La fin de TVA Sports confirmée: un document révèle tout

La fin de TVA Sports confirmée: un document révèle tout

Par David Garel le 2025-08-13

C’est un chiffre qui, à lui seul, vaut une bombe médiatique au Québec.

9,9 %. Ce n’est pas le taux d’écoute d’une émission de fin de soirée, ni la cote d’amour d’un politicien. C’est la proportion de Québécois de 15 à 29 ans qui, selon la toute dernière Enquête québécoise sur les loisirs culturels et le divertissement de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), regardent un match ou une émission de sport « tous les jours, ou presque », toutes plateformes confondues. Moins d’un jeune sur dix.

C’est minuscule. Et pour le patron de TVA Sports, c’est une claque magistrale en plein visage.

Alexandre Pratt, de La Presse, qui a trouvé ce chiffre malsain dans le rapport, affirme que c'est aussi une gifle pour  RDS et même le Canadien, les Alouettes, le CF Montréal ou la Victoire. 

Mais cet effondrement générationnel va affecter TVA Sports en premier vu que la chaîne est sur le respirateur artificiel au moment où l'on se parle.

Cette nouvelle enquête vient de clouer le dernier cercueil dans la station sportive.

Pour TVA Sports, ce chiffre est plus qu’une mauvaise nouvelle : c’est la confirmation que la décision de Pierre Karl Péladeau, annoncée en mai dernier, de ne pas se lancer dans une nouvelle bataille pour obtenir les droits francophones du Canadien de Montréal et de la LNH après 2026, était non seulement rationnelle, mais inévitable.

Depuis la signature de l’entente de 12 ans avec Rogers en 2014, le réseau de Québecor a accumulé entre 230 et 300 millions de dollars de pertes.

Une saignée financière qui s’explique autant par les cotes d’écoute décevantes que par le coût exorbitant des droits, alors même que le Canadien traversait une longue reconstruction sportive.

Péladeau l’avait dit, sans détour : TVA Sports n’a plus les reins assez solides pour supporter un tel fardeau financier.

Ce n’était pas une déclaration d’impuissance, mais un constat lucide. Et aujourd’hui, l’ISQ lui donne raison sur toute la ligne. Car même si le Canadien redevient compétitif dans les prochaines années, l’écosystème médiatique qui l’entoure ne ressemble en rien à celui de 2014.

Dans les années 1999 à 2014, les sondages gouvernementaux montraient que les jeunes étaient le groupe le plus fidèle aux émissions sportives.

Mais la dernière décennie a été fatale à cette habitude. La montée des réseaux sociaux, des plateformes de vidéo à la demande et de l’hyperfragmentation de l’offre culturelle a détourné la génération Z des longues retransmissions sportives.

« Les Z ont des attentes élevées en matière de divertissement », prévenait la firme Nielsen dès 2019.

Ils ne veulent plus rester trois heures devant un écran pour voir un match complet. Ils veulent des extraits, des compilations, du contenu court et percutant.

L’ISQ confirme cette tendance : les jeunes sont friands des courtes vidéos, comme les reels sur Instagram.

Aux États-Unis, seulement un quart des membres de la génération Z trouvent « important » de regarder un match à heure fixe.

C’est presque deux fois moins que dans les autres groupes d’âge. Au Québec, la proportion de 9,9 % d’auditeurs quotidiens dans cette tranche d’âge est la preuve que le phénomène est déjà bien installé.

Pour un diffuseur comme TVA Sports, dont le modèle repose sur l’achat de droits extrêmement coûteux et la vente de publicité pendant les matchs, cette mutation des habitudes est un cauchemar.

Si les jeunes ne regardent que quelques secondes d’un match, ils ne voient pas les publicités. Et si les annonceurs savent que leur message n’atteint pas la clientèle convoitée, ils investissent moins.

L’exemple d’ESPN, qui a demandé au baseball majeur de réduire ses droits avant de mettre fin à leur collaboration, est révélateur. Les diffuseurs reculent, non pas par manque d’intérêt pour le sport, mais par simple logique économique.

Pour TVA Sports, qui n’a pas le luxe d’être intégré à un partenariat stratégique avec le Canadien comme RDS et Bell Média, le calcul est encore plus brutal.

RDS bénéficie d’un effet de cross-branding puissant : le réseau et l’équipe travaillent presque main dans la main, avec des synergies de contenu et de marketing qui réduisent les risques financiers. TVA Sports, lui, est isolé.

