Le mot circulait dans les coulisses comme une rumeur sordide. Martin St-Louis allait-il devoir se justifier devant un tribunal? Un tribunal populaire?
L’ambiance autour du Canadien de Montréal était devenue si toxique pendant cette saison qu’on aurait cru entendre les murmures d’un procès à venir.
Les mots “conflit d’intérêts”, "faveurs en-dessous de la table", “favoritisme” et “copinage” revenaient sans cesse dans les médias sportifs et les réseaux sociaux.
On imaginait déjà l’acte d’accusation : un entraîneur sans expérience professionnelle parachuté derrière le banc d’une équipe historique, gracieuseté de ses « chums » Jeff Gorton et Kent Hughes.
L’accusé? Martin St-Louis sur une chaise en cuir bien rembourrée, au cœur du “country club” le plus moelleux de la LNH.
Le country club de Jeff Gorton, Kent Hughes et Martin St-Louis était au centre de toutes les attentions.
Les trois hommes, plus inséparables que jamais, se pavanant dans leur rôle de vice-président, directeur général et entraîneur-chef, semblaient intouchables, confortablement assis dans les fauteuils les plus prestigieux de l’organisation.
Et pendant qu’ils riaient aux éclats, des entraîneurs de carrière se demandaient ce qu’ils devaient faire de plus pour obtenir une chance comme celle-là.
On accusait Jeff Gorton d’avoir nommé son ami Kent Hughes, puis ce dernier d’avoir embauché son propre ami Martin St-Louis, un entraîneur dont l’expérience se résumait aux catégories bantam.
Une opération entre copains. Un monopole d'amitié à peine voilé. Un trio qu’on surnommait déjà avec cynisme le “Club Med” du CH.
Mais au final, la seule faveur que Martin St-Louis aurait reçue… c’est qu’on lui ait laissé une chance.
Et il en a fait une révolution.
Que ses détracteurs aillent se coucher. Que les chroniqueurs du dimanche remballent leurs insinuations. Que les nostalgiques du country club sortent leurs violons.
Parce qu’aujourd’hui, les faits sont là. Le jugement est tombé. Le plus grand entraîneur de tous les temps a parlé. Et ses mots, aussi simples soient-ils, sont venus clore un débat ridicule qui n’aurait jamais dû exister : Martin St-Louis mérite sa place. Point final.
Scotty Bowman, neuf coupes Stanley à titre d’entraîneur-chef, légende vivante de la LNH, n’a pas seulement validé le parcours de Martin St-Louis : il a enterré une fois pour toutes le mythe que l’actuel entraîneur du Canadien aurait obtenu ce poste par copinage.
Une rumeur honteuse et persistante.
Depuis son embauche en 2022, Martin St-Louis a traîné un boulet injuste. Celui de l’inexpérience, bien sûr, mais surtout celui du favoritisme supposé.
Les sceptiques se sont vite fait entendre :
« Il n’a jamais coaché », « il a des amis à la direction », « c’est un country club orchestré par Jeff Gorton et Kent Hughes ».
Le mot « country club » est revenu comme un refrain moisi par les détracteurs de St-Louis. L’idée qu’un petit cercle de privilégiés aurait fermé la porte aux entraîneurs de métier pour offrir les clés du plus prestigieux vestiaire du hockey à un ancien joueur populaire.
Certains sont même allés jusqu’à dire que Pascal Vincent et Patrick Roy méritaient davantage cette chaise. Un procès permanent dans la place publique, monté sur l’absence d’un CV traditionnel. Mais un procès basé sur l’ignorance.
Puis voilà que Scotty Bowman sort de son silence. Pas pour flatter. Pas pour vendre un livre. Pas pour défendre un ancien collègue. Juste pour dire la vérité. Une vérité qui coupe à travers le vacarme comme un scalpel dans une tumeur.
« Martin n’a demandé aucune faveur pour obtenir ce poste. Il accomplit son travail avec la même confiance qui l’animait lorsqu’il jouait. Il croit en ce qu’il fait. »
C’est simple. C’est clair et sans pitié. Surtout, ça vient d’un homme qui a dirigé Guy Lafleur, Bob Gainey, Steve Yzerman, Mario Lemieux. Bowman ne distribue pas les compliments à l’aveugle. Il ne dit pas ces choses-là pour faire plaisir à Montréal ou pour s’inventer une proximité. Il parle parce qu’il a observé, analysé, et qu’il voit en Martin St-Louis un leader.
