Parfois, on voit très précisément le moment où un entraîneur cesse de protéger ses jeunes pour leur tendre un miroir.
AUjourd'hui, devant les journalistes, Martin St-Louis a montré ce visage-là : pas fâché, mais vidé.
Pas agressif, mais las. Un coach qui vient d’atteindre la limite de ce qu’il est prêt à tolérer de son avantage numérique… et de certains de ses joueurs.
Le Canadien n’avance plus quand il a l’avantage d’un homme.
Les mêmes patterns reviennent, les mêmes erreurs s’enchaînent, les mêmes hésitations plombent tout.
Et pour la première fois de la saison, Martin St-Louis a laissé tomber le ton diplomatique pour dire, avec une franchise désarmante : « Il y a des joueurs qui ne font pas leur job sur l’avantage numérique. »
Il n’a pas prononcé le nom. Il n’avait pas besoin de le faire.
Tout le monde a compris qu’il parlait d’Ivan Demidov.
Demidov, qui voit la glace comme personne, mais qui, depuis deux semaines, refuse obstinément de tirer.
Ce jeune qui pourrait être une menace constante du flanc droit, mais qui coupe toujours l’option la plus simple pour tenter la passe parfaite.
Et c’est exactement ce que St-Louis a dénoncé en expliquant qu’il était “fatigué de voir des gars laisser passer des occasions évidentes”.
C’est là que le message devient brutal, parce que les actions ont parlé plus fort que les mots.
Le duo Demidov–Hutson, que le publique adore en ce début de saison, a été cassé.
Carrément. Fini le luxe de les laisser improviser à deux, à jouer au téléphone arabe sur la bleue, à chercher l’ouverture idéale. Le coach a tout balayé.
Demidov a été relégué à la deuxième unité.
Et pas dans des conditions avantageuses : il se retrouve maintenant avec Noah Dobson à la pointe, Jared Davidson dans le bumper, un Suzuki utilisé sur deux minutes complètes… et Brendan Gallagher en présence fixe devant le filet.
L’image est éclatante : le joyau joue maintenant avec les travailleurs, pas avec les artistes.
Et tout ça repose sur une raison simple : Martin St-Louis ne peut plus se permettre de regarder ses deux playmakers gauchers, Demidov et Hutson, refuser de tirer en même temps. « Il faut que quelqu’un tire », a laissé tomber St-Louis, d’un calme qui sonnait presque comme un avertissement.
C’est une ligne qu’on ne peut pas manquer.
Parce qu’en séparant les deux, le coach a envoyé son message le plus clair depuis qu’il est à Montréal : assez de finesse inutile. Assez de refus de lancer. Assez de petites touches pour rien.
« On ne peut pas jouer à quatre contre zéro », a-t-il lancé.
Pendant que Demidov se cherche, Zachary Bolduc, lui, retrouve sa place sur la première vague.
Bolduc, qui n’a pourtant pas été constant depuis le début de la saison, mais qui tire. Lui, au moins, n’a pas peur de prendre ce qui est donné. Ça dit tout.
C’est aussi une claque indirecte pour Oliver Kapanen, qui méritait amplement une audition sur une deuxième vague, mais ça, c'est un tout autre sujet.
Un droitier avec six buts, capable de gagner des mises en jeu, capable de se placer dans les trous… mais ignoré.
À sa place, on persiste avec Gallagher...
Reste que la cible du jour, celle autour de qui tourne tout ce changement, c’est Demidov.
Martin ne l’a pas humilié. Il ne l’a pas benché. Il ne lui a pas crié après. Il a simplement changé ses trios d’avantage numérique.
Et dans le langage silencieux de la LNH, cette décision-là, prise à la veille d’un match où Montréal a besoin d’air, vaut mille mots.
Demidov n’a pas été puni. Il a été réveillé.
Et parfois, c’est bien pire.
Parce que derrière les sourires forcés du vestiaire, derrière le calme de St-Louis, derrière sa phrase répétée depuis ce matin:
« On demande aux joueurs de prendre ce qui est là » se cache un message limpide : joue simple. Joue vite. Joue vrai.
Ou perds ta place sur l’avantage numérique, un centimètre à la fois.
Demidov est trop talentueux pour rester dans cette phase longtemps.
Mais le hockey nord-américain n’attend personne. Et Martin St-Louis vient de lui rappeler, à sa façon bien à lui, que le Canadien n’a plus le luxe d’être patient.
Et si Martin St-Louis a fait tout ça publiquement aujourd’hui, c’est parce qu’il croit que son jeune est capable de répondre.
À suivre ...
