans les secteurs où il opère.

Que ce soit dans le domaine du sport, des télécommunications ou de la radio, son engagement à déstabiliser les positions dominantes de ses concurrents reste intact, même si ses initiatives se heurtent parfois à des défis financiers et réglementaires.

Mais pour Péladeau, la lutte contre les monopoles semble être autant une question de principe qu'une stratégie d'affaires, une caractéristique qui le distingue dans le paysage médiatique québécois.

Malgré les nombreuses batailles qu'il a menées contre les monopoles, Pierre-Karl Péladeau n'est pas étranger aux critiques.

On l'accuse souvent d'utiliser les mêmes pratiques qu'il dénonce chez ses concurrents. Par exemple, il n'a jamais caché son mécontentement face à Geoff Molson, propriétaire du Canadien de Montréal, qu'il accuse de vouloir conserver un monopole sur le hockey au Québec en s'opposant au retour des Nordiques à Québec.

Cette position a créé de vives réactions, Péladeau étant perçu comme quelqu'un qui, tout en dénonçant les monopoles, cherche lui-même à en créer un à travers son empire médiatique.

Plus récemment, Péladeau a tourné son attention vers le marché radiophonique, cherchant à s'imposer face à Cogeco, qui détient la station 98,5 FM, largement dominante à Montréal.

Par l'entremise de Qub Radio, il ne respecte pas les règles imposées par le CRTC. En effet, alors que le CRTC lui refusait la possibilité de posséder une station de radio en raison de son contrôle sur TVA et le Journal de Montréal, Péladeau a réussi à faire diffuser le contenu de Qub Radio sur les ondes du 99,5 FM, station appartenant à Leclerc Communication.

Le CRTC ne voulait pas que Péladeau détienne un réseau télé, écrit et radiophonique car cela aurait voulu dire qu'il détenait...un monopole...

Paradoxe quand tu nous tiens...

Le repositionnement du 99,5 FM en tant que station de radio parlée avec une programmation riche en opinions et en débats marque un tournant pour la chaîne, qui jusque-là était plus axée sur la musique.

Avec des personnalités bien connues telles que Mario Dumont, Benoît Dutrizac, et Richard Martineau, le 99,5 FM espère «briser le monopole instauré par les radios parlées du 98,5 FM et de la Première chaîne de Radio-Canada», selon les mots de Benoit Simard, directeur du 99,5 FM.

La nouvelle grille horaire, qui entrera en vigueur le 26 août, est conçue pour capter l'attention d'un public à la recherche de contenu engagé et pertinent.

Mario Dumont, qui animera l'émission du matin de 6 h à 9 h, en compétition directe avec Patrick Lagacé au 98,5 FM, a mis l'emphase sur l'importance de diversifier l'offre médiatique à Montréal :

«La diversité des opinions à la radio, je pense que c’est important. On est là aussi pour offrir une alternative. Le 98,5 FM, c’était comme un monopole.»

Et Quebecor, c'est quoi...si ce n'est un monopole?

L'arrivée de Qub Radio sur les ondes du 99,5 FM a été perçue par certains comme une tentative de Péladeau pour contourner les règles du CRTC, un acte qui illustre bien la nature combative du PDG de Québecor.

Il n'hésite pas à employer des méthodes controversées pour atteindre ses objectifs, tout en critiquant ceux qui utilisent des stratégies similaires.

«Pour ce qui est du CRTC, nous sommes très confiants chez Leclerc Communications que nous allons respecter nos obligations règlementaires et nos conditions de licence», a déclaré Nicolas Leclerc, vice-président de Leclerc Communication, en réponse aux interrogations concernant la légalité de cette alliance.

Cette stratégie est typique de Péladeau, qui, tout en accusant ses rivaux de pratiques monopolistiques, n'hésite pas à user de toutes les ressources à sa disposition pour consolider son propre empire.

Cela est particulièrement évident dans sa lutte contre Bell, où il accuse le géant des télécommunications de vouloir «protéger son quasi-monopole» sur la distribution de la fibre optique et de faire "copain-copain" avec Geoff Molson pour maximiser les revenus sur le Canadien de Montréal, alors que TVA Sports ne ramasse que les miettes.

RDS (Bell) a investi moins que TVA Sports et au final, a obtenu 60 matchs du CH, comparativement à 22 pour TVA Sports. Dans la tête de Péladeau, c'est encore grâce au lien Bell-Molson qu'il s'est fait avoir.

Pourtant, cette accusation pourrait tout aussi bien s'appliquer aux manœuvres de Péladeau pour dominer le marché médiatique québécois.

La deuxième phase du combat de Pierre-Karl Péladeau contre les monopoles montre un homme déterminé à contourner les obstacles réglementaires pour imposer sa vision du marché.

Sa capacité à naviguer dans les complexités des lois tout en critiquant les autres pour des pratiques similaires révèle une stratégie qui est aussi habile que contestable.

Mais pour Péladeau, la fin justifie toujours les moyens, surtout lorsqu'il s'agit de défendre ce qu'il perçoit comme l'intérêt public face à des géants qu'il considère abusifs.

Prochaine étape: ramener les Nordiques de Québec...pour briser le monopole de Geoff Molson. Parions que les matchs seront diffusés sur TVA Sports...et Qub Radio...