Matin difficile pour Logan Mailloux et sa famille: personne ne mérite ça

Matin difficile pour Logan Mailloux et sa famille: personne ne mérite ça

Par David Garel le 2025-11-10

C’est ce qu’on appelle un scénario cruel. Le genre de joun où un joueur réalise que le hockey, parfois, peut être impitoyable. 

Logan Mailloux, rétrogradé dans la Ligue américaine par les Blues de Saint-Louis, jouera mercredi matin contre son ancienne équipe, le Rocket de Laval. Et pour lui, cette rencontre n’a rien d’un simple match de reprise. C’est un rappel brutal de tout ce qu’il a perdu et de tout ce que le public lui fait encore payer.

À 10h35 à Springfield, dans une aréna à moitié remplie, l’ancien espoir du Canadien de Montréal va retrouver les visages, les logos, les gestes familiers de Laval. 

Imaginez à quel point il va se réveiller du mauvais pied mercredi.

Autour de lui, c’est la tempête. Pas seulement sportive. Humaine. Sociale. Numérique. Car depuis l’annonce de sa rétrogradation, les réseaux sociaux se sont transformés en tribunal public.

Et cette fois, les attaques ne viennent pas seulement de St-Louis. Elles viennent du Québec.

La nouvelle de son retour dans la Ligue américaine a agi comme un déclencheur. À peine le communiqué officiel publié par les Blues, les partisans du Canadien et du Rocket se sont rués sur les plateformes sociales pour ressasser le passé.

 Les vieux souvenirs, les anecdotes de Laval, les moqueries sur son attitude et sa prétention d’alors, tout est revenu.

« Il se prenait pour une vedette à Laval », écrit un internaute.

« Avec son garde du corps, il pensait être dans la LNH », ajoute un autre.

« Karma. Il récolte ce qu’il a semé », conclut un troisième.

C’est sans pitié. Et c’est d’autant plus choquant que ces messages ne viennent pas de Saint-Louis, mais bien de Montréal, Laval, Trois-Rivières, Sherbrooke… Là où on devrait, en principe, comprendre mieux que quiconque la pression que vit un jeune joueur de 21 ans pris dans une spirale de malchance et d’erreurs.

Mais la rancune est tenace. Et le public québécois, toujours prêt à défendre ses propres jeunes, n’a jamais pardonné à Logan Mailloux ses erreurs de jeunesse ni son comportement jugé arrogant à son arrivée à Laval.

À l’époque, il circulait partout dans la ville de Laval avec un garde de sécurité, participait à des soirées avec une attitude de star, et semblait persuadé qu’il était au-dessus de la Ligue américaine.

Cette image lui colle encore à la peau. Et aujourd’hui, alors qu’il se retrouve au même endroit, mais de l’autre côté, ce passé revient le hanter avec une violence inouïe.

Pour les Blues de Saint-Louis, la situation de Mailloux est devenue un casse-tête. En neuf matchs dans la LNH, il n’a récolté aucun point, affiche un différentiel de -12, et a été directement impliqué dans plusieurs buts coûteux. Jim Montgomery, son entraîneur, a fini par trancher : retour dans la Ligue américaine.

« Nous voulons qu’il respire, qu’il retrouve confiance », a-t-il expliqué. Mais personne n’est naïf Ce renvoi n’est pas une étape planifiée du développement. C’est une punition. Un aveu d’échec.

Et l’ironie est cruelle : le premier match de ce nouveau chapitre tombe contre Laval, son ancienne maison. Le club qui l’a formé. Le public qui l’a abandonné. Les coéquipiers qui ont continué leur ascension pendant que lui dégringolait.

À Montréal, on se félicite d’avoir obtenu Zachary Bolduc en retour de cet échange, même si Bolduc se retrouve dans la niche de Martin St-Louis en ce momemt.

Mais Bolduc était l'un des favoris chez les fans des Blues. Ce qui envenime la situation de Mailloux.

