Martin St-Louis répond à ses détracteurs: ses propos sur Demidov marquent la soirée

Martin St-Louis répond à ses détracteurs: ses propos sur Demidov marquent la soirée

Par David Garel le 2025-10-26

Il y avait dans la voix de Martin St-Louis, après la victoire du Canadien contre les Canucks, ce mélange rare de satisfaction et de justification.

Le ton d’un entraîneur qui sait qu’il vient de désamorcer une bombe médiatique. Depuis deux semaines, on lui reprochait d’avoir freiné l’ascension d’Ivan Demidov, de ne pas lui avoir confié le premier jeu de puissance, de limiter ses minutes alors qu’il prouve chaque soir qu’il est un joueur d’élite.

Ce soir-là, St-Louis a répondu. Mot pour mot. Avec précision. Et une clarté qui en dit long sur sa vision.

« C’était peut-être pas quelque chose que j’allais lui donner en partant, a expliqué St-Louis. Je voulais qu’il me montre qu’il était capable de travailler l’autre bord de la glace, de comprendre que c’est de la valeur, de le valoriser, ce côté-là de la glace. »

Ce passage, clé, résume sa stratégie : St-Louis a voulu d’abord voir si Demidov pouvait se discipliner sans la rondelle avant de lui offrir plus de liberté offensive. Une approche qui trahit un certain perfectionnisme, mais aussi un besoin de contrôler la progression de ses jeunes.

“Je sais qu’il est capable de jouer sur la première vague”

Pendant des semaines, la question revenait : pourquoi Ivan Demidov n’était-il pas sur la première unité d’avantage numérique ? Pourquoi le Russe le plus électrisant depuis Kaprizov était-il coincé sur la deuxième vague, entouré de joueurs de soutien ?

St-Louis, cette fois, n’a pas esquivé :

« Oui, je sais qu’il est capable de jouer une première vague. Là, ça lui donne un petit peu plus de temps de glace. Il a des bons atouts. »

Le ton était posé, mais le message clair : il savait, dès le départ, que Demidov appartenait à l’élite. S’il ne lui avait pas encore donné la clé de la première unité, c’était selon lui une question de processus.

« C’est peut-être pas quelque chose que j’allais lui donner en partant. Je voulais qu’il me montre qu’il était capable de travailler l’autre bord de la glace. »

En d’autres mots : St-Louis avait un plan.

Et il veut qu’on sache que son choix n’était pas un aveu de doute, mais un test de caractère.

“Je voulais qu’il me montre qu’il était capable”

Dans cette entrevue, St-Louis a répété à plusieurs reprises la notion de mérite. Il n’a pas voulu “brûler les étapes”.

« Je voulais qu’il me montre qu’il était capable de comprendre que c’est de la valeur, de le valoriser, ce côté-là de la glace. »

À travers ces mots, on comprend que l’entraîneur cherchait une forme d’équilibre : forcer Demidov à prouver qu’il pouvait défendre, avant de lui offrir la responsabilité créative.

Mais dans la réalité, ce pari aurait pu coûter cher. Pendant que Demidov jouait dix minutes par match, le Canadien stagnait. L’avantage numérique s’effondrait. Le public grondait. Et à chaque période où le jeune Russe restait "pogné" sur la deuxième vague, les critiques se multipliaient.

Aujourd’hui, St-Louis revendique ce parcours comme une construction volontaire. Et il veut que ça se sache.

Une justification habile, mais chargée d’ego.

Quand on l’écoute, on sent aussi une pointe d’orgueil.

St-Louis ne se trompe pas souvent, et il ne supporte pas l’idée qu’on puisse penser qu’il a eu tort. Dans son explication, il réécrit légèrement le scénario : selon lui, tout était planifié, le timing, les minutes, la progression.

« C’est peut-être pas quelque chose que j’allais lui donner en partant… Je voulais qu’il me montre qu’il était capable. Maintenant, il m’a montré ça, et ça me donne l’opportunité de le récompenser. »

Il parle de récompense, pas de correction.

