Jean-Charles Lajoie le dit haut et fort : le fantôme de Marc Bergevin continue de hanter les corridors du Centre Bell.
Bien que Kent Hughes et Jeff Gorton aient pris les rênes de l’équipe il y a près de trois ans, l’ombre de l’ancien directeur général est omniprésente, et certains partisans en viennent à regretter le style audacieux, voire impulsif, de Bergevin.
Dans une ville où le hockey est bien plus qu’un simple sport, Lajoie se demande s’il ne serait pas préférable que Bergevin soit encore aux commandes.
L’été 2021 restera gravé dans la mémoire des fans du Canadien de Montréal. En pleine pandémie, avec un contexte unique où les partisans au Canada ne pouvaient qu’observer à distance, Bergevin a pris des décisions qui allaient transformer la saison en une épopée inattendue.
Avec son flair et sa capacité à saisir les opportunités, il a su profiter de l’incertitude du moment.
Conscient que les jours de Shea Weber et Carey Price étaient comptés, il a accumulé des vétérans au caractère bien trempé pour renforcer l’équipe.
Corey Perry, Tyler Toffoli, Jake Allen, Josh Anderson, Joel Edmundson et Eric Staal sont venus se joindre au groupe pour créer un mélange explosif.
Les résultats ont suivi. Après un début de saison horrible et un changement d’entraîneur avec le départ de Claude Julien, le Canadien est entré en séries éliminatoires par la petite porte.
Malgré une situation difficile contre les Maple Leafs en première ronde, les vétérans se sont levés pour mener une remontée incroyable, et l’équipe a atteint la finale de la Coupe Stanley.
Ce parcours a été une bouffée d’air frais pour les fans, confinés et en quête de réconfort en pleine crise sanitaire. Pour beaucoup, cette saison-là reste l’un des moments les plus palpitants des dernières années.
La saison 2021-2022 a toutefois été marquée par un brutal retour à la réalité. Geoff Molson, en désaccord avec Bergevin sur son avenir, a décidé de tourner la page en embauchant Jeff Gorton et Kent Hughes pour amorcer une reconstruction.
Le duo Hughes-Gorton a pris le relais, plaçant de nouveaux pions et engageant Martin St-Louis pour insuffler une nouvelle philosophie à l’équipe.
Le mot « reconstruction » a enfin été prononcé publiquement, et les espoirs d’un renouveau se sont installés.
Nous en sommes maintenant à la troisième saison du « grand plan » de Hughes et Gorton, et les résultats peinent à convaincre.
Après un léger progrès l’an passé, les Canadiens ont enregistré un inquiétant recul cette saison, avec seulement quatre victoires après 14 matchs.
À ce rythme, Montréal pourrait accumuler à peine 59 points d’ici la fin de la saison, bien loin des ambitions de progression affichées au départ.
Lajoie n’est pas le seul à regretter l’audace de Marc Bergevin. À l’époque, le directeur général n’avait pas peur de prendre des décisions risquées, de dépenser pour ajouter des vétérans d’expérience, et de faire des mouvements qui, s’ils étaient parfois controversés, amenaient une énergie et une intensité que l’on peine à retrouver aujourd’hui.
Bergevin n’hésitait pas à faire des sacrifices pour tenter de gagner ici et maintenant, même si cela signifiait prendre des risques à long terme.
Cette vision « tout pour le moment présent » a certes ses défauts, mais elle avait le mérite d’inspirer les partisans, de leur donner quelque chose de concret à espérer, même au milieu des incertitudes.
Aujourd’hui, Hughes et Gorton parlent de patience et de développement, des concepts nobles mais qui, pour de nombreux partisans, manquent de la flamme que Bergevin apportait.
Alors que l’équipe semble stagner, même régresser, certains se demandent si cette approche prudente n’est pas en train de transformer le Canadien en une équipe fade, sans l’identité forte qui la caractérisait sous Bergevin.
Loin d’être un simple retour en arrière, les comparaisons avec Bergevin reflètent une frustration palpable dans la fanbase. En dépit des discours sur le développement et la patience, l’équipe peine à afficher des signes de progrès réels. Avec un dossier de 79-108-28 depuis l’arrivée de St-Louis et un différentiel de -165, les Canadiens semblent pris dans un cycle de défaites sans fin, sans que la situation ne s’améliore. Même qu'elle empire.
Ce n’est pas que la reconstruction soit inattendue, mais après trois ans, les résultats sont attendus. Or, au lieu de progresser, Montréal est en régression.
Pour Lajoie, ce retour prouve une dure vérité : malgré la promesse d’un avenir radieux, l’équipe actuelle n’est pas en bien meilleure posture que celle que Bergevin avait laissée.
Hughes et Gorton ont peut-être initié un projet à long terme, mais pour l’instant, les résultats concrets sont faibles, et les choix stratégiques, souvent discutables.
Le fantôme de Marc Bergevin est peut-être un mirage, de la nostalgie des années de feux et de flammes où chaque saison portait au moins la promesse qu'on allait se battre pour les séries.
Pour certains fans, c’est ce goût du risque, cette vision du hockey presque impulsive, qui manque aujourd’hui à Montréal.
L’équipe actuelle est peut-être construite pour le long terme, mais elle a perdu en cours de route ce sentiment d’urgence, cette passion brute qui faisait vibrer le Centre Bell.
Jean-Charles Lajoie, en évoquant ce regret, rappelle que le hockey à Montréal est bien plus qu’une série de décisions stratégiques.
C’est une affaire de cœur, de passion, et pour les partisans, les chiffres de la reconstruction comptent moins que le sentiment d’une équipe prête à se battre, coûte que coûte.
Oui, Lajoie aimerait que Bergevin revienne à Montréal. Mais il oublie que si on a dû reconstruire...c'est que Marc Bergevin avait tout détruit...