À Montréal, on aime le chaos calculé, mais seulement quand il se déroule sur la glace.
Pas devant les caméras.
Et pourtant, c’est exactement ce qui s’est produit avant le match contre l’Utah.
Martin St-Louis a voulu livrer un message profond, philosophique, sur l’importance de « ne pas courir après les résultats ».
Mais plus il s’expliquait, plus l’incohérence sautait aux yeux.
Et forcément, si les résultats ne comptent pas, pourquoi punir indirectement le gardien le plus efficace de l’équipe ?
Parce que oui : Jakub Dobeš ne perd pas.
Six victoires en sept départs, une seule défaite en fusillade.
Aucune en temps réglementaire. Une moyenne de buts alloués de 2,25 et un taux d’efficacité de ,920.
À Montréal, on appelle ça un gardien qui a « gagné son filet ».
Mais pas pour Martin St-Louis, qui a décidé de revenir avec Samuel Montembeault devant le filet… malgré ses statistiques inquiétantes : seulement trois victoires cette saison, une moyenne de 3,67 et un pourcentage d’arrêt de ,855.
Et ce n’est pas juste une question de chiffres : Montembeault reste marqué par ce match contre Philadelphie où il s’est fait huer après trois buts en dix minutes.
Même la direction a reconnu qu’il est resté longtemps dans le vestiaire après la rencontre, incapable d’en sortir.
Alors forcément, quand St-Louis affirme devant les médias : « Je ne veux pas que mes joueurs soient dans le résultat. Une performance juste pour avoir le résultat, ça t’amène rien. Tu peux pas être juste dans le résultat, tu dois être dans le process », ça fait sourciller.
Parce que si le résultat n’est pas ce qui compte, pourquoi retirer le filet à Dobeš après une seule défaite… en fusillade?
Et pourquoi revenir immédiatement à Montembeault, si ce n’est justement à cause du résultat?
L’entraîneur a insisté :
« C’est sûr que le résultat, c’est important, mais tu ne peux pas te perdre là-dedans. Parce que si tu te perds là-dedans, tu ne vois plus où tu t’en vas. »
Puis il a ajouté : « Gérer les attentes, c’est important. Tu ne peux pas jouer au hockey en te disant que si tu fais une erreur tu vas perdre ta place. »
Ironie cruelle : c’est précisément ce que vit Jakub Dobeš en ce moment. Il sait que s’il perd, même en fusillade, il ne jouera pas le match suivant. Et ça, ce n’est pas une théorie philosophique. C’est un fait.
Ce qui dérange, ce n’est pas que St-Louis protège Montembeault. Ça, on peut le comprendre. C’est un Québécois respecté, un bon soldat qui n’a jamais triché et qui a accepté des contrats d’équipe pendant des années.
Mais quand l’entraîneur explique qu’il faut « sortir du résultat » pour mieux bâtir, tout en basant ses décisions sur ce même résultat, ça crée un malaise.
Et surtout, ça envoie un double message à un jeune gardien qui, lui, fait tout correctement.
Ce que St-Louis attend de Dobeš est clair : moins d’émotion, plus de recul.
Il l’a déjà dit publiquement : « Il faut qu’il apprenne à se détacher du résultat. »
Mais en même temps, il l’empêche de jouer après une défaite. Comment apprendre à gérer l’échec… si on t’enlève dès que tu échoues?
Comment prêcher la patience quand tu retires le filet au gardien qui performe le mieux, simplement parce qu’il a perdu une fusillade?
Ce soir encore, devant l’Utah, c’est Montembeault qui aura la cage. Et c’est un pari dangereux.
Parce qu’au Centre Bell, les huées sont rapides. Et si Montembeault accorde un but douteux en première période, la tension va exploser.
Non pas parce que les partisans ne l’aiment pas, mais parce qu’ils ne comprennent plus la logique.
D’un côté, un gardien invaincu en temps réglementaire, calme, efficace, 2,25 de moyenne.
De l’autre, un vétéran qui cherche sa confiance, qui n’a que trois victoires et des statistiques qui font mal.
St-Louis parle de développement, de processus, d’équilibre. Il veut éviter de brûler Dobeš trop vite.
Sur papier, ça l'a du sens. Mais dans la réalité, il envoie un message flou : « Ne pensez pas au résultat… sauf quand moi, j’y pense. »
Le discours et les décisions ne marchent plus ensemble. Et à Montréal, quand les paroles ne collent plus avec les actes, les journalistes posent des questions. Les partisans s’enflamment. Et le vestiaire écoute en silence.
Le Canadien est en train de naviguer entre deux vérités : protéger un vétéran respecté ou récompenser un jeune qui performe.
Mais si Martin St-Louis veut que le vestiaire adhère à sa philosophie, il devra bientôt choisir entre la cohérence… et la contradiction.
Misère
