La fin de TVA programmée: Réjean Tremblay lance un signal d'alarme

La fin de TVA programmée: Réjean Tremblay lance un signal d'alarme

Par David Garel le 2025-05-14

Dans les couloirs de TVA, le mot est lâché à voix basse. La fin approche. Plus personne ne le nie. Ce n’est plus un murmure, c’est un frisson collectif qui traverse les corridors du jadis géant médiatique.

L’action du Groupe TVA a touché le fond, jusqu’à 45 sous. Même les plus fidèles ne savent plus quoi répondre. Pierre Karl Péladeau, d’ordinaire fier et combatif, a changé de ton.

À l’assemblée des actionnaires, il ne l’a pas dit mot pour mot, mais tout le monde a compris : TVA Sports, c’est fini. Ce n’est plus une hypothèse, c’est une date d'expiration qui plane sur l’écran.

Et cette hécatombe dépasse largement le sport. C’est tout le projet TVA qui s’effondre, un projet que Péladeau croyait immortel, mais que le marché vient de condamner.

C’est une phrase qui a traversé la pièce comme un vent glacial. Pierre Karl Péladeau, au micro de l’assemblée annuelle des actionnaires de TVA, a déclaré, l’air sec, presque fataliste :

« Il ne faudrait pas s’étonner que TVA Sports cesse ses activités. »

Il a juste laissé tomber la phrase. Comme on prononce une condamnation. Et cette fois, personne ne viendra suspendre l’exécution.

Il aurait très bien pu nommer TVA au grand complet, mais TVA Sports est le parfait "premier sacrifice" qui va amener la vraie tempête.

Après plus de 230 millions de pertes accumulées, TVA Sports est devenu un poids mort. L’accord de 11 milliards signé entre Rogers et la LNH jusqu’en 2038 est venu planter le dernier clou. TVA Sports n’a plus les moyens de suivre. Le rêve est terminé. Et l’échéance n’a jamais été aussi claire : été 2026. Fin de la licence. Fin de l’illusion. Fin de la chaîne.

Le pire, c’est que Pierre Karl Péladeau prépare déjà les esprits. Il fait ce que tout dirigeant fait quand la médecine devient inévitable : il adoucit la pilule. Il sort les chiffres, il sort le latin, il brandit le « Don’t throw good money after bad » comme on agite un drapeau blanc. (ces propos énoncés par Péladeau ont choqué les actionnaires).

Il sait. Nous savons. Le décompte a commencé.

Mais derrière les bilans financiers, derrière la froideur des chiffres, il y a des humains. Des visages. Des voix. Des histoires.

Il y a une station qui aura tenté, malgré tout, de bousculer un ordre établi. Il y a des milliers d’heures de hockey, peu de moments inoubliables, mais il y a surtout des ratés, des maladresses, des choix douteux. Reste qu'il y a eu un effort sincère de rendre le hockey accessible en français, autrement.

Et c’est là que les mots de Réjean Tremblay prennent tout leur poids.

« Ne vous demandez pas si j’aime la télévision francophone au pays. J’y ai contribué : Lance et Compte, Scoop, Casino, Miséricorde, Le Masque, Les Jeunes Loups… »

Cette énumération, ce n’est pas un inventaire. C’est un testament. Le témoignage d’un homme qui voit, impuissant, l’effondrement d’une cathédrale culturelle qu’il a contribué à bâtir.

Voici ses propos qui nous transpercent le coeur:

"45 cents. Toutes les actions offertes au public de Groupe TVA réunies donnent une valeur d’environ 20 millions. Il faut évidemment ajouter à cette somme les actions détenues par Québecor qui contrôle Groupe TVA.

En fait, la valeur comptable de l’entreprise vaut beaucoup plus que la valeur boursière. Le signal est extrêmement fort. Les investisseurs n’ont absolument plus confiance dans ces médias traditionnels.

La conclusion? Les grandes entreprises internationales de streaming, les DAZN, Netflix, Amazon, Disney, Apple TV, Paramount, Peacock et les autres passent la gratte. Ne reste plus que des grenailles pour les médias traditionnels." (crédit: Punching Grace)

Et en lisant les mots pleins d’amertume et de lucidité de Réjean Tremblay, qu’il a livrés sur Punching Grace, on ne peut s’empêcher de se poser la question qui tue : est-ce aussi la fin pour TVA, point final?

Pas juste TVA Sports. Pas juste MELS. Pas juste les magazines. Non. Le vrai TVA. Celui qui a forgé l’imaginaire québécois pendant des décennies.

Celui de Lance et compte "Nouvelle Génération", celui de Céline Dion, celui de Michel Jasmin, de Pierre Bruneau, de la télévision de grand-maman et des rendez-vous nationaux. Tremblay ne l’a pas dit dans ces mots exacts, mais son regard, sa voix, son désespoir trahissent tout : il sait que quelque chose de profond se meurt. Et ce n’est pas juste un réseau. C’est une époque.

La fin de TVA serait un coup de hache dans le coeur même de la télévision francophone.

Car TVA, c’est aussi Télémétropole. C’est Claude Blanchard et Dominique Michel. C’est Jean Lapointe et Denise Filiatrault. C’est cette époque où la télé, même commerciale, était une affaire de passion. Aujourd’hui, tout est boursier. Tout est comptable. Et les 45 cents que vaut l’action de Groupe TVA ce matin symbolisent tout : le désintérêt des investisseurs pour une culture qu’ils ne comprennent plus.

Car oui, l’échec de TVA Sports, c’est aussi celui d’un modèle médiatique. Celui qui pensait pouvoir rivaliser avec Sportsnet en jetant de l’argent à pleines pelletées, sans jamais remettre en question ses fondations.

On a engraisser des ténors de l’antenne, on a construit une structure hypertrophiée et surtout hyper-salariée, on a fait des paris sur des studios et des droits, sur des supposés vedettes déchues à la Jean-Charles Lajoie, et on s’est retrouvé piégé dans un modèle insoutenable.

Mais voir TVA s'enfoncer ne peut pas s'expliquer aussi facilement. TVA Sports est un échec. Mais TVA était une institution québécoise.

Aujourd’hui, on parle de coupes. On murmure des départs. On regarde les bulletins de paie. Et on se rend compte qu’il faudra dégraisser. Non pas par méchanceté. Par survie. Parce que TVA ne peut plus payer à tout le monde un salaire de vedette dans une industrie de la misère.

Ceux qui pensent encore que la fin de TVA Sports est une simple restructuration du Groupe TVA ne voient pas la forêt derrière l’arbre.

C’est tout le modèle qui s’écroule. Et dans ce grand naufrage, il y aura des victimes innocentes. Des caméramans. Des réalisateurs. Des recherchistes. Des techniciens. Des passionnés.

Mais une chose est certaine : la culture francophone en sortira affaiblie. Et quand on demandera à nos petits-enfants quelles émissions francophones ils écoutent, on risque d'avoir le coeur brisé.

Mais tant que des voix comme celle de Réjean Tremblay continueront de résonner, tant qu’on se souviendra que la télévision francophone, c’est aussi notre miroir collectif, alors rien n’est perdu. Mais pour l’instant, tout est à reconstruire. Et pour reconstruire, il faut d’abord accepter de pleurer ce qu’on a perdu.

Le glas a sonné pour TVA Sports. Mais l’écho qui en résonne doit servir d’avertissement pour TVA. Il n’y aura pas de deuxième chance.

TVA, c’était peut-être imparfait. C’était peut-être bancal. Mais c’était à nous. Et bientôt, ce ne le sera plus.