Louis-Philippe Neveu, directeur général de TVA Sports, se retrouve dans l'eau chaude.
Nommé à la tête de la station en novembre 2020 avec un mandat clair de la rendre rentable, Neveu n'a pas ménagé ses efforts pour redresser la barre.
Cependant, force est de constater que son royaume s'est écroulé sous le poids des dettes, malgré sa vision ambitieuse et son engagement sans faille.
À l'époque de sa nomination, Neveu voyait TVA Sports comme une aventure prometteuse pour les artisans de la chaîne.
« Le Canadien joue mieux, les gens embarquent et sont heureux », affirmait-il à Réjean Tremblay, fier des pics d’audience atteints pendant l'épopée vers la Coupe Stanley en pleine pandémie, avec des pointes à plus d’un million de téléspectateurs.
Fort de ces succès temporaires, il avait misé sur le direct, convaincu que le sport, contrairement aux autres programmes télévisés, restait un contenu que le public voulait suivre en temps réel.
En multipliant les événements en direct, avec plus de 200 matchs de hockey diffusés cette année, ainsi que l’acquisition de droits pour l’Euro, la Formule électrique, les Blue Jays et la boxe, Neveu espérait tirer TVA Sports du bourbier.
Mais la réalité du marché québécois est sans pitié, et la grande erreur de Neveu a peut-être été de maintenir en poste des personnalités dont l’influence sur l’audience est devenue négligeable.
Comment justifier que Jean-Charles Lajoie, avec une émission aussi peu écoutée, soit l’employé le mieux payé de la chaîne?
Ou encore que des critiques croissantes à l’égard d’Élisabeth Rancourt n’aient pas incité à la remplacer par Frédérique Guay, dont la popularité est énorme au Québec?
Ces choix stratégiques, combinés à des investissements considérables pour "coacher" ses employés indésirables aux yeux du public comme Félix Séguin et Patrick Lalime, n’ont tout simplement pas porté leurs fruits.
Il faut cependant reconnaître que Neveu a toujours vu grand et n’a jamais manqué d’audace. Son ambition et sa vision étaient sans doute mieux adaptées à un marché comme celui des États-Unis, où il aurait peut-être prospéré.
En fait, son partenariat avec Tony Martinez, un coach de talents télévisuels renommé aux États-Unis, reflète cette volonté de repousser les limites.
Martinez, reconnu pour avoir transformé Tony Romo en un analyste vedette à CBS, a été invité par Neveu à entraîner des commentateurs de TVA Sports montrant de grandes faiblesses de communication, tels que Maxim Lapierre et Guillaume Latendresse, en leur enseignant des techniques précises pour captiver l'audience en moins de 24 secondes.
« J’ai contacté Tony Martinez et il a travaillé avec nos commentateurs. Par exemple, il a enseigné à Maxim Lapierre et à Guillaume à toujours énoncer leur point principal dans les premières secondes d’une intervention et à fournir les explications après. Le tout dans un laps de 24 secondes. » affirmait-il à Réjean Tremblay en juin 2021, alors que le journaliste travaillait pour le Journal de Montréal.
Il a travaillé avec Félix Séguin et Patrick Lalime sur le rythme et le timing d’une analyse dans le flux d’un match. C’est un très grand coach de talents et je suis emballé par son travail avec nous.
Martinez a donc aussi tenté de remettre Félix Séguin et Patrick Lalime sur le droit chemin. L'effort est louable, mais les cotes d'écoute n'ont pas suivi. Il y a encore autant de francophones qui préfèrent écouter le hockey en anglais à Sportsnet, plutôt qu'à TVA Sports.
Malgré ces efforts, le succès escompté n’a jamais été au rendez-vous, et les grands projets de Neveu se sont soldés par des dettes plutôt que par des profits.
Un autre domaine où Neveu avait à cœur de progresser était l’équité hommes-femmes à l’écran. Élisabeth Rancourt, Mélodie Daoust et Frédérique Guay ont pris des responsabilités accrues, une initiative louable mais qui, selon Neveu, doit encore être développée.
Cependant, cette approche, aussi bien intentionnée soit-elle, n’a pas suffi à inverser la tendance négative des dernières années. Pourquoi? Tout simplement parce que les Québécois demandent depuis des lunes que Frédérique Guay prenne la place d'Élisabeth Rancourt, ce que le DG de TVA Sports a ignoré constamment.
Louis-Philippe Neveu doit aujourd’hui commencer à rendre des comptes. Ses ambitions pour TVA Sports étaient grandes, mais elles se sont heurtées aux dures réalités du marché québécois.
Peut-être était-il trop visionnaire pour une province qui n'était pas prête pour ses grands projets, ou peut-être a-t-il simplement sous-estimé les forces en place, notamment l’alliance fusionnelle entre Bell et Molson qui a favorisé RDS.
Quoi qu’il en soit, Neveu, souriant malgré les défis, doit maintenant affronter l’inévitable : son royaume s’est effondré, et il ne peut plus cacher cet échec derrière les illusions de ses ambitions passées.
La plus grande erreur de Louis-Philippe Neveu en tant que directeur général de TVA Sports a été de mettre tous ses espoirs dans Jean-Charles Lajoie, en décidant de vivre et mourir avec lui.
Neveu a cru que Lajoie, malgré ses faibles cotes d’écoute, pourrait devenir la figure de proue qui attirerait l'audience et renverserait la situation financière de la chaîne.