Il se souvient l’avoir rencontré un soir à Tampa. St-Louis était blessé, mais il avait déjà la flamme d’un entraîneur : impatient de revenir, convaincu qu’il avait un rôle à jouer, habité par une certitude inébranlable.
« Son attitude m’avait impressionné. »
En un témoignage, Bowman remet les pendules à l'heure. Non, Martin St-Louis n’a pas volé sa place. Non, il n’a pas profité d’un passe-droit. Il a été embauché parce qu’il est un combattant, un penseur du jeu, un communicateur hors pair.
Et s’il a tenu bon dans la tempête, c’est précisément parce qu’il ne doit rien à personne, sauf à lui-même.
Il n’a jamais eu besoin de défendre son embauche. Il a laissé ses actes parler. Il a pris une équipe moribonde, un vestiaire qui s’effondrait sous les blessures et les défaites, et il en a fait un groupe soudé, résilient, dynamique.
Aujourd’hui, les Canadiens sont en séries. Aujourd’hui, Cole Caufield, Nick Suzuki, Juraj Slafkovsky, Kaiden Guhle, Lane Hutson et Ivan Demidov jouent avec un feu sacré. Et cette flamme, c’est lui qui l’a allumée. Par la discipline, par l’écoute, par une vision claire de ce qu’il veut bâtir.
Scotty Bowman est un visionnaire. C’est lui qui qui a osé former un comité de sept à Montréal pour inclure les Dryden, Savard, Lafleur et Gainey dans les décisions. Il n’a jamais eu peur des idées neuves. Et il voit en Martin St-Louis un homme de la même trempe.
Un homme qui sait écouter, mais qui ne recule pas. Qui accepte les critiques sans s’en nourrir. Qui ne s’excuse pas d’avoir été choisi.
Le parallèle avec Sam Pollock, que Bowman évoque aussi, est loin d’être anodin. Pollock bâtissait en pensant cinq ans en avance. Gorton et Hughes font de même. Et leur choix d’entraîneur ne relève pas du hasard : ils ont vu en St-Louis un prolongement de leur vision.
Le 2 %, vous vous en souvenez ? Ce chiffre ridicule que les modèles statistiques donnaient au Canadien pour faire les séries après la pause des 4 Nations. Deux pour cent. On aurait cru entendre les critiques de Lajoie, Bergeron, Therrien et compagnie.
Mais St-Louis n’a pas paniqué. Il n’a pas crié sur les arbitres. Il n’a pas brisé de bâton. Il a répondu par la cohésion. Par l’effort. Par les ajustements.
Qu'on se le dise une fois pour toutes
Il est temps d'enterrer la hache. Il est temps de mettre fin au procès malhonnête de Martin St-Louis. S’il avait échoué, on aurait dit que c’était prévisible. Mais il a réussi. Et plutôt que de lui accorder le mérite, on cherche encore à lui rappeler qu’il n’a jamais coaché dans la AHL.
Et alors ?
Il a coaché dans la vie. Il a traversé les humiliations, les rejets, les non-repêchages. Il a remporté le Hart, l’Art Ross, la coupe Stanley. Il a élevé ses enfants, il a enterré sa mère, il a compris que le hockey, c’est plus qu’un système. C’est une culture.
Et c’est cette culture qu’il instille chaque jour à son équipe.
Ceux qui doutent encore devraient écouter les frissons dans la voix de Scotty Bowman quand il parle de lui. Parce qu’il sait de quoi il parle. Et parce qu’il reconnaît les siens.
Martin St-Louis n’a jamais demandé l’amour des médias. Il n’a jamais demandé l’indulgence des analystes. Il voulait juste une chose : l’opportunité de gagner.
Aujourd’hui, il l’a. Et ceux qui l’ont toujours ridiculisé feraient bien de tourner la page. Parce que le CH est de retour. Et il le doit à Martin St-Louis.