Depuis plusieurs jours, les commentaires les plus virulents visent directement Mailloux et sa famille. Certains ont republié des captures d’écran de vieilles photos, des blagues sur sa réputation, des mèmes humiliants. Des comptes anonymes le traitent de « loser », de « flop total », de « vol raté des Blues ».

Mais ce qui choque le plus, c’est que cette fois, la violence vient des fans du Canadien. Des partisans qui, paradoxalement, réclament toujours « plus d’humanité » dans le sport.

Un ancien joueur du Rocket l’a même défendu sous le couvet de l'anonymat:

« J’ai joué avec Logan. Il était jeune, maladroit, mais travaillant. Ce qu’il subit aujourd’hui, c’est de la haine pure. Ce n’est pas ça, notre hockey. »

Et pourtant, la meute ne se calme pas. Chaque publication de l’organisation des Blues sur Mailloux attire des centaines de commentaires moqueurs, souvent signés par des comptes québécois.

Ce n’est plus du sport, c’est du lynchage numérique.

C’est Chris Pronger, ancien capitaine des Blues et membre du Temple de la renommée, qui a été le premier à monter au front pour défendre Mailloux. Dans une longue sortie transmise à The Hockey News, il a dit ce que personne n’osait dire.

« J’en ai assez. Je peux comprendre les critiques sur un joueur, mais pas les attaques contre sa famille ou sa personne. Ce que je vois en ligne, c’est honteux. »

Et il a ajouté :

« Les gens oublient que ces gars-là sont des jeunes hommes, souvent seuls, qui apprennent sous les projecteurs. Logan ne mérite pas ce qu’il vit. Il doit faire des erreurs pour grandir. »

Pronger, qui a connu les pressions de Saint-Louis mieux que quiconque, a aussi rappelé un fait simple mais essentiel : Mailloux n’a joué que quelques dizaines de matchs professionnels. Trop peu pour le juger, trop tôt pour le condamner.

« Ce n’est pas facile de jouer en défense à cet âge. Il doit simplifier son jeu, ignorer le bruit et se concentrer sur sa progression. Les médias sociaux n’aident pas. Dieu merci, ils n’existaient pas quand je jouais. »

Ce discours tranche radicalement avec la brutalité ambiante. Et il met à nu le malaise profond du hockey moderne : on glorifie les jeunes quand ils brillent, on les détruit quand ils chutent.

Le plus dérangeant, c’est que la haine la plus vive vient du Québec, là même où l’on se cache d’habitude dans des discours sur la compassion, la santé mentale et la bienveillance.

Les partisans du Canadien se moquent d’un jeune qu’ils ont déjà adoré.

Les partisans du Rocket tournent en ridicule un joueur qu’ils ont applaudi il y a un an.

Le Québec hockey s’enfonce dans une contradiction morale : prêcher l’empathie tout en détruisant les siens.

Et c’est là que ce dossier dépasse le sport. C’est un symptôme d’une société devenue insensible, avide de scandales et de boucs émissaires.

 Mailloux n’est pas parfait, loin de là. Mais il reste un jeune homme, pris dans un tourbillon qu’aucune gestion de communication ne peut calmer.

Surtout, sa famille souffre en silence. Peut-on penser aux parents et aux proches de ce jeune homme avant de le traiter de tous les noms?

Mercredi matin, à Springfield, la glace sera silencieuse, mais les regards seront lourds. Logan Mailloux sait que tout le monde l’observe. Il sait que chaque erreur sera amplifiée, chaque geste disséqué.

Mais il sait aussi que c’est peut-être sa dernière chance de changer le récit.

Un bon match contre Laval ne fera pas disparaître la haine, mais il pourrait amorcer quelque chose de plus fort : le pardon.

Et s’il y a une chose que ce sport enseigne mieux que tout, c’est que la rédemption se gagne sur la glace, pas sur les réseaux.