Rogers a confirmé en avril que le diffuseur national de la LNH au Canada resterait… Rogers, et ce jusqu’en 2038. Mais il reste une inconnue majeure : qui produira les matchs en français à partir de 2026 ?

L’entente actuelle de 12 ans avec TVA Sports arrive à son terme à la fin de la saison 2025-2026, et Québecor ne sera pas dans la course.

Cela laisse le champ libre à RDS, à Crave (la plateforme de Bell), mais aussi à de nouveaux acteurs comme Amazon Prime ou Apple.

L’entrée en scène potentielle d’Apple, via sa division médias, est loin d’être anodine. Ce géant n'a jamais eu peur d’investir massivement dans le sport, comme on l’a vu avec la MLS.

Mais à quel prix ? L’entente Rogers-LNH pour 2026-2038 va coûter 11 milliards de dollars. La sous-licence francophone va coûter la lune. Même pour un géant comme Bell, c’est un engagement lourd.

Si on reprend les chiffres exacts, TVA Sports avait déboursé environ 720 millions $ pour sa sous-licence 2014-2026, à partir du contrat national de 5,2 milliards $ que Rogers avait signé avec la LNH.

Ça représentait déjà une catastrophe massive sur les finances de Québecor, un pari que Pierre Karl Péladeau a fini par payer très cher.

Or, le nouveau pacte 2026-2038 entre Rogers et la LNH de 11 milliards $ est le double du précédent. En conservant le même rapport qu’en 2014, la facture pour les droits francophones grimperait mécaniquement à environ 1,52 milliard $ sur 12 ans.

C’est une augmentation d’environ 800 millions $, sans même tenir compte de l’inflation des coûts de production, des pertes publicitaires causées par l’érosion des cotes d’écoute et du désintérêt documenté de la génération Z.

Au bout du compte, ce sont les amateurs qui risquent de payer la facture. Dans un scénario où RDS décrocherait la production, mais où Amazon et Apple rafleraient certaines diffusions exclusives, le consommateur devrait multiplier les abonnements : un à RDS ou Crave, un autre à Amazon Prime, peut-être un troisième à Apple TV+. Sans oublier le coût du câble ou de l’internet haut débit.

Cette fragmentation de l’offre, déjà visible dans les séries télé et le cinéma, s’installe désormais dans le sport. Et contrairement à l’époque où un seul abonnement au câble donnait accès à tous les matchs, l’amateur devra jongler avec plusieurs plateformes, plusieurs interfaces… et plusieurs factures.

Le sondage de l’ISQ est un signal d’alarme non seulement pour les diffuseurs, mais aussi pour les ligues et les clubs.

Le Canadien de Montréal, qui reste la marque sportive la plus puissante au Québec, ne peut ignorer que la relève de ses partisans ne consomme plus le hockey comme avant.

Si la Ligue nationale et ses partenaires n’adaptent pas leur produit, le risque est réel de voir un effondrement progressif du bassin de fans. Et pas seulement à Montréal : ce phénomène est mondial.

On pourra reprocher à Pierre Karl Péladeau bien des choses, mais pas de manquer de lucidité. En se retirant de la course aux droits du Canadien, il évite à Québecor une hémorragie financière qui aurait pu menacer l’ensemble du groupe.

Ce retrait ne signe pas seulement la fin d’une époque pour TVA Sports : il symbolise un changement de paradigme dans la diffusion sportive au Québec.

Les chiffres de l’ISQ montrent que le public jeune n’est plus au rendez-vous des matchs en direct. Les coûts des droits explosent. Les nouveaux acteurs du web avancent leurs pions. Dans ce contexte, continuer à surenchérir aurait relevé du suicide économique.

Et pour les amateurs, la réalité est tout aussi dure : l’ère du « tout inclus » est révolue. Le sport professionnel en français va entrer dans une ère de fragmentation, où chaque événement majeur pourra être derrière un abonnement différent.

Le vrai perdant, c’est le partisan qui, pour suivre son équipe, devra sortir la carte de crédit plusieurs fois par mois.

Dans ce contexte, maintenir TVA Sports dans la course serait de la pure folie financière.

Péladeau l’a compris : ce n’est pas seulement une question de fierté ou de prestige, c’est de la survie corporative. Et la seule conclusion possible, aussi brutale soit-elle, c’est que le document révélant la décision de Québecor ne fait que confirmer la fin de TVA Sports telle qu’on l’a connue.

Les projecteurs vont s’éteindre, et cette fois-ci, ils ne se rallumeront pas.