Malaise au Journal de Montréal: Réjean Tremblay se fait voler

Malaise au Journal de Montréal: Réjean Tremblay se fait voler

Par David Garel le 2025-03-15

L’affaire qui secoue aujourd’hui le Journal de Montréal dépasse largement la simple question d’un article ou d’un scoop.

Elle révèle un problème plus profond, plus inquiétant : un déclin évident des standards journalistiques et un effondrement de l’éthique professionnelle.

Lorsque le journaliste François-David Rouleau a publié son texte sur l’arrivée imminente de NASCAR à Montréal en 2026, un détail frappant sautait aux yeux : l’information avait déjà été rendue publique, plusieurs jours auparavant, par nul autre que Réjean Tremblay.

Le 10 mars dernier, Réjean Tremblay a dévoilé en primeur une information cette information majeure.

Il n’a pas lancé une hypothèse au hasard, il s’est appuyé sur des faits concrets et des sources solides. Il a révélé que François Dumontier, président de l’ASN canadienne ( Autorité Sportive Nationale du sport automobile) et acteur clé du sport automobile au pays, s’était rendu à Daytona Beach les 15 et 16 février, non pas pour le plaisir, mais pour discuter affaires avec les dirigeants de NASCAR.

Montréal est devenue la seule option viable après l’échec de NASCAR à Toronto et Edmonton. Tremblay a même avancé une date précise : avec le Grand Prix de Formule 1 déplacé au 24 mai 2026 pour des raisons écologiques, NASCAR occupera l’espace vacant et s’installera sur l’Île Notre-Dame dès le début juin.

Selon lui, la grande course de la NASCAR Cup se tiendra le dimanche 7 juin 2026. Son texte ne laissait place à aucun doute : il détenait l’information avant tout le monde.

C’est cette nouvelle exclusive qui, cinq jours plus tard, s’est retrouvée sous la signature de François-David Rouleau au Journal de Montréal, sans la moindre reconnaissance du travail de Tremblay.

Aucune mention du vétéran journaliste, aucune référence au travail du vétéran.

Ce n’est pas une simple omission. C’est un choix. Et ce choix en dit long sur ce que devient le Journal de Montréal.

Pour comprendre la portée de cet événement, il faut revenir quelques années en arrière. Réjean Tremblay n’a pas quitté le Journal de Montréal sur un coup de tête.

Il n’est pas parti à cause d’un différend mineur ou d’un caprice personnel. Il est parti parce qu’il était inquiet. Inquiet de voir ce qu’était en train de devenir le journal auquel il avait tant donné.

Tremblay a longtemps été une pierre angulaire du Journal de Montréal. Il incarnait un journalisme rigoureux, tranchant, capable d’aller au-delà des simples faits pour raconter une histoire, une vraie, avec du fond et du contexte.

Mais au fil des années, il a vu le journal se transformer. Les exigences de rapidité ont pris le dessus sur la qualité, les scoops sont devenus des objets de consommation immédiate, et l’éthique journalistique a commencé à s’effriter.

Ce n’était plus une question de bien informer, mais d’être le premier à publier, peu importe le moyen.

Là où autrefois le journalisme d’enquête et d’analyse régnait, c’est aujourd’hui la culture du copier-coller et de la récupération qui semble l’emporter.

Tremblay l’a vu venir. Il savait que tôt ou tard, cette dérive atteindrait un point critique. Il savait aussi que si lui pouvait quitter en restant fidèle à ses principes, d’autres, en revanche, choisiraient de s’adapter à cette nouvelle réalité, quitte à en oublier les bases du métier.

C’est exactement ce qui s’est produit avec François-David Rouleau. Son article n’est pas qu’un simple texte sur NASCAR. Il est le symptôme d’un problème plus large : un relâchement total des principes journalistiques.

Il aurait suffi d’un paragraphe, d’une mention, d’une reconnaissance du travail accompli par un confrère. Mais non.

Ce qui importait, c’était de s’approprier le sujet, de le reformuler, de le republier comme si l’information venait du Journal de Montréal, sans aucun regard en arrière.

Ce type de comportement pose une question fondamentale : où est l’éthique ? Où est le respect du métier ? Si un journaliste peut aujourd’hui s’accaparer un sujet déjà publié ailleurs sans citer sa source, que restera-t-il demain ?

Cette manière de faire, au-delà du manque de professionnalisme, témoigne aussi d’un laxisme inquiétant. On ne prend plus le temps de faire les choses correctement.

On coupe les coins ronds. On mise sur la vitesse au détriment de l’intégrité.

Une rédaction gangrenée par la paresse intellectuelle.

Mais le problème ne se limite pas à un seul journaliste. Ce qui est encore plus troublant, c’est que cette culture du moindre effort semble désormais tolérée au sein du Journal de Montréal.

Là où un rédacteur en chef aurait dû hausser un sourcil et poser des questions, il n’y a eu qu’un silence gênant. Personne ne s’est levé pour dire : 

« Ce n’est pas comme ça qu’on travaille. Ce n’est pas comme ça qu’on fait du journalisme. »

Ce silence est révélateur. Il montre que le malaise dont parlait Réjean Tremblay à son départ était bien réel. Il ne s’agissait pas d’une impression, d’un simple ressenti personnel. Il s’agissait d’un problème structurel qui pollue peu à peu les fondations du journal.

L’affaire François-David Rouleau n’est donc pas qu’un incident isolé. Elle est le reflet d’une rédaction qui a perdu ses repères.

Un journal qui, jadis, misait sur des plumes fortes, capables d’aller chercher des histoires exclusives, se retrouve aujourd’hui à faire du recyclage à peine dissimulé.

Le pire dans tout cela, c’est que cette histoire ne surprendra pas Réjean Tremblay. Lui qui, il y a quelques années, avait pris la décision de partir, conscient que l’environnement devenait toxique, doit aujourd’hui regarder cette situation avec un mélange d’amusement et de désolation. Il avait vu venir cette déchéance.

Il savait qu’en refusant d’investir dans la qualité et en laissant des journalistes comme François-David Rouleau s’installer dans la facilité, le journal courait droit vers l’effondrement de sa crédibilité.

Et c’est là toute l’ironie. Tremblay était un pilier du Journal de Montréal. Il y incarnait un journalisme fort, incisif, qui dérangeait mais qui respectait avant tout l’intelligence du lecteur.

Son départ n’a pas été un simple changement de personnel. Il a été un signal d’alarme. Un signal que personne n’a voulu écouter.

Aujourd’hui, nous en voyons les conséquences. Un journalisme paresseux, sans rigueur, où l’éthique passe au second plan et où l’on tente de faire oublier ceux qui ont pavé la voie.

Mais une chose est certaine : on ne peut pas réécrire l’histoire. On ne peut pas effacer l’héritage de Réjean Tremblay.

Et surtout, on ne peut pas bâtir un journalisme solide sur des fondations aussi fragiles que l’opportunisme et la paresse intellectuelle.