Pourtant, les faits sont là : depuis que Demidov joue sur la première unité, le Canadien marque plus, crée plus, et gagne plus. Ce soir, Demidov a gagné le match à lui tout seul. Pas seulement pour son but et ses deux passes, mais bien de la manière qu'il mange tout le monde sur la glace au niveau talent, coéquipiers comme adversaires.

Les chiffres le prouvent, mais St-Louis tient à garder la main sur le récit.

À plusieurs reprises, il insiste sur la dimension “globale” du jeu.

« Il a les instincts offensifs, puis il a les atouts pour faire ce que son cerveau dit. »

Cette phrase, à première vue flatteuse, cache une nuance. St-Louis ne parle pas de talent, mais de structure. Il admire le cerveau, mais veut que le reste suive les règles.

Et c’est là tout le paradoxe : Demidov est un artiste, St-Louis un professeur d’équilibre. Le premier improvise, le second structure.

Depuis le début de leur relation, cette tension est évidente.

Mais ce soir, le coach a fini par concéder que l’instinct l’emportait.

« Il a joué un excellent match. Il est capable de vendre quelque chose pour ouvrir d’autres choses. »
Une reconnaissance timide, mais réelle.

“Je sais qu’il apprend vite”

Le plus révélateur, c’est ce passage où un journaliste lui demande à quel point Demidov est un bon élève.
St-Louis ne cache pas son admiration :

« Oui, il a les instincts offensifs, puis il a les atouts pour faire ce que son cerveau dit. »

Puis il ajoute, presque en se corrigeant lui-même :

« C’est un bon élève, il apprend vite. »

Ces deux phrases, placées côte à côte, tracent le portrait d’un entraîneur qui découvre à son tour l’intelligence du joueur qu’il cherchait à encadrer. Demidov ne fait pas qu’appliquer les consignes : il les absorbe, les comprend, et les transcende.

Malgré la victoire, St-Louis a insisté sur un autre point : le match n’a pas été parfait.

« C’était pas notre meilleure première période, a-t-il reconnu. On s’est gardés quand même assez proches dans la game. On jouait pas avec nos principes, c’était un petit peu loose là-dessus. Puis on a parlé de ça entre la première et la deuxième. »

Il décrit un vestiaire qui se ressaisit, une équipe qui retrouve son identité offensive dans le deuxième tiers :

« En deuxième et en troisième, on est allés chercher beaucoup plus de momentum dans la zone offensive. On était plus efficaces. Ça nous a donné une chance de revenir, d’aller chercher des punitions. Notre power play était excellent. »

C’est ici qu’il glisse subtilement le nom de Demidov, sans le dire.

Parce que ce “power play excellent”, c’est celui que dirigeait le Russe pour la première fois de la saison.

“Il m’a montré ça, et je l’ai récompensé”

En filigrane, on comprend tout : Demidov a gagné son rôle, mais St-Louis veut qu’on sache qu’il a gagné selon ses règles.

« Il m’a montré ça, puis ça me donne l’opportunité de le récompenser. »

Le mot “récompenser” revient encore, preuve que St-Louis veut que ce soit perçu comme une décision pédagogique, pas une concession.

Pourtant, la réalité est simple : Demidov aurait dû être là depuis le premier jour.

Mais pour St-Louis, l’essentiel est ailleurs : il a tenu son plan, il a façonné le joueur selon sa vision.

Ce discours, rempli de pédagogie et d’orgueil, raconte le Martin St-Louis d’aujourd’hui : un entraîneur qui veut éduquer sans se renier, qui veut développer tout en restant maître du tempo.

Et si le pari finit par porter ses fruits, il pourra dire qu’il avait raison.

Mais il sait aussi qu’il a marché sur une ligne mince : celle qui sépare la patience de l’aveuglement.
Hier, il a prouvé qu’il savait encore rectifier à temps.

Demidov, lui, n’a rien dit après le match. Mais son jeu, son aisance, son impact sur le powerplay ont tout dit pour lui.
Et Martin St-Louis, entre deux phrases prudentes, a laissé filtrer l’essentiel :

« Il a joué un excellent match. »

Traduction : il est enfin libre.