Mais au final, Neveu a tout perdu avec JIC. Les difficultés financières de TVA Sports ont révélé à quel point ce choix stratégique s’est avéré désastreux.
Jean-Charles Lajoie, qui perçoit un salaire exorbitant de 400 000 dollars par an, un chiffre qu'il avait malencontreusement révélé lors d'une interview intime avec le journaliste Alexandre Pratt, est devenu un symbole de l'échec de TVA Sports.
Dans un environnement où les revenus publicitaires et les abonnements sont en chute libre, une telle rémunération pour une émission qui attire à peine l'audience semble tout simplement insoutenable.
« Ce n’est pas normal que dans une boîte, tu aies des gens payés 40 000 $ et d’autres 400 000 $. Les deux sont aussi importants, sauf sur un principe : les revenus », rappelait Lajoie à La Presse, illustrant ainsi le paradoxe au sein de la station.
Les faibles cotes d'écoute de JIC ont provoqué des remous au sein de TVA Sports, où la colère gronde. Alors que la chaîne licencie des employés et fait face à des pertes financières colossales, maintenir Lajoie en poste avec un salaire aussi disproportionné a provoqué une onde de choc à l'interne.
Déjà fragilisés par des vagues de licenciements successifs, les employés s’interrogent : comment justifier un tel salaire alors que l'émission de Lajoie est si peu regardée?
Pire encore, les détracteurs de Lajoie soulignent que sa fameuse sortie publique contre les habitants des régions pendant la pandémie de COVID-19 a porté un coup fatal à la chaîne.
« Les imbéciles heureux en région qui ne se sentent pas concernés par la crise et qui réclament le déconfinement, je vous méprise », avait-il déclaré.
Cette sortie a aliéné une grande partie du public québécois, scellant ainsi le destin de TVA Sports.
Malgré tout, Louis-Philippe Neveu a continué de soutenir Lajoie, influencé par leur relation personnelle. Avec évidemment le soutien sans limite de Pierre-Karl Péladeau.
Rappelons que le patron de Québecor et Lajoie partagent des parcours marqués par des défis personnels, ce qui explique en partie pourquoi Péladeau est resté fidèle à Lajoie malgré les critiques internes et les pertes financières.
Péladeau, qui a lui-même surmonté une enfance difficile et des relations tendues avec son père, voit en Lajoie un reflet de sa propre enfance difficile.
Cette connexion émotionnelle explique pourquoi il n’a jamais remis en question la présence de Lajoie, même au détriment de la rentabilité de TVA Sports.
Dans ce contexte, Neveu aurait dû avoir le courage de dire à Péladeau qu'il fallait montrer la porte de sortie à Lajoie.
Car cette loyauté envers Lajoie a des conséquences graves pour TVA Sports. Depuis sa création, la chaîne n'a jamais été rentable, avec des pertes accumulées de 242 millions de dollars depuis 2011.
En 2023, TVA Sports a encore perdu 9 % de ses abonnés, et les pertes financières s'accumulent dangereusement.
Alors que la fin du contrat de diffusion exclusive de la LNH en 2026 approche, l'avenir de TVA Sports est plus incertain que jamais.
Certains experts suggèrent même des solutions de dernier recours, comme un partenariat avec Bell ou Rogers pour partager les coûts de diffusion.
Pour Neveu, qui a misé toute sa stratégie sur Lajoie, c'est un échec cuisant. Malgré ses ambitions et ses efforts, la chaîne est en train de couler sous le poids des dettes.
Pendant ce temps, Lajoie continue d'empocher ses 400 000 dollars par an, un chiffre qui semble irréel dans un contexte où tant d’employés ont été congédiés.
Pour ces employés, la relation privilégiée entre Neveu, Péladeau et Lajoie est incompréhensible et injuste. Ils se sentent trahis, voyant en Lajoie un bénéficiaire de ses amitiés personnelles qui lui permet de garder son poste, malgré des performances médiocres et une audience en chute libre.
La chute de Jean-Charles Lajoie incarne les contradictions et les tensions internes qui rongent TVA Sports. Neveu, qui avait le mandat de rendre la chaîne rentable, a échoué en plaçant tous ses espoirs dans une figure qui n’a pas su répondre aux attentes.
Louis-Philippe Neveu est un dirigeant qui a clairement mis toute son énergie et ses idées au service de TVA Sports.
Ses intentions étaient légitimes: faire de la chaîne un acteur incontournable du sport au Québec, avec une programmation dynamique et innovante.
Il a cherché à redresser la barre avec des initiatives ambitieuses, des partenariats stratégiques et des investissements conséquents dans le direct et ses "talents", au point de faire appel au coach de Tony Romo pour entraîner les Séguin, Lalime, Latendresse et Lapierre de ce monde.
Malheureusement, dans sa quête pour sauver TVA Sports, il s'est égaré, misant sur des personnalités comme Jean-Charles Lajoie et des projets qui n'ont jamais réellement trouvé leur public.
Justement, Neveu n'écoute pas son public. Sinon, Lajoie ne serait plus là depuis longtemps et Frédérique Guay serait devenue une figure principale et incontournable de la chaîne depuis longtemps.
En cherchant à tout prix à transformer la chaîne en un succès rapide, il a négligé les réalités économiques et les attentes des téléspectateurs québécois.
Malgré ses efforts et sa vision, il n'a pas réussi à éviter le naufrage financier de TVA Sports.
Sa plus grande erreur a été de ne pas réajuster sa stratégie... avant qu'il ne soit trop tard...